Mise en examen de Nicolas Sarkozy : les suites judiciaires auxquelles il faut s'attendre<!-- --> | Atlantico.fr
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Nicolas Sarkozy a été mis en examen pour corruption active.
Nicolas Sarkozy a été mis en examen pour corruption active.
©France 2

Feuilleton

Sa mise en examen notamment pour corruption active a pris Nicolas Sarkozy de court. C'est une longue bataille juridique qui s'engage. Mais les juges Simon et Thépaut, visiblement peu rompues au fonctionnement de la Cour de cassation, pourront-elles la mener jusqu'où bout ou seront-elles contraintes de passer la main ?

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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Corruption. Le mot est terrible. Sa connotation dévastatrice. Et c'est pourtant cette incrimination – à côté de celle de trafic d’influence et de recel de violation de secret professionnel – qui a été retenue vers 2 heures du matin contre Nicolas Sarkozy ce mercredi 2 juillet par les juges d’instruction Patricia Simon et Claire Thépaut. Pourrait-elle signer la mort politique de l’ancien chef de l'Etat ? Désormais au sein de l’UMP, certains des dirigeants le pensent. Sans le dire tout haut. Sait-on jamais, car Sarkozy est un battant. Jamais prêt à renoncer. On l’a vu dans le dossier Bettencourt où il a obtenu un non-lieu. Après tout, rappelle-t-on dans les milieux judiciaires, qui aurait pu penser que François Mitterrand, après l’affaire de l’Observatoire de 1959, pourrait être élu président de la République vingt deux ans plus tard ?   

L’affaire Sarkozy-Herzog-Azibert ne fait que commencer. Elle risque de durer fort longtemps. Elle  donnera lieu à coup sûr à une intense bataille juridique entre les juges et les mis en examen. Peut-être même jusqu’en 2017, année de la prochaine élection présidentielle…

>>>>> A lire également : Garde à vue de Nicolas Sarkozy : mais où en est vraiment l'ancien président avec la justice ?

Il est 7 heures 55, ce mardi 1er juillet. Nicolas Sarkozy arrive à l’Office de lutte contre  la corruption de la Direction centrale de la police judiciaire à Nanterre. Il sait qu’il va être entendu dans le cadre de cette affaire d’écoutes téléphoniques où il semble, via son avocat Thierry Herzog, avoir sollicité Gilbert Azibert, avocat général à la Cour de cassation pour qu’il se renseigne sur l’état de la procédure Bettencourt. Notamment sur le point de savoir si le conseiller rapporteur de la Chambre criminelle de la Cour de cassation serait favorable ou pas à la restitution des carnets de l’ancien président. Un point capital : ces carnets - saisis dans le cadre de l’affaire Bettencourt – recèlent en effet les rendez-vous pris par Sarkozy à l’occasion de la procédure d’arbitrage Tapie-Crédit Lyonnais. Ces écoutes, rappelons-le, constituent "une affaire dans l’affaire", puisque diligentées dans le cadre de l’information ouverte sur le présumé financement libyen de la campagne présidentielle du candidat Sarkozy de mai 2007. Aussi font-elles l’objet depuis le 26 février 2014 d’une autre information judiciaire confiée aux juges Patricia Simon et Claire Thépaut.

Ce 2 juillet au matin, lorsqu’il quitte son domicile parisien, l’ancien président est confiant. Certes, il sait que depuis la veille, son avocat et ami Thierry Herzog, ainsi que deux avocats généraux à la Cour de cassation, Gilbert Azibert et Patrick Sassoust sont en garde à vue… Mais impossible qu’un pareil sort lui soit réservé. Un sort auquel seuls ont droit les trafiquants de drogue ou voyous de grands chemins. Deux à trois heures d’audition, se dit-il, et c’en sera terminé… Première surprise : le voici dès son arrivée à Nanterre, placé en garde à vue. Deuxième surprise : il va rester une quinzaine d’heures, tandis que son avocat et les deux avocats généraux vont y rester plus de 24 heures. A l’issue de ces folles journées, où tour à tour, supputations, interrogations et certitudes se sont succédées à une vitesse grand V,  les juges prennent leur décision : elles mettent en examen pour trafic d’influence et recel de violation de secret professionnel Thierry Herzog et Gilbert Azibert, le second avocat général, Patrick Sassoust étant mis hors de cause. Quant à Nicolas Sarkozy, il a écope d’un troisième chef de mis en examen : celui de corruption active. Une incrimination non prévue le 2 juillet au matin et réclamée par les réquisitions du procureur national financier, Eliane Houlette. Dans le cabinet des juges, au pôle financier, Sarkozy et son avocat sont abasourdis. Selon eux, il ne s’agit que d’une construction intellectuelle. D’ailleurs, Me Paul-Albert Iweins a fait savoir qu’il allait demander l’annulation des écoutes, seule base sur lesquelles repose la mise en examen de l’ancien chef de l’Etat… Il est vrai que certaines interceptions, notamment entre Sarkozy et  Herzog, donc entre un client et son avocat posent problème. Ce que n’a pas manqué de rappeler le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris, Pierre-Olivier Sur. Ce n’est pas tout. Une interrogation pourrait surgir du côté des trois mis en examen : une des magistrates peut-elle  vraiment instruire à charge et à décharge, donc en toute impartialité ? Il s’agit de Claire Thépaut, ancienne membre du Syndicat de la magistrature qui n'a pas hésité à prendre position contre les réformes menées par l'ancien ministre de l'Intérieur.  Aussi, Me Iweins pourrait-il  envisager de demander à la Cour de cassation le dépaysement du dossier dans "un souci de bonne administration de la justice." Cette réserve faite, Patricia Simon et Claire Thépaut ont conduit leur instruction de manière classique. Si elles ont n’a jamais caché leur détermination dans la conduite de leurs investigations, elles se sont abstenues de mettre les trois mis en examen sous contrôle judiciaire,  en empêchant, par exemple, Me Herzog et Nicolas Sarkozy de se rencontrer. Concrètement cela signifie que, contrairement à ce qu'on a pu lire depuis hier, l'avocat, hormis dans cette affaire, peut continuer d’assister l’ancien président dans d’autres procédures qui pourraient surgir.

Notamment dans le sulfureux dossier Bygmalion, instruit depuis quelques jours par le trio de choc Renaud Van Ruymbeke-Roger Le Loire-Serge Tournaire. Là, Nicolas Sarkozy pourrait se voir reprocher un financement illicite de sa campagne de présidentielle de 2012… Nous n’en sommes pas encore là, les juges devant s’intéresser en priorité à Jérôme Lavrilleux, l’ancien directeur adjoint de la campagne de Nicolas Sarkozy.  Quant à Gilbert Azibert, même mis en examen, il peut toujours se rendre à la Cour de cassation pour y exercer ses fonctions d’avocat  général. Encore qu’il n’est pas exclu que la Garde des Sceaux Christiane Taubira saisisse le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) afin qu’il se prononce sur une éventuelle mesure de suspension temporaire visant le haut magistrat, qui devait prendre sa retraite en février 2015.

Jamais, sous la Vème République, pareille affaire n’avait éclaté. Jamais, un ancien chef de l’Etat n’avait été épinglé pour corruption. Jamais aussi la Cour de Cassation, la plus haute juridiction, n’avait été ébranlée à ce point. L’onde de choc parcourt l’ensemble du corps de la magistrature. Aujourd’hui, les juges poursuivent leurs investigations. Elles ont frappé très fort en perquisitionnant le bureau de Gilbert Azibert et en entrant dans son ordinateur. Elles y ont découvert des documents, des notes, que selon elles, l’avocat général ne devait pas détenir. Or, la vérité est plus subtile. A la Cour de cassation, le parquet n’est pas un parquet comme les autres, les magistrats échangent souvent, sollicitent l’avis de leurs collègues… Ce que semble avoir fait Azibert. C’est ce qu’il a répété aux policiers. Reste un fait qui est là. Omniprésent dans le dossier : ces maudites écoutes téléphoniques. Les juges ne les ont consultées que sur retranscription écrite. Donc, sur papier. Et si elles demandaient à la PJ de les écouter réellement ? Peut-être que leur interprétation en serait différente.

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