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Morelle, Thévenoud, Montebourg, Trierweiler et les autres : la Génération obscène
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Faites les taire !

Auparavant, la vie des hommes d'Etat était protégée par un contrat implicite : on savait mais on n'en parlait pas. Aujourd'hui, leurs mises en scène sont devenues ob-scènes.

Michel Maffesoli

Michel Maffesoli

Michel Maffesoli est membre de l’Institut universitaire de France, Professeur Émérite à la Sorbonne. Il a  publié en janvier 2023 deux livres intitulés "Le temps des peurs" et "Logique de l'assentiment" (Editions du Cerf). Il est également l'auteur de livres encore "Écosophie" (Ed du Cerf, 2017), "Êtres postmoderne" ( Ed du Cerf 2018), "La nostalgie du sacré" ( Ed du Cerf, 2020).

 

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Quand on évoque des "hommes politiques" on pense soit à quelques gouvernants particulièrement talentueux, Talleyrand, Mazarin, Richelieu, soit à la génération des militants de l’immédiat après-guerre, hommes politiques et grands commis de l’Etat, l’honnêteté et la discrétion jusqu’au puritanisme ou aux cachotteries.

En effet, l’idéal de l’homme politique dans la modernité (19e et 20e siècles), c’est le secret, le programme sur un long terme, le projet.

Il n’est bien sûr pas question à cette époque de commenter la vie privée des hommes d’Etat, même si elle a pu être aussi débridée que les pauvres petites incartades de nos présidents, ministres et conseillers.

Mais il y avait un contrat implicite : on savait, mais on n’en parlait pas : de la mort de tel ou tel président (Félix Faure) ou cardinal (Danielou) dans les bras d’une dame de petite vertu, des préférences sexuelles de chacun. La "normalité" n’avait pas à s’affirmer, elle s’affichait, en vrai ou en leurre.

La déferlante actuelle de déclarations de sincérité et de transparence, assorties de vraies/fausses confidences et interviews, d’images au vol peut-être orchestré, de poursuites pour atteinte à la vie privée suivies de la mise en scène de celle-ci, bref tout ce jeu sur une vie privée Fake montre à quel point les hommes politiques sont des hommes et des femmes comme les autres.

Le mix des caractéristiques de l’homme postmoderne (plus de frontière entre vie privée et vie publique, confusion entre le faire et l’annonce, gouvernement essentiellement réactif, omnipotence de l’image médiatique, présentéisme et primat de l’émotionnel…) assorti des pouvoirs de l’homme politique de la modernité (accès prioritaire aux médias, primat de l’idéologie sur l’intuition, abstraction et rationalisme à défaut de compréhension du concret) conduit aux "débordements indécents" du Président de la République qui congédie sa compagne par un communiqué de chef d’Etat, à celle-ci qui assure sa retraite en publiant les bonnes feuilles de sa vie commune avec lui, à la vraie/fausse interview du conseiller congédié comme à la fausse/vraie déclaration critique d’un ministre qui voulait tout sauf quitter son gouvernement.

Ce mélange des genres, comme on disait à l’époque classique, témoigne bien de la baroquisation du monde postmoderne : iconophilie, sensualité, émotionnalité constituent l’ambiance de l’époque, à laquelle le personnel politique, les journalistes et en général l’opinion publiée (cf. Les nouveaux bienpensants, éditions du Moment) n’échappe pas.

Sauf qu’à jouer cette partition baroque sur des instruments classiques, on en arrive à passer de la scénographie à l’obscénité.

On est loin en effet de la mise en image de la toilette du roi, quand Valérie Trierweiler raconte une scène de salle de bains, comme quand Aquilino Morelle se fait cirer les pompes.

A l’époque moderne, les politiciens formaient une caste : maintenant ils veulent jouer à l’homme normal et d’une certaine manière ils le sont, comme le marchand de fromages ou le représentant de commerce va étaler sa vie amoureuse dans les émissions de télé-réalité, comme tout un chacun diffuse sur les réseaux sociaux des documents intimes (échographie de grossesse, photos de nus etc.), les hommes et femmes politiques viennent se confesser sur la voie publique.

Il ne s’agit en général que de fautes vénielles, plus des fautes de goût que de morale.

Elles signent la fin de la forme politique telle qu’on l’a connue et l’avènement d’une autre forme de vivre-ensemble. La puissance populaire prend la place du pouvoir de l’énarchie, la loi des frères remplace la loi des pères, la raison sensible le rationalisme quelque peu morbide.

Les décideurs, ceux qui avaient le pouvoir de dire et de faire, sont comme autant d’oiseaux englués dans la marée noire de la communalisation des émotions.

C’est pourquoi leur mise en scène est essentiellement ob-scène !

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