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Les élections de mid terms qui se tenaient ce mardi aux Etats-Unis n'ont pas apporté la vague rouge annoncée.
Les élections de mid terms qui se tenaient ce mardi aux Etats-Unis n'ont pas apporté la vague rouge annoncée.
©JIM WATSON

Elections de mi-mandat

Les élections de mi-mandat qui se tenaient ce mardi aux Etats-Unis n'ont pas apporté la vague rouge annoncée. Les victoires du camp républicain sont moins nombreuses que prévu.

Emeric  Guisset

Emeric Guisset

Emeric Guisset est secrétaire général adjoint du think-tank Le Millénaire.

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William Thay

William Thay

William Thay est président du Millénaire, think tank gaulliste spécialisé en politiques publiques. 

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Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa est spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l’université Assas-Paris II. Il est chercheur au centre Thucydide. Son dernier livre s'intitule Géopolitique des Etats-Unis (Puf, 2022).

Il est également l'auteur de Hillary, une présidente des Etats-Unis (Eyrolles, 2015), Qui veut la peau du Parti républicain ? L’incroyable Donald Trump (Passy, 2016), Trumpland, portrait d'une Amérique divisée (Privat, 2017),  1968: Quand l'Amérique gronde (Privat, 2018), Et s’il gagnait encore ? (VA éditions, 2018), Joe Biden : le 3e mandat de Barack Obama (VA éditions, 2019) et la biographie de Joe Biden (Nouveau Monde, 2020). 

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Atlantico : Quels sont les enseignements qui se dégagent des résultats de cette élection ? Avec quelle ampleur ?

Jean-Eric Branaa : Ce qu’il faut commencer par dire, c’est que le tsunami républicain n’a pas existé. Newt Gingrich avait annoncé 80 députés d’avance pour les Républicains et jusqu’à cinq sièges au Sénat. Cela n’a pas eu lieu. Il n’y a pas eu de tsunami, pas de vague rouge, pas même de vaguelette. C’est très plat et c’est une grande déception pour les Républicains. Et quand Donald Trump annonce que les résultats sont formidables, certains élus se sont immédiatement dressés pour dire qu’il avait tort et que  le compte n'y était pas: Lindsey Graham, Ted Cruz. Le compte n’y est effectivement pas. Pourquoi ? Parce que ce sont des élections de mi-mandat qui se traduisent traditionnellement par une sanction contre l’administration en place et un recul technique dû au fait que lors de la présidentielle, certains se font élire dans l’entrain de la présidentielle. Donc c’est une très bonne performance des démocrates, même s’il est encore possible qu’ils perdent les deux chambres – le scénario le plus probable restant un contrôle démocrate du sénat et une courte majorité républicaine à la chambre -. Même au niveau des gouverneurs et des assemblées, les Démocrates s’en sortent plutôt bien.

Ce qui est notable, c’est que tous les sortants ou presque sont réélus. Cela nous ramène à une tradition américaine qui est que si les sortants font le job, les électeurs se disent : « pourquoi en prendre un autre ? ». Certains se retrouvent élus ad vitam eternam ou presque, à l’image de Nancy Pelosi qui vient d’obtenir son 19e mandat et a été réélue avec 82% des voix. Cela contraste avec les années Trump ou la tendance était à la disruption des modèles et à leur explosion. On est revenu à l’avant Trump.

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Et l’autre enseignement c’est d’ailleurs l’échec flagrant de Donald Trump qui a été poussé vers la sortie. Ses supporters, ses troupes, ont perdu quasiment partout. En particulier, ceux qui ont fait campagne sur la négation des résultats de 2020 sont tous battus. Cela me fait dire que Trump a eu tort avec son positionnement celui, très noir, d’une Amérique du passé dont les gens ne veulent plus. Les Américains veulent des perspectives de sortie de crise. Ils attendent des gens dynamiques pour cela, mais je ne pense pas que cela les amène à voter pour l’autre camp. Aux Etats-Unis, aujourd’hui, tout le monde ne parle que d’un seul homme, Ron DeSantis, qui a fait un très bon score en Floride, non seulement personnellement mais plus largement en faisant élire des gens autour de lui. Le système DeSantis fonctionne en Floride. Il a proposé une autre voie, qui reste malgré tout celle d’un conservatisme fort. Il est jeune, 44 ans, et cela peut être séduisant pour les électeurs Républicains qui se cherchent aujourd’hui un nouveau leader.

Je parle de l’échec de Trump mais je pense cependant que les MAGA sont toujours là. Sauf qu’à mon sens, ils sont en train de s’acheter un nouveau leader. Ils ont envie de renouvellement aussi. Evidemment, il y a aussi des amoureux de Trump, c’est un phénomène d’écurie logique. Sauf qu’il y a aussi une envie de gagner et Trump ne parait pas forcément être celui en mesure d’apporter la victoire. Et cet avis est partagé y compris dans ses rangs. Aux Etats-Unis, traditionnellement, lorsque l’on a perdu, on laisse passer les autres. Et c’est ce qui rattrape aujourd’hui Donald Trump.

Emeric Guisset et William Thay : Nous avions dans notre étude évoqué 3 scenarii possibles pour ces midterms :

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-       Celui où les Républicains remportent la Chambre des Représentants mais le match au Sénat est très serré et peut se jouer lors d’une élection spéciale en Géorgie le 6 Décembre ;

-       Celui où les Républicains remportent la Chambre des Représentants et le Sénat

-       Celui d’une « Red Wave » où des fiefs Démocrates basculent en faveur des Républicains à la fois à la Chambre et au Sénat.

C’est finalement l’hypothèse 1 qui semble se dégager à ce stade, même si des incertitudes persistent sur certains Etats et à la Chambre des représentants. Les Démocrates ont mieux résisté que ce qui était prévu ces derniers jours et peuvent s’offrir une chance de conserver le contrôle du Sénat soit avec les prochains décomptes où lors d’une élection spéciale en Géorgie.

Ce scénario reposait sur des hypothèses qui se sont confirmées :

-       L’électorat démocrate semble s’être davantage mobilisé que ce qui était indiqué par les sondages ;

-       L’électorat a soutenu une victoire républicaine mais sans les sortir de la zone de ballotages ;

-       La politique de Joe Biden est rejetée majoritairement par les Américains mais pas par l’électorat démocrate qui continue de la soutenir.

Ces résultats traduisent une forte variabilité des thèmes de campagnes ces dernières semaines. On peut a postériori identifier 4 temps de la campagne :

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-       Avant le 24 juin : la prédominance du sentiment anti-biden sur lequel les Républicains parviennent à surfer ;

-       A partir du 24 juin : l’émergence de la question du droit à l’avortement suite à la décision de la Cour Suprême de mettre fin au droit constitutionnel à l’avortement en revenant sur l’arrêt Roe v. Wade. Les Démocrates utilisent ce thème de campagne clivant pour mettre les Républicains en minorité dans l’opinion. Durant cette période, une augmentation des inscriptions sur les listes électorales a également pu être enregistrée ;

-       Depuis septembre : le retour des thèmes économiques en raison de l’inflation a eu pour effet de relancer les Républicains pour remporter ces midterms ;

-       Le jour de l’élection nous afin finalement assisté à une remontée de la question du droit à l’avortement dans les motifs des choix du vote (de 4e à la seconde position)

Les démocrates ont donc pu bénéficier du retour d’un sujet favorable pour eux le jour du vote mais aussi pu utiliser la flexibilité du vote par correspondance pour faire voter aux moments où ils avaient le vent en poupe.

Enfin, ces résultats mettent en évidence un phénomène de prime au sortant. Un exemple marquant est celui du Wisconsin qui a revoté pour ses Gouverneur et Sénateur sortants alors même qu’ils sont Démocrates et Républicains. Nous pouvons alors dresser une similitude avec le phénomène de gel démocratique observé en France depuis les Municipales de 2020 et confirmé lors des Régionales de 2022. Le fait que nous soyons actuellement en état de crise conduit les électeurs non plus à faire un choix seulement guidé par la question du positionnement idéologique, mais à favoriser l’expérience des candidats sortants.

Y-a-t-il des surprises ? Que ce soit des résultats dans certaines localités ou dans l'ampleur de certains scores ?

Jean-Eric Branaa : Non, c’est même ce qui est frappant. Tous les gouverneurs sortants sont réélus. Trump a placé ses candidats là où il n’y avait pas de sortants, et ils sont battus. C’est là où l’incertitude était la plus grande. Il n’y a pas de grands battus aujourd’hui.

Emeric Guisset et William Thay : La grande surprise c’est finalement que les sondages avaient raison. Les Etats annoncés comme très serrés (Géorgie et Pennsylvanie notamment) se sont effectivement révélés comme très compétitifs, et de même nous ne constatons pas de surprise avec la bascule de bastions dans des camps adverses.

Autrement, deux points particuliers peuvent attirer notre attention avec des scores plus élevés que la moyenne et les prédictions : l’élection des Gouverneurs de Pennsylvanie et de Floride. Ces résultats d’une ampleur inédite, près de 13 points d’avance pour Josh Shapiro en Pennsylvanie et plus de 19 points d’avance pour Ron DeSantis en Floride, indiquent une supériorité qualitative de ces candidats par rapport à leurs concurrents. Ce n’est certainement pas non plus un hasard si ces résultats hors norme ont lieux dans l’État d’origine et Joe Biden et l’État où réside Donald Trump. Finalement, ces derniers sont parvenus à mobiliser leur base afin d’être forts dans leurs bastions.

Selon les sondages de CNN, les enjeux déterminants lors de ces élections ont été l'inflation, suivie de l'avortement. Cela explique-t-il une partie des résultats ? 

Jean-Eric Branaa : A mon sens, l’avortement n’est pas une question qui a fait basculer le scrutin. Cela a pu faire sortir des Démocrates pour aller voter, mais pas des Républicains ou des indépendants. En revanche, l'inflation oui, tout le monde en a parlé. La cote de Biden monte et descend avec les prix de l’essence. L’autre question importante, c’est celle que Biden a mis sur la table. Il a renversé ce qui devait être un référendum contre lui pour en faire un référendum contre Trump. Il a fait une campagne qui parlait de démocratie, de menace contre celle-ci, etc. Cela a marqué et cela lui a en plus permis de ne pas avoir à discuter de son bilan, alors que c’est à ça que servent les mid terms normalement. Mais il a préféré laisser cela de côté pour favoriser cette conversation empoisonnée sur la démocratie et Trump. Je pense que c’est ce qui a convaincu les indépendants.

Que nous apprennent les résultats des clivages, notamment socio-démographiques, dans le pays ?

Jean-Eric Branaa : Il y a effectivement des clivages politiques clairs qui reflètent la société américaine d’aujourd’hui. Assez traditionnellement, on retrouve le clivage ville-campagne mais aussi fédéralisme contre pouvoir local. A cela s’ajoute un certain traditionalisme dans le vote, que montre la prime aux sortants. Ce vote s’apparente beaucoup à ce qui se faisait par le passé et c’est plutôt rassurant pour la démocratie américaine.

Qu'est-ce que ces résultats laissent entrevoir pour la suite ?

Jean-Eric Branaa : Comme je le disais, le Sénat devrait rester démocrate, soit avec une voix d’avance, soit ex-aequo avec la voix décisive de Kamala Harris. Et les Républicains devraient avoir une courte majorité à la chambre. Mais celle-ci risque d’être difficile à maîtriser en raison des différentes sensibilités présentes : les MAGA ou plus institutionnellement le Freedom caucus pourraient poser problème. Il est à noter qu’après le succès de Ron DeSantis en Floride, cet Etat ne sera plus à considérer comme un Etat clé comme il l’a été depuis 20 ans. Il a semble-t-il verrouillé la Floride et il va être très difficile pour les Démocrates d’exister.

Emeric Guisset et William Thay : La première conséquence de ce scrutin est que Joe Biden devrait avoir la capacité de se représenter en 2024 malgré son âge et ses défauts s’il le souhaite. En effet, malgré ses raisons qui le conduisent à être à moins de 40 % de popularité dans l’opinion, il a encore fait la démonstration qu’il était dans le camp démocrate le meilleur barrage à Donald Trump. Il parvient en effet à séduire une partie des classes ouvrières blanches et à couper ainsi Donald Trump de ce qui avait fait son succès en 2016 : la Rust Belt.

Alors que les Démocrates ont pu se rassurer électoralement, les Républicains risquent à l’inverse de voir s’ouvrir une mini crise. L’absence d’une large victoire des Républicains ne permet pas à Donald Trump de s’imposer comme candidat incontestable pour 2024. Il pourrait se faire concurrencer par le Gouverneur de la Floride, Ron DeSentis. Mais si Ron DeSentis a réalisé un très bon score en Floride, cela en fait-il un bon candidat à la présidentielle ? Possède-t-il la capacité d’aller chercher les électeurs de la Rust Belt avec son profil de Républicain du sud ?

De son côté, Donald Trump a quant-à-lui déjà démontré sa capacité à gagner l’élection présidentielle et à faire la synthèse entre l’électorat traditionnel des Républicains de la « SunBelt » et l’électorat ouvrier de la « Rust Belt ». A l’issue de ces midterms, les Républicains doivent donc faire face à davantage de doutes que de certitudes.

William Thay,  Président du Millénaire Thinktank spécialisé en politiques publiques

Emeric Guisset, Secrétaire Gnénéral Adjoint du Millénaire

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