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Ni la pollution aérienne, ni les émissions de CO2 ne baissent véritablement : mais que se passe-t-il et quelles leçons pour le (non) monde d’après ?
©ALAIN JOCARD / AFP

Impact du confinement ?

Alors qu'il était possible de s'attendre à une diminution de la pollution atmosphérique avec la baisse des activités humaines en cette période de confinement, certaines régions sont toujours touchées par la pollution. Comment expliquer ce phénomène ?

Frédéric Decker

Frédéric Decker

Météorologue - Climatologue à MeteoNews et Lameteo.org

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Delphine Guillaume

Delphine Guillaume

Delphine Guillaume est responsable communication pour ATMO France. Atmo France poursuit un objectif d’intérêt général : contribuer, aux côtés des autres acteurs nationaux, à doter la France d’un dispositif assurant la surveillance de la qualité de l’air et l’évaluation des actions visant à l’améliorer.

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Atlantico : La semaine dernière, les départements du Nord et du Pas-de-Calais ont été concernés par un épisode de pollution créé par l’agriculture ou le chauffage selon la Voix du Nord, malgré la disparition des voitures l’air à Paris reste pollué par de l’Ozone selon Airparif et l’apparition des particules fines est favorisé par la météo printanière.

Nous nous attendions tous à voir une baisse de la pollution atmosphérique avec la baisse des activités humaines et pourtant certaines régions sont toujours touchées par celle-ci. Quels sont les endroits les plus touchés par la pollution encore actuellement ? Et y-a-t-il une baisse des émissions de CO2 dans le monde ? 

Frédéric Decker : Malgré le confinement depuis mi-mars, des pics ont eu lieu fin mars et début avril voire encore aujourd’hui alors que des nuits froides, jusqu’à -8 degrés en Champagne et -5 à -6 du nord-est à l’Auvergne, ont obligés les Français à chauffer de façon assez intense. Le chauffage, on le sait, provoque une pollution en particules fines dans la basse atmosphère. A cela s’est ajouté un vent d’est-nord-est dominant, apportant des particules venant d’Allemagne et même de Pologne où les usines à charbon ont continué de fonctionner, provoquant des émissions importantes de particules. Un temps pluvieux scotche ces particules au sol et améliore les taux de pollution. Or, depuis mi-mars, un blocage anticyclonique situé au nord de la France provoque une sécheresse persistante depuis un mois dans un contexte souvent venteux, aggravant cette pollution en particules. A ce jour, c’est surtout la moitié nord qui est encore concernée par une certaine pollution, en particulier la Normandie et la Bretagne.

Delphine Guillaume : Il est difficile de pointer des endroits en particulier car il y a des phénomènes locaux à prendre en compte que cela soit par rapport aux sources d’émissions, à la météo ou au relief. Par exemple, dans la région PACA, il y a des navires à quai qui continuent de tourner provoquant une hausse des particules fines, sur la région Bretagne, le taux d’Ozone anormalement haut est dû à la météo, aux différentes sources d’émission et à la pollution printanière, l’Île de Beauté connait aussi un pic de pollution. Il reste donc de la pollution sur le territoire et nous ne sommes pas encore capable de dire s’il y a une baisse généralisée. Il nous faut encore du temps pour analyser les données sur le long terme pour constater si elle est réelle. 

Nous pensons que la voiture et les usines sont pour la majorité responsables de la pollution et pourtant lorsque l’on constate les chiffres on se rend compte que d’autres facteurs explique son apparition. Quelles sont les causes de la pollution maintenant que le trafic routier et aérien marche au ralenti ainsi que la production industrielle ?

Frédéric Decker :Une étude démontre que les pics de pollution observés depuis fin mars sont dus à 34% à l’agriculture, les 66% restants à cause d’industries diverses, du chauffage, des particules venant des pays plus à l’est et de sable Saharien. Les travaux agricoles printaniers pointés du doigt ne participent donc qu’au tiers de la pollution aujourd’hui.

Delphine Guillaume : Au mois de Mars 2020, il y a eu une très forte baisse du trafic routier, les taux de particules fines, NOx et Oxyde d’Azote contenus dans l’air ont baissé. Cependant, ce trafic n’est pas complètement absent et une pollution de fond est toujours présente accompagnée d’autres émissions venant de l’industrie, les épandages sur les exploitations agricoles (fumiers, lisiers…), le chauffage au bois et les personnes qui brûlent leur déchets verts. Ce dernier est d’ailleurs énormément émetteur de particules fines. Au delà de ces sources d’émissions, il y a toujours les mêmes secteurs d’émissions qui sont présents mais aussi celles de nos voisins. 

Le week-end du 28-29 mars, il y a eu un épisode de pollution aux particules fines sur une grande partie de l’ouest de la France due aux brumes des sables du Sahara. Elles montent à cause des vents violents pour redescendre sur le bassin méditerranéen. L’outre-mer est d’ailleurs souvent touché par ce problème. Le comportement de nos voisins européen nous touchent et le pollution ne s’arrête pas aux frontières. Leur consommation de charbon de bois influe sur notre qualité de l’air et nous subissons actuellement la pollution due aux grands incendies de cette région. Ce ne sont pas des émissions produites par l’activité française et pourtant elles jouent aussi sur notre qualité de l’air. 

Par rapport à tous les discours que l’on nous a tenu sur les voitures et le trafic aérien, ces moyens de transports ne sont donc pas les seuls responsables du changement climatique. Quelle leçon pouvons-nous tirer de cela ? Si nous devons opérer un changement, il est nécessaire de comprendre le problème dans sa globalité, il est peut-être plus compliqué que celui expliqué par Greta Thunberg.

Frédéric Decker : Il faut différencier les divers modes de pollution ayant un impact sur le climat, essentiellement les gaz à effet de serre tels que le CO2 (dioxyde de carbone) ou le méthane entre autres exemples. A l’échelon mondial, le CO2 ne chute pas malgré le confinement d’une très grande partie de la planète. Tout au plus observe-t-on une légère tendance à la baisse, sur un laps de temps toutefois trop court pour être significatif. La reprise d’activité en Asie actuelle ne devrait pas confirmer cette légère et courte tendance. Concernant l’automobile, elle pollue largement moins qu’il y a 30 ou 40 ans. Car malgré un nombre de véhicules bien plus élevé qu’à cette époque, les progrès en termes de filtration de particules font que la pollution automobile, entre autres, est finalement moindre qu’il y a quelques décennies ! Même constat sur la pollution venant du trafic aérien.

Il n’empêche que le confinement a mis en évidence des chutes de taux de pollution en Chine ou encore dans le nord de l’Italie. Ce qui démontre que notre mode de fonctionnement ne correspond pas au « vivre ensemble avec notre planète ». Des solutions pour favoriser les transports en commun, le co-voiturage et une consommation plus locale en termes d’alimentation par exemple pourraient permettre de moins polluer et, en plus, de développer les marchandises et produits artisanaux nationaux et locaux. Peut-être que cette crise permettra une certaine prise de conscience à ce niveau-là…

Delphine Guillaume : C’est un cas d’école pour le grand public. Cela montre que la pollution de l’air est d’origine humaine, personne ne peut le nier, mais il n’y a pas que l’homme à prendre en compte et d’autres facteurs comme la météo, le vent, le relief rentrent en jeu. Quand on enlève deux facteurs importants de pollution comme l’industrie et le routier, on constate qu’il y a quand même de la pollution due à d’autres activités. Souvent on fait l’amalgame entre trafic routier et la qualité de l’air, non, il n’y a pas que cela. En ce moment la météo joue sur celle-ci, nous subissons une pollution printanière avec des hausses et des baisses de température qui favorise la stagnation des polluants. À Paris notamment, c’est la cause de la stagnation du niveau d’ozone.

Ce qui est important c’est la pollution de fond/chronique, ce qu’on respire tous les jours. C’est celle là qui a des effets sur la santé beaucoup plus importante. Il faut la combattre tous les jours en la prenant en compte. 

De plus, qu'en est-il des émissions de CO2, constate-t-on une baisse réelle partout ou y-a-t-il des pays qui émettent encore autant (voir plus) de CO2 qu'avant que le confinement global soit mis en place ?

Frédéric Decker : Les émissions ont globalement diminué mais pas partout en même temps. D’abord en Asie, puis en Europe et ensuite en Amérique du Nord. Depuis, les émissions reprennent en Asie et restent plutôt faibles ailleurs. Les effets restent très modestes et non significatifs à l’échelon mondial, avec une légère baisse depuis quelques jours sur la station d’observation de référence à Hawaii. Et pas forcément liée à la crise actuelle : des fluctuations à la hausse ou à la baisse sur quelques jours se produisent fréquemment, question de variabilité naturelle. Et je rappelle que le temps de latence entre l’émission de CO2 et ses retombées sur le climat sont de l’ordre de 10 ans ! Les effets du confinement dû au coronavirus passeront totalement inaperçus…

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