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"Malgré la mort de Raymond Aubrac, l'esprit de la Résistance va continuer à structurer le débat public français"
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La Résistance en deuil

Raymond Aubrac est décédé cette nuit, à l'âge de 97 ans. Cet ingénieur des ponts et chaussés était l'un des fondateurs du mouvement "Libération Sud". Quelles conséquences peut avoir la disparition progressive des grandes figures de la Résistance dans le débat public actuel ?

Claire Andrieu

Claire Andrieu

Claire Andrieuest une historienne française spécialiste de l'histoire politique de la France contemporaine. Elle est professeur des universités à l’Institut de Sciences Politiques de Paris et membre du Centre d'Histoire de Sciences-Po.

Elle a participé à la rédaction du Dictionnaire historique de la Résistance, Robert Laffont (23 mars 2006) et est la codirectrice du Dictionnaire De Gaulle, Bouquins, Robert Laffont, 2006.

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Atlantico : Raymond Aubrac, l'une des plus grandes figures de la Résistance, est décédé la nuit dernière à l'hôpital du Val de Grâce. La disparition progressive de ces acteurs majeurs de la Seconde Guerre Mondiale va-t-elle redessiner le débat politico-intellectuel de la France ?

Claire Andrieu : Le débat public ne changera pas car les historiens et la population sont porteurs de la mémoire de la Résistance, qu’elle soit positive ou négative. La mort des acteurs eux-mêmes n’entraîne pas la disparition de la mémoire, comme on l'a vu avec les autres grandes périodes de l'Histoire de France. L’Histoire continue son chemin, les débats qui ont pu exister vont aussi continuer, simplement les circonstances font évoluer les centres d’intérêts et les sujets en seront renouvelés.

En revanche, et c'est sans doute l'un des aspects les plus tristes de ce décès : l’Histoire a perdu une source remarquable. En effet, le récit de la Résistance passe avant tout par le récit des résistants. Avec leur mort, ce sont désormais uniquement les archives publiques qui raconteront cette période.

Que deviendront donc les concepts de résistance ou d'engagement avec la mort des résistants ?

Du vivant des résistants, l’histoire avait déjà évolué : elle est passée d’une histoire militaire et politique à une histoire plus sociale. Aujourd’hui l’engagement a un sens qu’il n’avait pas dans les années 50, la résistance tend à être analysée comme un mouvement social ce qui à cette époque ne pouvait être le cas : le contexte de la Seconde Guerre mondiale ne le permettait pas. Ainsi, on ne parlait pas de « mouvement social » : on voyait dans la résistance une forme d’activité armée en vue de la maîtrise d’un territoire

De nos jours, la Résistance a pris une connotation sociale et non armée. Elle reste un engagement, mais elle n'est pas forcément incarnée par ses formes les plus traditionnelles que sont les partis politiques ou les syndicats, d'autant plus qu'ils sont victimes d'une sorte de désaffection. Désormais cet engagement se place plutôt dans la vie quotidienne.

Longtemps la Seconde Guerre Mondiale a structuré le champs politico-intellectuel français, aujourd'hui autour de quels thèmes peut-il se cristalliser ?

Mais la Seconde Guerre Mondiale va continuer à structurer le champ politico-intellectuel français ! Son influence ne peut être nuancée aussi vite. Après tout, la Seconde Guerre Mondiale constitue l’exemple type d’atteinte générale et gravissime aux principes démocratiques, et tant que nous sommes en démocratie ce contre-exemple sert de signal d’alarme.

Ainsi, avec la mort de Raymond Aubrac, je ne crois pas qu’une page se tourne, l’Histoire de la Résistance a eu la chance d’être assez connue pour se poursuivre et cela indépendamment de la vie ou de la survie de ses derniers témoins.

Propos recueillis par Priscilla Romain

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