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Modem, UDI, constructifs…reconstitution de ligues (UDF) dissoutes ?
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Revival

Trois groupes pour le centre, entre Modem, UDI et constructifs se placent pour servir au mieux le nouveau maître de l'Elysée. Mais dans leur cas, l'union pourrait faire la force face à un groupe LREM unique et hégémonique.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Après la démission de François Bayrou et de Marielle de Sarnez, le Modem disposera tout de même d'un groupe conséquent à l'Assemblée. De plus, entre les députés de l'UDI et le groupe des "constructifs", les différents mouvements portant une identité centrale dans le paysage politique semblent se télescoper. Dans quelle mesure une ré-émergence d'un UDF renouvelé pourrait voir le jour ? 

Jean Petaux :: Je n’ai pas le sentiment que cette hypothèse soit la plus probable. Le propre des sensibilités politiques que vous citez (Modem, UDI, « Constructifs » issus de Les Républicains) c’est justement leur volonté d’indépendance et de « démarcation » des grands ensembles ou conglomérats politiques qui ont eu le vent en poupe dans la décennie 2000. L’exemple le plus frappant est bien évidemment le Modem qui a succédé à la minorité de l’UDF qui n’a pas accepté de rallier Nicolas Sarkozy entre les deux tours de la présidentielle de 2007. Cette même minorité était née du refus de François Bayrou de fonder l’UMP en 2002-2004 avec Alain Juppé. On se souvient de sa fameuse phrase au congrès fondateur de Toulouse : « Quand on pense tous la même chose c’est qu’on ne pense plus rien ! ». Ce qui était, bien évidemment, une formule et une posture rhétorique dans la mesure où, on l’a bien vu par la suite, l’UMP d’abord et LR ensuite ne sont pas vraiment singularisés par le fait qu’ils étaient des partis monolithiques. Je ne crois pas du tout à la recréation d’un « centre » autour du MODEM et autour duquel viendrait s’agréger des formations politiques satellites. Le « centre » aujourd’hui est incarné, collectivement, par « La République en marche » et individuellement par Emmanuel Macron et pas par François Bayrou qui n’est pas du tout une personnalité politique populaire dans l’opinion française et qui représente, clairement, la vieille « caste » du personnel politique, avec ses réflexes hérités de la pratique politique en vigueur dans les années 1980-1990…. La capacité d’entrainement de François Bayrou n’est plus aussi intacte et motrice que celle qu’on lui a connu, surtout en 2007. Il est incontestable qu’il a aidé et sans doute même renforcé la candidature Macron à un moment où ce dernier en avait sérieusement besoin, au milieu du mois de février 2017, mais, on l’a bien vu dès que la question de la rémunération des attachés parlementaires du Modem est venue sur le devant de la scène, la présence de Bayrou au gouvernement n’était pas plus souhaitée que celle d’un Ferrand ou d’une de Sarnez (pour des raisons différentes par ailleurs). Le Modem et François Bayrou à sa tête ont eu l’extraordinaire opportunité de « se refaire » (comme on dit au poker) à la faveur des dernières législatives. Le parti et son président ont retrouvé des moyens (surtout financiers) qu’ils n’espéraient plus. On peut donc considérer, sans grand risque, connaissant le « Béarnais » âpre au gain et autant pingre que jaloux, que ce n’est pas au moment où le parti de Bayrou voit regonfler sa trésorerie que celui-ci va diluer son nouveau trésor de guerre dans un agglomérat partisan dont il n’aurait ni le contrôle ni la capacité à orienter comme il l’entend la ligne et les alliances.

Dans une telle hypothèse d'une refondation, quels seraient les enjeux découlant d'une force centrale, qui, contrairement aux dernières décennies, serait liée plus étroitement au centre gauche qu'à la droite ?

En fait, si l’on se place dans le scénario que vous évoquez, l’enjeu principal va être de savoir qui sera en mesure de prendre le leadership d’une telle formation politique rassemblant tout la famille centriste. En dehors de François Bayrou dont je viens d’évoquer les propres limites, rien ni personne ne me semble en situation de prendre le leadership d’un centre forcément parcouru de tensions et de rivalités personnelles. Certes ce centre-là aurait une forte inclinaison vers « La République en marche » mais il est inexact de réduire LRM à une formation de centre gauche. Aujourd’hui à l’Assemblée si on se réfère au simple décompte des sièges on voit bien que LRM peut aligner sur le papier près de 310 parlementaires. Cela suffit largement pour atteindre une majorité absolue qui est de 289 députés. En d’autres termes LRM n’a besoin de personne pour être majoritaire au Parlement. Mais, pour autant, les élus Modem et leurs éventuels alliés (UDI ou « Constructifs » de Thierry Solère) ne sont pas promis au simple destin de supplétifs ou de titulaires de « jobs d’été ». La preuve en est qu’Emmanuel Macon a bien veillé à remplacer les deux départs (Bayrou et de Sarnez) par d’autres ministres très proches du président du Modem comme la sénatrice Jacqueline Gourault, véritable « taulière » du Modem et Geneviève Darrieussecq, « voisine » du Bayrou maire de Pau en tant que maire de Mont-de-Marsan fraichement élue député des Landes dimanche soir. Le poids symbolique et politique du Modem n’est pas mince dans le « montage politique » macronien. Il en a besoin tout autant que les élus Modem eux-mêmes ont besoin du titulaire actuel du fauteuil présidentiel. De ce point de vue là on peut dire que Bayrou et Macron se sont trouvés et sans doute appréciés. Les deux ont « biberonné » au savoir-faire d’un Mitterrand. Bayrou comme adversaire fasciné par le vainqueur du 10 mai 1981 longtemps seul contempteur du régime gaulliste ; Macron comme héritier spirituel d’un Hollande lui-même aspirant à faire « du » Mitterrand.

Quels sont les éléments qui pourraient venir empêcher un tel scénario d'une renaissance d'un UDF nouveau ? 

Essentiellement des querelles de personnes et des conflits d’égos. Auxquels pourraient s’ajouter les premiers soucis auxquels le gouvernement va être désormais confronté après avoir « mangé son pain blanc » depuis l’élection d’Emmanuel Macron à l’Elysée. Mais plus que cela, ce qui va sans doute empêcher la renaissance d’une UDF comparable à celle que l’on a connu avec Valéry Giscard d’Estaing, Raymond Barre, François Léotard, Alain Madelin et… François Bayrou, c’est tout simplement le fait que désormais les partis politiques sont très sérieusement déstabilisés et ébranlés au point que la question de leur fonctionnement et de leur utilité se pose sérieusement.

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