Milices et guerre électronique high-tech : un inquiétant tournant <!-- --> | Atlantico.fr
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Vladimir Poutine assiste aux exercices militaires conjoints des forces armées russes et biélorusses à la base militaire de Mulino dans la région de Nijni Novgorod, le 13 septembre 2021.
Vladimir Poutine assiste aux exercices militaires conjoints des forces armées russes et biélorusses à la base militaire de Mulino dans la région de Nijni Novgorod, le 13 septembre 2021.
©ALEXEY DRUZHININ / SPUTNIK / AFP

Course à l'armement

De plus en plus de pays, dont la Russie, ont réalisé des progrès en matière de guerre électronique. Le nouveau système électronique russe "Murmansk-BN", à ultra-longue portée (environ 3 000 km), a ainsi été ac­tivé depuis Kaliningrad. Les forces de l'Otan sont dès lors menacées de paralysie complète.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Plusieurs fois récemment, l'auteur a signalé aux lecteurs d'Atlantico les progrès, notamment russes, en matière de guerre électronique ; s'agissant des armes désactivant - sans le détruire - le dispositif électronique ennemi et lui seul ; ses bases aériennes ou navales ; au-delà, toutes ses installations et outils militaires. Un objectif atteint en étouffant, au-dessus d'un territoire donné - parfois énorme - toutes les ondes satellitaires, toute la téléphonie cellulaire (VHF-UHF), toutes les radios, GPS etc.

Dans ce domaine déjà préoccupant, les chose empirent. Début octobre 2021, le nouveau sys­tème électronique russe "Murmansk-BN", à ultra-longue portée (environ 3 000 km), a été ac­tivé depuis Kaliningrad (part la plus occidentale de la Russie, l'ex-Königsberg prussienne). Or à ± 3 000 km au sud de Kaliningrad, à vol d'oiseau, se situe Lisbonne : toute l'Europe de l'ouest est concernée. Les forces de l'Otan sont dès lors menacées de paralysie complète, d'incapacité à fonctionner, même de façon basique. Notamment, les chasseurs américains high-tech F35 peuvent être cloués au sol, privés de leur cruciale communication-satellite.

Pour les experts officiels, "Murmansk-BN", qui protège déjà la stratégique péninsule de Kola (à l'est de la ville de Mourmansk), est désormais fonctionnel, ou le sera bientôt, aux axes sen­sibles des immenses frontières russes. La Crimée par exemple, et le détroit de Kertch, sont protégés par un analogue système, qui à proximité, gèle les ondes sur environ 3 000 km.2 de la Mer Noire.

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Mais cela n'est rien, comparé à un récent événement, passé inaperçu ces derniers jours et qui pourtant, a une portée stratégique d'ampleur historique - nous pesons nos mots.

Qu'un grand État rationnel, héritier d'une des deux superpuissances de la Guerre froide, dis­pose d'un matériel d'avant-garde, parfois limite science-fiction est certes un souci, mais ne si­gnale pas la fin du monde. Mais qu'un tel matériel soit aux mains d'une milice - figure parmi les plus sinistres du présent chaos mondial - voilà qui serait terrifiant. Dans les faits, un tel saut technologique par quelque bande armée, ou mercenaires, signifierait la fin potentielle des opérations extérieures, qu'elles soient belliqueuses ou qu'elles visent au maintien de la paix.

La mauvaise nouvelle est qu'une milice possède bien - pleine propriété ? Prêt ou location ? - au moins un de ces hyper-complexes systèmes de guerre électronique et vient juste de l'utili­ser, au Moyen-Orient. Le lecteur intéressé par les affaires stratégiques est ici avisé de lire avec soin ce qui suit - tiré des meilleurs sources régionales.

Tard le soir du 20 octobre, la base américaine d'Al-Tanf, sise en Syrie, aux confins de la Jorda­nie et de l'Irak, devient sourde, aveugle et muette. Sur au moins 120km2 - le nord d'Israël est à environ 170 km. - une zone morte s'instaure dans laquelle toute défense est abolie - même, l'envoi du moindre appel au secours : plus de radars, plus de guidages, plus d'internet - plus rien. Drones, hélicoptères, etc., cloués au sol. Quand ce couvercle étouffant est activé, des drones-suicide viennent détruire, avec une précision chirurgicale, des bâtiments vides de la base, forme hautement sophistiquée du dernier-avertissement-sans-frais, sans nulle perte hu­maine. Et cette zone morte perdure plusieurs heures ensuite, empêchant radicalement toute poursuite ou représailles.

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Faut-il ici préciser que désactiver un satellite militaire n'est pas à la portée du premier hacker venu ? Mais alors, qui aurait lancé cette attaque non-étatique d'un niveau technologique sans précédent dans la région - pour ne pas dire au monde ? Sur place, on pointe du doigt des mi­lices chi'ites venues d'Irak, elles-mêmes "soutenues par l'Iran". En 2017, l'auteur publiait un numéro spécial de la revue Sécurité Globale, consacré aux centaines de milices chi'ites actives de par le monde, d'abord au Moyen-Orient.

Voici cinq ans, côté armement, ces paramilitaires en étaient aux bonnes vieilles kalach', aux lance-roquettes RPG7, aux missiles soviétiques de grand-papa ; le tout fabriqué durant la guerre froide. Qu'aujourd'hui, une ou plusieurs de ces bandes armées à l'histoire tumultueuse et aux hiérarchies fluctuantes, soient capable de préparer et d'exécuter l'impeccable attaque high-tech ci-dessus décrite, marquera sans doute un tournant majeur dans la longue histoire de la guerre au Moyen-Orient. 

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