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Mon weekend à la campagne avec des membres Ku Klux Klan
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White trash

Le journaliste Hamilton Nolan a été autorisé à faire un reportage dans la section la plus importante du Ku Klux Klan aux États-Unis. Si les membres de cette organisation xénophobe tentent de renvoyer une image plus lisse dans les médias, le message de fond reste le même que dans les années 1960 : suprématie des Blancs et haine de l'étranger. Loin d'être mort, le groupe aurait même trouvé une seconde jeunesse après l'élection de Barack Obama à la Maison Blanche.

États-Unis. Arkansas. Environ 10 kilomètres au Nord d'Harrison, une ville de 12 000 habitants située à l'extrême Nord de l'État. Un endroit paumé, perdu au milieu de nulle part. Des mobile-home dispersés ça et là remplissent le paysage. Des vaches fixent de leur regard vide le nouvel arrivant. Un drapeau américain flotte en haut d'un mat.

Bienvenue au siège national des Chevaliers du Ku Klux Klan (KKK). "J'espère que vous êtes Blanc", prévient Hamilton Nolan. Le journaliste a passé tout un week-end avec des membres du Klan et l'a raconté dans un article publié sur Gawker. Après plusieurs échanges de mails, les membres du Klan ont finalement accepté de le recevoir avec un photographe dans leur section, actuellement le plus importante de tous les États-Unis. Tous les deux pourront assister à un de leurs meetings "la Conférencede le Foi etde la Liberté".

"Les Chevaliers - une branche fondée à l'origine par David Duke dans le but de transformer le KKK en une puissance politique - ont la réputation d'être sympathiques avec les médias. Tant que vous n'êtes ni Noir, ni Juif", explique Hamilton Nolan.





Dans les années 1940, l'auteur Stetson Kennedy a infiltré une antenne du Ku Klux Klan en Géorgie et a tiré un livre de cette expérience (J'ai appartenu au Ku Klux Klan, Ed. de L'Aube). Il y raconte notamment quelques uns des punitions réservées aux "mouchards" : "Emmenez le dans les bois, agrafez un journal à ses testicules, mettez le feu au journal, donnez-lui un couteau et dites lui : 'sois tu te les coupes, soit tu brûles."

"Les choses ont changé", souligne Hamilton Nolan. Au cours des 60 dernières années, le Klan s'est transformé - d'aucun dirait "assagi" - et a entrepris de se départir de son image de terroristes sanguinaires fous de Dieu.

Le pasteur Thomas Robb est le directeur national des Chevalier de Ku Klux Klan. Il a pris la tête du groupe après le départ de David Duke dans les année 1980. C'est lui qui reçoit le journaliste et le photographe, avec son fils, Jason, qui fait office d'avocat pour le groupe. Ce dernier leur a fait signer un contrat très strict stipulant qu'ils ne pourraient photographier qu'un groupe de personnes sélectionnées au préalable. Aucun visage ne doit être reconnaissable. "Ils sont tous fiers d'être là, mais ils ne veulent pas que ça se sache", ironise Hamilton Nolan.



Pour le Klan le calcul est très clair : mieux vaut parler à la presse, peu importe sa ligne éditoriale, que de ne pas parler à la presse du tout. "Nos ennemis portent notre message pour nous", résume un des orateurs présents pour "la Conférencede le Foi etde la Liberté".

Au cours de la conférence, un des orateurs se base sur une coupure de presse qui parle de la ville d'Harrison :

- "Seuls 34 des 13 000 habitants sont Noirs", cite-t-il, article à la main. "C'est trop !", lui répondent les personnes qui l'écoutent.
- "Maintenant on sait pourquoi les gens déménagent !" Rires du public.
- "Qui a écrit cet article ? J'ai apporté ça pour lui : une corde !" Rires du public.

La plupart des chansons diffusées à l'occasion de cette conférence ont pour thème l'apocalypse, et appellent les Blancs à se montrer forts et à combattre en ces temps troublés. Comprendre : à une époque où les populations sont métissées et où toutes les personnes ont les mêmes droits, peu importe la couleur de leur peau.

Le pasteur Robb donne lui-même dans un discours l'un des arguments de poids dont se sert ce "Ku Klux Klan nouvelle version" : le Klan aime ses propres enfants avant tout. Rien à voir avec une quelconque haine de l'autre. "Je ne me considère pas comme une personne haineuse." "Ils n'ont pas peur de votre haine, ils ont peur de votre amour", explique-t-il à la foule conquise.

Cela n'empêche pas l'orateur suivant, Paul Fromm, de déclarer : "Nous (ndlr : les Blancs) sommes en train de nous faire ethniquement nettoyer des villes américaines !" Il poursuit en faisant l'apologie d'Harrison et de son absence de mixité raciale : "Lorsque je vais au supermarché, il n'y a pas de jeunes Nègres qui cherchent à voler mon portefeuille (...) il n'y a pas non plus de jeunes Négresses de 13 ans en train de faire le tapin à l'entrée de mon hôtel." Et de conclure en faisant référence au génocide au Rwanda : "Je ne sais pas si se sont les Hutus qui ont massacré les Tutsis, ou si ce sont les Tutsis qui ont massacré les Hutus. Hé bien ! Ils auraient dû être tous massacrés."



Au final, Hamilton Nolan tire de ce weekend la conclusion suivante : "Ce niveau le plus extrême de racisme repose sur trois affirmations, dont chacune s'appuie sur la précédente."

1 - Une interprétation très particulière de la Bible : L'Amérique est "le véritable Israël" et les chrétiens blancs sont le peuple élu.

2 - L'idée selon laquelle les races sont fondamentalement différentes : les Blancs sont uniques et ne devrait pas se mélanger.

3 - Les Blancs font partie d'une race supérieure à toutes les autres.


Selon le Southern Poverty Law Center (une des organisations non-gouvernementales les plus actives aux États-Unis dans la lutte contre le racisme), les groupes d'extrême droite qui prônent  la haine de l'étranger ont explosé ces trois dernières années. Les membres du Klan auraient en revanche "considérablement diminué", tout comme les différentes sections qui le composent à travers le pays.

Un avis qui n'est pas partagé par tous : le photographe américain Anthony Karen a suivi pendant plusieurs années des membres du Ku Klux Klan. Il explique que ce groupe est toujours bien vivant, et qu'il retrouverait même de l'élan depuis l'élection de Barack Obama. Mais l'organisation n'est pas aussi soudée, ou du moins homogène, que dans les années 60 / 70. "IIs ne pensent pas tous de la même manière. Certains vivent normalement. D'autres ne s'assoient à une table de restaurant que s'ils sont sûrs d'être servis par une Blanche. (...) Certains disent qu'ils n'ont pas de problème avec les autres races, mais qu'ils refusent simplement de se marier avec des personnes d'une autre couleur. (...) Je connais même un leader du mouvement qui, pendant la journée, dirige une école où plus de 20 races sont représentées."

                                                                                                                                                                                       Marie Slavicek

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