François Hollande parti bas dans les sondages, c'est un avantage<!-- --> | Atlantico.fr
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Quels avantages chez François Hollande ?
Quels avantages chez François Hollande ?
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Interview Michel Sapin

Alors que la campagne des primaires socialistes continue à être mouvementée, Michel Sapin qui fait campagne pour François Hollande détaille les avantages de son candidat. Interview.

Michel Sapin

Michel Sapin

Michel Sapin est membre du bureau national du Parti socialiste.

Il a été député de l'Indre et des Hauts-de-Seine, ministre délégué auprès du ministre de la Justice, ministre de l'Économie et des Finances et ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l'État. Il a aussi été président du Conseil régional du Centre. Il a été réélu en 2007 député de l'Indre et maire d'Argenton-sur-Creuse.

Il  a apporté son soutien à François Hollande pour les primaires socialistes.

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Atlantico : Une question simple pour commencer, pourquoi avez-vous choisi de faire campagne en faveur de François Hollande ?

Michel Sapin : Je pourrais vous répondre simplement "par amitié", mais ça ne suffit pas ! En politique, on doit privilégier la conviction et l'efficacité. François Hollande me paraît aujourd'hui, et surtout d'ici l'échéance de 2012, le socialiste qui dispose de la plus grande capacité à être non seulement présent au deuxième tour, mais aussi à être élu et à pouvoir le faire dans un rassemblement à gauche qui soit harmonieux et équilibré pour préparer la suite.

Puisque vous parlez d'harmonie, celle-ci n'est pas toujours au rendez-vous à l'occasion des primaires socialistes...

Les primaires peuvent être la meilleure comme la pire des choses. A nous d'en faire la meilleure ! François Hollande a été l'un de ceux qui a été peut-être le plus réticent à l'égart de ces primaires, mais il considère qu'aujourd'hui c'est un mécanisme qui est nécessaire puisqu'il faut bien choisir un candidat. Si celles-ci sont maitrisées, respectueuses et organisées de manière incontestable, elles peuvent constituer un élément de dynamique.

Mais les tensions qui semblent exister entre candidats -comme ont pu encore l'illustrer les démentis des proches de Martine Aubry suite à l'annonce sa non-candidature- ne rendent-elles pas ces primaires contre-productives ?

Toutes ces histoires de "pactes" correspondent à des discussions entre personnes et entre sensibilités. Pourquoi pas ? Cela fait partie des choses tout à fait légitimes et normales dans un parti pour éviter la multiplicité des candidatures. Mais cela ne concerne pas François Hollande. Aujourd'hui le gros avantage qu'il a par rapport à tous les autres c'est qu'il est serein et libre : il est difficile de savoir ce que pense Dominique Strauss Kahn car il n'est pas en mesure, compte tenu de ses fonctions, d'exprimer sa pensée et Martine Aubry est tenue par son rôle de rassembleuse en tant que première secrétaire du PS.

Si l'on veut que les primaires soient un moment réussi, il faut considérer que c'est un moment sur un chemin. La primaire en soi n'est pas un objectif, c'est une voie vers le premier et deuxième tour de la présidentielle. L'enseignement que je tire de l'élection de 2007, y compris des primaires socialistes précédentes, c'est qu'être au mieux de sa forme au moment de la primaire risque ensuite de vous mettre dans la situation de perdre l'élection présidentielle. Il faut donc encore en avoir sous le pied. Ainsi, François Hollande est parti plutôt bas par rapport à l'opinion et ne cesse de monter progressivement, lentement mais sûrement.

Et sur le fond ? On a entendu un certain nombre de critiques sur le programme de François Hollande, y compris à gauche notamment chez les partisans d'Arnaud Montebourg...

Ce sont des critiques qui peuvent en fait s'adresser au projet socialiste, et donc aussi bien à Martine Aubry, Dominique Strauss-Kahn que François Hollande. Montebourg se différencie du programme socialiste en marquant le trait  - je vais dire cela comme ça - sur un certain nombre de sujets : la démondialisation, le protectionnisme, etc. Objectivement, c'est une singularité de Montebourg et non pas une faiblesse de François.

Et quand François Hollande se présente comme un éventuel futur "Président normal"... on est quand même loin du "changer la vie" de François Mitterrand...

Ah, mais, un Président normal n'est pas celui qui ne change pas la vie ! C'est celui qui n'est pas "anormal". Or, nous vivons aujourd'hui avec un président de la République anormal, c'est-à-dire qu'il ne se conduit pas d'une manière digne d'un président de la République et c'est certainement l'un des aspects pour lesquels les Français ont de grandes difficultés avec Nicolas Sarkozy.

Pour François Hollande, la fonction nécessite de la sérénité, de la réflexion, de ne pas réagir pas à coup. Il s'agit de la critique d'un mode de vie, d'une expression anti bling bling, plus proche de celle des gens. Cela ne signifie pas pour autant que nous sommes dans la banalité : il faut avoir des aptitudes particulières pour prétendre à ces fonctions.

Quelles sont les propositions de François Hollande pour tenter de sortir de la crise ?

François fait des propositions depuis près de deux ans, notamment sur les problèmes de redistribution, de réformes fiscales, de la jeunesse. Le travail qui a été fait sur le programme socialiste - et j'y ai pris ma part - fournit un cadre dans lequel François Hollande se sent parfaitement à l'aise. Il est bien dans le projet socialiste, et à l'intérieur de ce projet, il peut préciser, proposer, prioriser tel ou tel aspect. Par exemple son contrat de générations entre jeunes et seniors est une sorte de déclinaison des emplois d'avenir du projet socialiste.

Il faut faire preuve de sérieux parce que dans une économie qui n'est pas sortie de la crise, qui est dans la difficulté européenne et mondiale, dans laquelle les finances publiques sont en déroute, rien ne peut être facile. Il faut lutter contre les déficits et prendre en compte la réalité. C'est ce sérieux qui permettra d'offrir la part de rêve, notamment aux jeunes.

Que pensez-vous de l'interview de Nicolas Sarkozy dans L'Express de cette semaine où il défend notamment Claude Guéant dans sa volonté de réduire l'immigration légale ?

Nicolas Sarkozy va de reniement en reniement. En 2007, il avait promu "l'immigration choisie", ce qui était une manière honorable de parler de la politique d'immigration. Il était beaucoup moins honorable quand il confondait identité française et immigration, ou quand il confondait immigration et insécurité.

Aujourd'hui, il est passé dans une course poursuite vis-à-vis des thèses du Front national et éventuellement des électeurs passés au FN. Il se trouve dans une manière d'être qui consiste à ne plus avoir de repère : il abandonne tous les symboles, comme le bouclier fiscal, et se trouve pris dans une sorte de tournis qui a comme seul objectif de tenter de maîtriser l'hémorragie vers le FN.

Est-ce que la question de l'intégration ou de l'immigration est un "problème" pour vous en France ?

L'immigration n'est pas un problème, c'est une question ! C'est un problème pour l'extrême-droite, ou pour une partie de la droite, pour Monsieur Guéant. La question c'est quelle est la place de l'immigration dans la France d'aujourd'hui ? Quels sont les besoins de l'économie française ? Quelles sont les principes d'ouverture au monde qui font que lorsque des Tunisiens quittent leur pays, dans un contexte particulier, on a aussi un devoir d'accueil et il ne faut pas prononcer des mots épouvantables comme "on les remet dans un bateau". C'est cela la politique d'immigration : elle est faite à la fois de contrôles aux frontières absolument nécessaires dans le cadre de Schengen mais aussi d'une réflexion sur les besoins de l'économie française. On le sait, l'économie française a besoin d'une immigration contrôlée. Même si la France est le pays d'Europe avec la natalité la plus forte, nul ne peut dire que nous réussirons demain en nous fermant aux autres. Ce serait d'ailleurs tourner le dos à ce qui s'est fait au cours des dix années précédentes.

La gauche "pêche-t-elle par naïveté" en matière d'insécurité comme l'avait dit Lionel Jospin en 2002 ?

Sur ces questions d'insécurité ou d'immigration, les électeurs se prononcent sur un bilan des dix dernières années ; c'est beaucoup 10 ans. Ce n'est donc pas par rapport à la politique de Lionel Jospin qu'aujourd'hui ils peuvent exprimer des critiques. Ils pourraient le faire par rapport à nos propositions, mais ils l'expriment en fait surtout par rapport à une réalité d'échec - échec du pouvoir d'achat, de l'emploi, ... - C'est donc l'échec global de Nicolas Sarkozy dont il est question. Cela nous donne d'autant plus de devoirs pour répondre à des préoccupations, comme celles par exemple de l'immigration ou l'insécurité. D'ailleurs je ne sais pas pourquoi on nous parle de naïveté : nous avons des propositions sérieuses sur ces sujets.

Pour conclure, vous étiez dans la même promotion à l'ENA que Ségolène Royal et François Hollande. Comment celui-ci a-t-il évolué depuis cette période ?

Par définition, on évolue tous. Je ne peux même pas dire qu'il a pris quelques kilos, puisqu'il en a perdu récemment... il a dû revenir à son poids de l'époque ! Mais il a pris de la bouteille, de l'expérience, une dimension d'homme d'État. Il ne voulait pas à l'époque devenir Président, mais sa volonté de s'engager dans le débat demeure.

Et Ségolène Royal ?

Ségolène Royal, c'est plus compliqué. Excusez-moi, mais je n'ai pas trop envie de parler d'elle.

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