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NDDL : un exemple à suivre pour Fessenheim et les éoliennes de mer en baie de Saint-Brieuc
©MIGUEL MEDINA / AFP

Nouvelles ZAD

Si la population des régions concernées par Notre-Dame-Des-Landes avait été unanimement enthousiaste pour la construction de l'aéroport, celle-ci aurait eu lieu et on n’aurait pas attendu plus de quarante ans pour fermer le projet. Une leçon à méditer.

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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Bien sur la peur des zadistes a joué dans les années d’atermoiements du pouvoir à l’égard de l’aéroport du « Grand Ouest », mais il est clair aussi que si la population des régions concernées avait été unanimement enthousiaste pour la construction, celle-ci aurait eu lieu et on n’aurait pas attendu plus de quarante ans pour fermer le projet.

Cette leçon doit être méditée à propos d’autres décisions qui tardent à sortir d’une certaine léthargie, j’en prends deux qui sont assez symboliques, la fermeture annoncée et toujours retardée de la centrale nucléaire de Fessenheim et l’aménagement du parc éoliennes en mer de la baie de Saint-Brieuc ou si l’on préfère près du cap Fréhel.

Dans les deux cas la population locale est insatisfaite et espère que l’on trouvera un moyen de faire marche arrière et on lui rétorque que le point de non-retour a été atteint.

Originaire de Bretagne et y vivant une grande partie de l’année, je n’ai jamais pris parti dans cette histoire d’aéroport. Il faut dire qu’historiquement mon Trégor est en pays breton bretonnant, et donc solidaire de l’Ouest de la péninsule, et que le Nord a toujours été éloigné du Sud par les difficultés de communication, bref, cet aéroport était une affaire plutôt lointaine, une sorte de serpent de mer. Je ne fais donc ici que constater qu’après avoir « décidé », l’Etat a fini par revenir sur sa décision et que notre Gouvernement est donc persuadé qu’il a fini par prendre le chemin le « moins pire ».

La procédure a été de nommer trois experts, de lire leur rapport, de discuter avec tout le monde, et de finir par reprendre une décision déjà prise en sens inverse…

Je propose qu’il en soit fait de même pour Fessenheim et le cap Fréhel.

En ce qui concerne la centrale nucléaire alsacienne elle a subi l’attaque des écologistes depuis quarante ans, elle est la « plus vieille » (malheur aux vieux !) et elle est devenue le symbole de la nécessité d’abandonner la fourniture d’électricité nucléaire. Je pense que l’on pourrait demander aux experts de savoir si la France va abandonner rapidement ses installations nucléaires. La réponse sera non, compte tenu de notre potentiel actuel qui conduit à plus de 75% de notre électricité. L’abandon de la filière n’est pas pour demain, que cela plaise ou non. La deuxième question serait de savoir, dans le cas où une centrale devrait être fermée de savoir par laquelle il faudrait commencer. La réponse s’appuierait là sur l’avis de l’Agence de Sureté Nucléaire, organisme indépendant à qui on a confié la mission de vérifier si les centrales doivent être fermées ou non. Mon hypothèse c’est que les experts ne désigneraient pas en premier Fessenheim. C’est-à-dire, que comme à Notre dame des Landes ils désigneraient une alternative plus efficace. Il resterait alors au Gouvernement de prendre une fois de plus l’orientation la « moins pire ». Mais dire pour fermer Fessenheim qu’il va falloir mettre au point « un projet ambitieux de développement des énergies renouvelables sur ce secteur, qui créera de la richesse, de la fiscalité et quelques emplois » ne résistera pas à l’étude scrupuleuse de trois experts sauf si l’on choisit des incompétents notoires. Les renouvelables sont intermittentes par nature, l’électricité pour l’instant se stocke difficilement, et l’alternative à la centrale nucléaire, c’est la centrale à gaz ( ou à charbon comme on vient de le voir en Allemagne depuis dix ans !).

En ce qui concerne le cap Fréhel présenté comme une solution pour la Bretagne qui ne produit que 15% de sa consommation, des experts pourraient, de nouveau, se pencher sur cette décision prise à la va-vite dans un contexte très différent de la situation actuelle.

Je me suis déjà exprimé sur le cout pour la collectivité puis pour le consommateur, l’erreur d’emplacement avec vents tournants, la présence d’une pêche essentielle, celle des coquilles Saint-Jacques, mais la liste des interrogations est bien plus importante car l’énergie étant intermittente, elle ne conduit pas à l’auto-suffisance mais à la dépendance d’une centrale utilisant les fossiles. Et  surtout le matériel qui était, à l’époque, présenté comme national est clairement aujourd’hui d’origine extérieure. On cumule donc ici un tel paquet d’inconvénients qu’il est permis de se demander comment le projet peut encore exister !

La péninsule bretonne souffre dans les moments de forte consommation de son éloignement des centres de production. On frise toujours un risque de panne ou de délestage et la météo est suffisamment aléatoire pour ne pas miser sur le fait  que c’est justement au moment des besoins que l’on aura le vent régulier qu’il faut pour faire tourner les éoliennes. Pour sécuriser les consommateurs on a besoin d’un équipement fournissant la base électrique quand on la souhaite. Pour l’instant c’est la centrale à charbon de Cordemais près de Nantes qui a cette responsabilité. Les techniciens travaillent depuis 5 ans pour « verdir » cette centrale en associant au charbon des résidus ligneux, l’expérimentation montre que l’on pourra aller vers un mélange à 50/50 sans investissements colossaux. L’alternative est la construction de centrales à gaz dont une a déjà été décidée à Landivisiau. La multiplication des éoliennes qu’elles soient à terre ou marines n’est pas la solution, encore une fois tant que le problème du stockage n’est pas réglé, l’absence de vent conduit aux pannes et aux délestages.

Plutôt que de céder aux modes, revenons à l’écologie réelle, les circuits courts, la méthanisation, les projets locaux, la substitution de résidus ligneux à la place du charbon , et arrêtons de mettre l’argent du contribuable et du consommateur dans des projets pharaoniques qui alimentent les financiers opportunistes et l’industrie étrangère. S’il s’agit de bâtir une filière française d’éoliennes en mer, faisons le correctement avec des vrais industriels volontaires, talentueux et innovateurs.

Puisque nous ne faisons plus Notre Dame des Landes, profitons-en aussi pour arrêter d’autres projets qui sont des âneries, j’en ai pris deux, mais chacun de mes lecteurs en aura trouvé d’autres. La décision la « moins pire » pourrait alors être considérée comme bonne car elle ferait entrevoir une recherche de l’efficacité, c’est ce dont notre pays a besoin.

Article publié initialement sur le blog de Loïk Le Floch-Prigent

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