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Mais pourquoi les Français sont-ils
si angoissés malgré un modèle social ultra protecteur ?
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Cocorico

Selon Gerard Dussillol, le peuple français, malgré ses acquis sociaux, manque cruellement de confiance en lui. Pour conserver notre modèle social "à la française", il devient donc nécessaire de stopper les abus engendrés par celui-ci. Extraits de "La crise enfin !" (1/2).

Gérard Dussillol

Gérard Dussillol

Gérard Dussillol a fait carrière dans le monde de la finance en France et à l'international, d'abord chez Paribas puis au sein du groupe Goldman Sachs.

Il fonde ensuite sa propre société financière. Il est aujourd'hui conseil de plusieurs sociétés d'investissements. Il est également président de la commission de finances publiques de l'Institut Thomas More (Paris et Bruxelles).

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Si l’on veut engager une réflexion constructive sur notre avenir collectif, il nous faut interroger notre modèle avec lucidité. On met dans notre modèle social bien des choses qui n’en sont pas car on confond modèle social et dépense publique. Donc, si nous voulons conserver les valeurs de solidarité et de justice que ce modèle porte en lui, la première étape est justement de se débarrasser des abus créés en son nom.

Il y a le bon côté du modèle que l’on connaît, mais on parle moins de son revers : notre modèle se caractérise aussi par les performances les plus affligeantes au monde en matière de chômage, et ce depuis des décennies. Les chiffres sont simples, incontournables : pendant les dix années qui ont précédé la crise, notre chômage a été en moyenne de près de 40 % supérieur à la moyenne des pays développés et de 60 % supérieur à la moitié d’entre eux.

Nous n’avons pas à nous soucier de l’éducation de nos enfants, nous pensons que sommes une des populations les mieux soignées, nous sommes celle qui travaille le moins longtemps pour jouir des retraites les plus généreuses, etc., le tout grâce à notre « cher » modèle social. Nous devrions être, bien au contraire, si ce n’est les plus heureux, du moins les plus sereins. Cela n’est pas le cas.

Il y a une contradiction flagrante entre une société qui montre une telle absence de confiance en elle, une telle inquiétude, une telle peur du futur, alors qu’elle semble être la mieux protégée des aléas qui lui sont liés. Comment élucider cette incohérence ?

Cela ne veut-il pas dire qu’il y a quelque chose de plus important que le modèle social ? N’y a-t-il pas une autre réalité pesante, lourde, que tous les modèles sociaux du monde ne parviendront jamais à pallier ? Le drame qui minerait en profondeur ce pays, et pas seulement la France dite d’en bas, le vrai drame ne serait-il pas alors cette peur aiguë du chômage liée aux niveaux que nous connaissons depuis si longtemps ?

Nous avons laissé ce fléau gangrener la société française. Cela devrait nous amener à nous poser certaines questions : nos voisins ont fait mieux que nous, comment y sont-ils parvenus ? Pourquoi ne l’avons-nous pas fait ? Enfin, puisqu’il est de bon ton de s’indigner, voilà un vrai motif d’indignation : comment un pays si obsédé de justice sociale a-t-il pu tolérer depuis si longtemps en son sein la profonde injustice créée par de tels niveaux de chômage ? Comment avons-nous pu collectivement passer à côté d’un problème moral aussi majeur ?

Drame de ce pays, le chômage. Et mystère de ce pays, la démission d’une génération politique devant un problème aussi grave.

Nos dirigeants n’ont pas été en mesure, depuis bientôt deux générations, de nous apporter le plein-emploi. En contrepartie, nos compatriotes ont obtenu ce qu’ils croient être la protection du modèle social. C’est une sorte de compromis. [Mais] aujourd’hui, nous n’avons plus les moyens de supporter un appareil d’État aussi manifestement non-compétitif.

C’est un cycle de plusieurs décennies qui s’achève, il faut amorcer le suivant. Mais pour faire évoluer nos perceptions, il faut que nous saisissions le sens et l’équité de cet objectif de réforme : si l’on entend remettre en cause corporatismes, avantages acquis, inefficiences, améliorer la productivité du service public, demander des sacrifices à certaines catégories de la population ou demander à d’autres de se remettre vraiment au travail, il faut dire au nom de quoi. Il faut donner du sens à l’action de réformer. On le sait, ce sont les idées qui changent le monde. Et nous avons besoin de changer notre monde. D’où le caractère stratégique de ce travail sur les idées.

Aussi, le discours doit-il être bien autre chose qu’un discours d’expert sur la macroéconomie. Il doit être entièrement sous-tendu par une seule idée : faire la part entre nos vraies valeurs et une philanthropie de façade. Expliquer que l’objectif est de réduire la plus grave des injustices, celle du chômage. La vraie injustice sociale n’est pas là ou l’on croit, la vraie injustice tient en nos records de chômage ; et ceux-ci viennent de nos excès de dépense.

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Extrait de La crise enfin, Xenia (25 mai 2012)

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