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Nicolas Sarkozy Le temps des tempêtes entretien TF1
Nicolas Sarkozy Le temps des tempêtes entretien TF1
©PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP

"Le Temps des Tempêtes"

Nicolas Sarkozy était invité lundi soir sur le plateau du journal de TF1 à l'occasion de la sortie de son nouveau livre. L'ancien président de la République est revenu sur les premières années de son quinquennat et sur la vie politique française.

Vincent Tournier

Vincent Tournier

Vincent Tournier est maître de conférence de science politique à l’Institut d’études politiques de Grenoble.

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La politique est un éternel recommencement. La prestation de Nicolas Sarkozy ce lundi soir sur TF1 avait quelque chose de réjouissant et de perturbant. Revoir l’ancien président de la République (2007-2012) avec ses tics et ses intonations donnait l’impression de faire une plongée dans un passé pas si lointain, celui d’avant le nouveau monde d’Emmanuel Macron. Pourtant, hormis un net blanchissement des cheveux, rendu encore plus visible par le choix du costume noir, le personnage n’a guère changé, ni sur la forme ni sur le fond.

Comment analyser ce retour médiatique ? Sur le plan politique, Nicolas Sarkozy semble mort, et même doublement mort puisqu’il a subi deux défaites majeures : à l’élection présidentielle en 2012 où il a été battu par François Hollande, et lors de la primaire de la droite en 2016 où il a dû s’incliner face à François Fillon, l’outsider qui a surpris tout le monde.

Mais les hommes politiques ne meurent jamais. Nicolas Sarkozy en sait quelque chose, lui qui a connu sa traversée du désert après 1995. A-t-il à ce point mal vécu son échec humiliant face à son ancien premier ministre qu’il espère prendre sa revanche en 2022 ? Certes, il réfute cette hypothèse (« je ne prépare pas un retour ») mais on sait que ce genre d’affirmation a une portée limitée. A quoi bon en effet prendre la parole maintenant, à moins de deux ans de l’élection présidentielle, avec un discours savamment dosé d’autocongratulation et d’autocritique, si ce n’est pour se rappeler à l’existence des Français ?

La stratégie paraît trop calibrée pour ne pas avoir été pensée. D’un côté Nicolas Sarkozy adopte un statut surplombant, ce qui l’amène à adouber Emmanuel Macron (qu’il qualifie de « républicain ») et à condamner François Hollande (dont les partisans comme Laurent Joffrin travaillent actuellement à un éventuel retour) ; de l’autre il vante ses propres mérites en rappelant notamment qu’il a su gérer la crise économique de 2007-2008, qu’il présente comme plus difficile que celle du coronavirus, et insiste sur le fait qu’il a été le protecteur des épargnants. Au passage, il insiste sur les thématiques qu’il affectionne : l’autorité, la sécurité, l’identité. Curieusement, ce sont ces thématiques que l’actuel gouvernement vient de mettre à l’honneur en nommant Gérald Darmanin au ministère de l’intérieur, lui dont la ressemblance avec Nicolas Sarkozy est particulièrement frappante, que ce soit dans le comportement ou dans le discours, comme si Emmanuel Macron tentait d’occuper un espace politique que Nicolas Sarkozy pourrait être amené à investir.

Bref, le message de Nicolas Sarkozy est clair : j’ai fait le job, je suis disponible, j’ai de bonnes idées, je sais choisir les bonnes personnes (puisque le gouvernement actuel les reprend à son compte, comme Jean Castex, son ancien secrétaire général adjoint), donc je suis logiquement capable de faire mieux que l’actuel résident de l’Elysée.

Avec ce ballon d’essai, Nicolas Sarkozy joue habilement. Il n’a rien à perdre et tout à gagner. Au pire, il en restera un simple livre de souvenirs qui fournira aux générations futures sa version personnelle du quinquennat. Au mieux, sa candidature peut susciter l’intérêt de ceux qui doutent de la victoire d’Emmanuel Macron. On verra alors si les soutiens en sa faveur se multiplient dans les mois qui viennent en proportion inverse des chances de réussite d’Emmanuel Macron.

Dans ce jeu de positionnement tactique, la carte judiciaire occupe aussi une place importante. Le procès de Nicolas Sarkozy doit se tenir au printemps 2021. Les risques d’une condamnation ne sont pas négligeables : les juges n’ont-ils pas été impitoyables avec François Fillon ? Lors de son interview, Nicolas Sarkozy n’a pas manqué d’insister sur les connexions suspectes qui existent entre la justice et le pouvoir. Ce faisant, non seulement il place les magistrats sous la pression de l’opinion et des médias, mais il tente de jeter par avance un certain discrédit sur une éventuelle condamnation. Il laisse aussi entendre qu’il serait mal venu pour les juges de lui chercher des poux dans la tête : pourraient-ils prendre le risque de saborder pour la seconde fois une élection présidentielle ?

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