Nancy Pelosi à Taïwan : dernière provocation américaine ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Nancy Pelosi a fait le choix de se rendre à Taiwan et de rencontrer Tsai Chi-chang, le vice-président du Parlement taïwanais
Nancy Pelosi a fait le choix de se rendre à Taiwan et de rencontrer Tsai Chi-chang, le vice-président du Parlement taïwanais
©Sam Yeh / AFP

Pied de nez

Dans un contexte géopolitique déjà tendu en raison de la guerre en Ukraine, la visite de la présidente de la Chambre des représentants à Taipei suscite des inquiétudes et des colères.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Il convient de regarder les choses en face : les États-Unis qui sont la plus grande démocratie du monde, ont un don extraordinaire pour provoquer tous les pays totalitaires de la planète au premier rang desquels se trouvent la Russie et la Chine. Vouloir étendre les « droits universels » à l’ensemble du monde est certes un objectif louable si on ne se pose pas la question du contenu réel de ces fameux « droits universels ». Il y a un siècle, cela s’appelait le colonialisme qui mélangeait le sabre et le goupillon. Cela se nommait aussi la « politique de la canonnière » pratiquée en Extrême-Orient.

Même si le Kremlin n’aurait jamais du envahir l’Ukraine - à la fois sur le plan des lois internationales bafouées mais aussi pour son intérêt propre - , il n’en reste pas moins que depuis des années Washington avait poussé Moscou « l’air de rien » à la faute en étendant l’OTAN aux marches de la Russie. Certes, ce sont les pays demandeurs qui en avaient l’initiative mais Washington s’était « régalé » de ces sollicitations.

Les États-Unis ont ainsi réussi un coup exceptionnel : engluer la Russie dans un conflit dont personne ne voit l’issue tout en faisant supporter les conséquences d’abord aux malheureux Ukrainiens qui sont les première victimes de l’invasion russe, mais ensuite et par ricochet, aux Européens qui sont frappés directement par les conséquences des sanctions qu’ils ont eux-même décrété sur instructions de l’Oncle Sam.

Au moment où l’on parle des « profiteurs de guerre », il serait peut-être intéressant de s’interroger sur les bénéfices engrangés par le complexe militaro-industriel américain ajouté à celui des pétroliers qui exploitent du gaz de schiste interdit de prospection en Europe…

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Mais comme cela est connu, la Russie n’est plus l’objectif actuel des États-Unis car la plupart des objectifs initiaux ont été atteints au premier rang desquels se trouve son isolement vis-à-vis de l’Europe. Cela affaiblit les deux parties à la plus grande satisfaction de la Maison-Blanche !

Les Américains ne semblent pas croire que leurs ennemis désignés puissent aller jusqu’à l’Apocalypse. Peut-être ont-ils raison - l’avenir, s’il y en a un, le dira - mais ils font prendre un risque considérable à leur propre population mais aussi aux autres peuples qui n’ont rien demandé.

Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a prévenu le 1er août : « l'humanité n'est qu'à ‘un malentendu’ ou ‘une erreur de jugement’ de l'‘anéantissement nucléaire’ […] un tel ‘danger nucléaire n'(avait) pas été connu depuis l'apogée de la guerre froide’ […] Nous avons été extraordinairement chanceux jusqu'à présent. Mais la chance n'est pas une stratégie ni un bouclier pour empêcher les tensions géopolitiques de dégénérer en conflit nucléaire ».

Nancy Pelosi, la présidente (démocrate) de la Chambre des représentants ne semble pas avoir écouté ses avertissements. Elle vient de mettre le pied à Taïwan (qui n’est plus reconnu diplomatiquement par les États-Unis et par la majorité des pays occidentaux). Cela constitue un énorme « pied de nez » fait à Pékin qui revendique l’appartenance historique de l’île  - Formose - à la Chine continentale.

Si généralement les individus n’apprécient que modérément de se faire humilier publiquement, ce sentiment est encore plus exacerbé en Chine qui se  retrouve - un peu comme la Russie avec l’adhésion éventuelle de l’Ukraine à l’Otan -  face à un choix cornélien :

. ne rien faire (ou si peu par des déclarations « outragées ») et perdre la face ce qui est inadmissible en Extrême-Orient ;

. répliquer mais comment ? L’avenir immédiat va le dire et Washington va pouvoir venir chougner : « Ce n’est pas de notre faute car nous représentons le ‘monde libre’ »...

Tout de même conscient du danger, le président Joe Biden a souligné qu’il ne pouvait “interdire” à Mme Pelosi de faire ce qu’elle voulait et que des responsables militaires lui avaient dit que ce voyage représentait des risques.

Ce qui est affligeant, c’est que les États-Unis entraînent derrière eux leurs alliés dont les peuples n’ont pas été consultés puisqu’il n’y a pas eu de « déclaration de guerre formelle ». Mais cette fois, à la différence du conflit russo-ukrainien supporté par l’Europe (dont les populations vont subir les conséquences directes à partir de l’automne), les États-Unis se retrouvent en première ligne face à la Chine… Il n’est pas certain que le peuple américain apprécie cela  à sa juste mesure même s’il n’a, au moins pour certains de ses concitoyens, qu’une vague notion de ce qui se passe en dehors de ses frontières.

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