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Mobilisation des retraités : pourquoi l’intuition d’Emmanuel Macron sur la CSG était bonne mais sa mise en œuvre ratée
©ALAIN JOCARD / AFP

Retraités

Comment une réforme limitée, légitime et équilibrée, est montée en épingle par des postures politiciennes manipulatrices, jusqu’à mettre les retraités dans les rues, au cœur de l’hiver.

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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Un quart de la population française est retraité, l’âge moyen de départ à la retraite étant de 62 ans et l’espérance de vie de 82 ans. Cas unique au monde, le niveau de vie moyen des retraités français est supérieur à celui des actifs. Et 82% des retraités sont propriétaires de leur logement, contre moins de 50% pour les autres. Faut-il pleurer sur la situation économique des retraités ?

Tous les salariés, même les smicards, acquittent une CSG de 9,2 %. Pour les retraités, ce taux varie selon le niveau de leur pension, à 0 %, 3,8 %, 6,6 % ou 8,3 %. Un retraité percevant l’équivalent du SMIC acquitte ainsi une CSG réduite de 5,4 points par rapport au salarié. Faut-il pleurer sur la CSG des retraités ?

Lorsqu’on visite un proche à l’hôpital, on remarque le nombre de lits occupés par des personnes âgées. L’accès au système de santé français est universel, c’est un choix collectif moralement inattaquable. Tout le monde l’utilise, mais qui le finance ? Pas les retraités, avec leur CSG réduite et un maigre 1 % de retenue sur les retraites complémentaires. En sus de la CSG à taux plein, la fiche de paie des salariés affiche une cotisation maladie au taux normal de 13 %. Les actifs paient massivement pour la santé des retraités. Faut-il pleurer sur le budget santé des retraités ?

Pour qui ne regarde que les chiffres, il est évident que notre système socio-fiscal avantage les retraités par rapport aux actifs. D’ailleurs, le nombre de personnes âgées bénéficiant du minimum vieillesse (ASPA) baisse depuis 10 ans (pour une population âgée toujours plus nombreuse), alors que le nombre de personnes d’âge actif au RSA augmente d’année en année.

Le vote des retraités

Lorsqu’on tient un bureau de vote, on est parfois surpris de voir se présenter des personnes très âgées, qui tiennent mordicus à accomplir leur devoir d’électeur. A l’inverse – les statistiques sont implacables – les jeunes votent de moins en moins : pour la présidentielle de 2017, les moins de 30 ans n’ont été que un sur cinq à aller voter. L’expression de la démocratie, qui décide les places et les honneurs dans notre société, incite fortement les professionnels de la politique à courtiser leurs bons clients. Les retraités sont en première ligne.

Il n’est donc pas étonnant que tous les partis d’opposition, de l’extrême-droite à l’extrême gauche, en passant par LR et le PS, ont publiquement poussé des hauts cris lorsque le gouvernement a augmenté de 1,7 points la CSG de certains retraités (pour les pensions dépassant 2000 euros par mois). Mais dans le privé, les commentaires de beaucoup de responsables politiques sont plus nuancés. Pitoyable règle d’un jeu « politicien », qui éloigne toujours plus les français de la « Politique » qui fait la grandeur d’une nation.

Un récit gouvernemental technocratique

A posteriori, on peut regretter que l’augmentation de 1,7 point de CSG ait été présentée de façon technique, équilibrant la diminution des cotisations sociales des salariés, puis de la suppression progressive de la taxe d’habitation, ensuite accompagnée de diverses contreparties. Le tout chiffré comme la démonstration d’un théorème mathématique. Toutes ces opérations fleurent bon la technocratie. Celle qui met les français dans la rue, avec un gilet jaune sur le dos. Chiffres contre chiffres, ce n’est pas la bonne approche pour réformer. Il faut raconter une histoire compréhensible par tous.

L’urgence d’une vision commune intégratrice

Pour commencer, osons expliquer que le système de santé étant désormais universel, il est normal que chacun y contribue à proportion de ses moyens. Un prélèvement de 13% sur tous les revenus des particuliers, riches comme pauvres, actifs comme retraités, salariés comme rentiers, serait beaucoup plus compréhensible et équitable que le patchwork actuel. Pour tous les salariés, ce serait un soulagement, pour les retraités, un surcoût net. Mais d’une légitimité certaine, mettant un terme à l’hérésie actuelle : ceux qui consomment le plus de services de santé paient le moins !

Si on s’arrête là, ce surcoût est une pilule très amère, même si elle est pleinement légitime. C’est pourquoi il faut élargir la vision à la question du soutien au revenu. Une personne âgée qui ne perçoit aucune retraite est bénéficiaire d’une prestation ASPA de 868 euros par mois, évidemment non soumise à la CSG. Le différentiel par rapport à une petite pension de retraite de même montant, elle soumise à la CSG, est problématique. La frontière entre le monde de l’assurance sociale (pensions de retraites et réversion) et de la solidarité (ASPA) est incohérente. Il faudrait revoir totalement l’articulation entre ces deux logiques. Chaque retraité devrait bénéficier d’un socle de solidarité universelle (santé et revenu), y ajouter les prestations assurantielles proportionnées aux cotisations versées pendant la vie active, payer des impôts et une CSG proportionnelle.

Elargissons encore la vision. Au fond, le véritable enjeu de la vieillesse n’est pas tant le niveau de vie monétaire que l’intégration dans la société. Lorsque la dépendance apparaît, ce ne sont pas quelques euros de plus ou de moins qui changent la vie, mais bien la disponibilité de personnes vaillantes et motivées à accompagner nos aînés. Là, ce sont des qualités humaines d’altruisme et d’empathie qui sont appréciées, pas les revendications égoïstes, la cuisine technocratique et les postures politiciennes.

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