Mistral : Nicolas Dupont-Aignan, pourquoi parlez-vous "d'honneur" ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Un Mistral.
Un Mistral.
©Reuters

Russie mon amour

Le président de "Debout La France" s'en prend à Hollande. Pourquoi pas ? Mais était-il obligé pour autant de déclarer sa flamme à Poutine ?

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Mistral gagnant chantait Renaud. Mistral perdant se lamente Dupont-Aignan. Il étrille avec véhémence et talent, le président de la République coupable à ses yeux d'avoir refusé de livrer à la Russie les deux porte-hélicoptères payés et commandés par elle. Ça va nous coûter des milliards explique-t-il. C'est exact. Ça va peut-être mettre au chômage des ouvriers qualifiés de nos chantiers navals. C'est possible. Ça va donner une très mauvaise image de la France aux Russes. Ça c'est sûr.

Jusqu'à maintenant tout va bien. C'est après que ça se gâte. Un peu comme dans la célèbre phrase de Roger Peyrefitte, grand pédéraste (on disait comme ça à l'époque…) devant l'éternel : "Le pal ? Ah, ce supplice qui commence si bien et qui finit si mal". En effet, à un moment de sa diatribe anti-Hollande, le numéro 1 de Débout La France évoque l'"honneur", bafoué selon lui, de la France. Son côté gaullien sans doute…

Où y a-t-il de l'honneur dans cette affaire de navires et de milliards ? On ne voit pas. Ce qu'on voit très bien en revanche, c'est où se serait situé le déshonneur. En piétinant les angoisses légitimes de la Pologne, des pays-baltes, de l'Ukraine –eh oui, ça existe- légitimement inquiets face aux appétits impériaux de la Russie. En méprisant l'attitude de tous nos alliés européens qui ont estimé que des sanctions s'imposaient après le démembrement du territoire ukrainien.

Emporté par sa fougue, Nicolas Dupont-Aignan quitte les arguments financiers, techniques et commerciaux pour s'abandonner à une tirade amoureuse. Il se félicite de la "conduite irréprochable" des marins russes qui étaient à bord des deux Mistrals pour en apprendre le maniement. Sur ce point, donnons-lui quitus. Non, les marins russes n'ont violé aucune demoiselle de Cherbourg ! Non, ils n'ont pas, bourrés à la vodka, mis la ville à feu et à sang. C'est ça qu'il voulait dire ?

Plus loin ce n'est plus de l'amour mais de la rage. On apprend ainsi que les deux navires portent les "noms glorieux" de Sébastopol et de Vladivostok. Vraiment glorieux ? Pour qui et pourquoi ?

Nicolas Dupont-Aignan ne peut pas ignorer que Sébastopol fut dans les années 50 du XIXème siècle le théâtre d'une victoire franco-britannique contre les armées russes. Avec la prise du bastion de Malakoff célébrée dans tous nos manuels d'histoire. Une commune de la région parisienne porte d'ailleurs ce nom : candidat aux régionales, Nicolas Dupont-Aignan ne manquera pas de la visiter. Quant à Vladivostok, il ne s'est rien passé là-bas de très glorieux pour les Russes. Au large de ce port d'Extrême-Orient, la marine du tsar Nicolas II fut en 1905, taillée en pièce par la flotte japonaise. Mais ne pinaillons pas trop Nicolas Dupont-Aignan.

Car il est –et ça il n'est pas question de le contester- un des derniers gaullistes qu'il reste en France. C'est pourquoi il a toute la légitimité nécessaire pour invoquer son grand ancêtre, partisan de l'amitié franco-soviétique. En politique, De Gaulle bénéficiait d'un strabisme divergent qui lui permettait d'avoir un œil sur l'Atlantique et de lorgner de l'autre sur l'Oural. Le Général faisait ça afin de faire ch... les Américains, Nicolas Dupont-Aignan aussi ?

Le président de Debout La France est, nous l'avons dit, candidat aux régionales. Il a aussi été candidat à la présidence de la République. Et il le sera encore. Quand on brigue un destin national, on ne peut se contenter, comme il le fait, de distribuer des tracts aux automobilistes. C'est sur le pont Alexandre III qu'il doit se rendre et même y rester le plus longtemps possible. Ce pont porte le nom du tsar qui en 1893 scella l'alliance franco-russe. Depuis, la Seine a coulé, beaucoup coulé sous le pont Alexandre III. Mais peut-être pas dans le bon sens.

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