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MBS à quitté Paris sans avoir signé de grands contrats. Pourquoi cette frilosité saoudienne avec les industriels français ?
©REUTERS/Ralph Orlowski

Mauvaise récolte

Emmanuel Macron est sûrement déçu ou il ne dit pas tout. Il faut reconnaître qu’il a quand même été snobé par Mohamed Ben Salmane, en visite diplomatique à Paris.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La diplomatie française est sans doute déçue, les industriels français beaucoup plus. Ils s’attendaient à une moisson de contrats. Ils devront attendre sans doute la prochaine visite du président français à Riyad.  Le prince héritier d’Arabie Saoudite, qui a entrepris de transformer son pays et de le préparer à l’après pétrole, arrivait de New York où il n’a pas cessé de signer des contrats. A Paris, ce qui l‘a intéressé pendant les trois jours de sa visite, c’est plus le Louvre que la bourse. 

Pour lui, l’intérêt qu’il porte à l’Amérique est tapissé de dollars. Le gout qu’il prend à séjourner a Paris est pavé de l’Histoire de France. 
Pour Emmanuel Macron, c’est moins compromettant, mais ça n’est guerre efficace, lui qui se plait à vendre les entreprises françaises.  
 Mohamed Ben Salmane, celui qu’on surnomme MBS, avait acquis en décembre dernier la demeure la plus chère de l’Histoire, un château « Louis XIV » situé à Louveciennes, pour 275 millions d’euros. Le jeune prince héritier du trône d’Arabie Saoudite, pour y verser cette somme, a forcément un attachement très fort avec la France. 
Emmanuel Macron, qui partage quelques points communs avec le monarque saoudien, comme sa jeunesse et sa volonté de réformer, doit avoir l’amère impression d’un rendez-vous manqué. Il espérait surement conclure des contrats d’armement - l’Arabie Saoudite a toujours été un partenaire commercial important, mais cette fois le contrat devrait revenir à l’Espagne. Du côté énergétique, EDF n’a pas remporté les appels d’offre dans le solaire ou le nucléaire.  Alors que la péninsule arabique a un grand projet d’une ville futuriste et peuplée de robots, Emmanuel Macron espérait probablement  lui proposer des pistes d’investissements en lui montrant le savoir-faire et la volonté française dans le numérique, mais la visite de la Station F, le plus gros incubateur de start-ups au monde, a du être annulée au dernier moment du fait du prince.
Du coup, la visite diplomatique, outre les questions politiques, a pris un aspect plus mondain. Emmanuel Macron et Mohamed Ben Salmane se sont retrouvés pour dîner au Louvre dimanche soir. Alors, oui, la France sera de la partie pour la construction de grands projets culturels saoudiens : l’ouverture d’un gigantesque complexe touristique et culturel sur le site d’Al-Ula, complexe éco-responsable - alors que l’Arabie Saoudite va enfin permettre l’obtention de visas touristiques hors pèlerinage - et la mise en place d’un opéra et d’un orchestre national à Jeddah. Puis, l’Arabie Saoudite sera invitée au prochain festival de Cannes. Mais tous ces accords conclus cantonnent la France au rang de partenaire culturel.
Et pourtant, le prince héritier revenait tout juste de trois semaines aux Etats-Unis, où il a pu signé une multitude d’accords pour favoriser les investissements dans son pays qu’il veut préparer à l’après-pétrole. Et s’il n’a pas encore officiellement hérité du trône, son père a choisi de lui déléguer une bonne partie du pouvoir politique et économique. A 32 ans, il compte bien s’en servir pour libérer l’économie saoudienne et la faire rentrer dans la modernité. 
Ses projets sont gigantesques. On ne compte pas moins de 5 grands chantiers , immenses  définis et pilotés par les prince héritier où la France pourrait apporter son expertise, son savoir faire  et investir. Mais pour l’instant, elle en est exclue. 
Un. Parce qu’il a entrepris des réformes importantes pour transformer son pays. Là, il s’agit de réformer en profondeur la société, actuellement dominée par un fort conservatisme et une vision rigoriste de l'islam. Il s’attèle à accorder de plus en plus de droits aux femmes et il est opposé à la polygamie, même s’il n’a pas encore légiféré dessus.
Au niveau économique, il a aussi une large tâche à accomplir sur la réduction du déficit budgétaire, qui a atteint 17 % du PIB en 2016 et 9 % en 2017. L’argent public est utilisé à chaque crise pour étouffer les contestations. 
Deux. Parce qu’il doit booster le secteur privé de son pays, mais que les saoudiens ont été subventionnés pendant de nombreuses années aux emplois publics. Seulement 17% des employés du privé sont de nationalité saoudienne, la main d’œuvre étrangère reste largement dominante. Il faut dire que les secteurs recruteurs étaient jusqu’alors ceux du pétrole ou du bâtiment et n’attiraient guère les saoudiens. L’enjeu de MBS est de miser sur le développement de l’emploi privé, en développant de nouvelles activités et en favorisant l’arrivée sur le marché du travail des femmes.
Trois. Parce qu’il se veut le chantre de l’anticorruption. Son premier grand coup a été la purge des milliardaires. Il est effectivement à l’origine des arrestations spectaculaires, intervenues après la création d’une Commission anti corruption en novembre 2017 et qui ont visé des ministres et hommes d’affaires saoudiens. Ils ont tous été enfermés dans un palace, jusqu’au paiement d’une très forte amende. Le premier prince libéré, le propriétaire du Crillon, à Paris, a dû signer un chèque de 1 milliard de dollars pour sortir. La méthode est forte – et a choqué bon nombre par l’absence de jugement- mais le signal envoyé est encore plus fort : tous ces hommes d’affaires étaient accusés de corruption et c’est un moyen de leur faire comprendre que le système n’est plus d’actualité.
Quatre. Parce que le pays est à l’image de son dirigeant, très jeune. Parmi les 31 millions d’habitants, la moitié est âgée de moins de 25 ans, et la main d’œuvre étrangère abonde. D’ou les besoins d’écoles de formation et d’université 
Cinq. Parce que le pays est très riche, ayant profité pendant des années de la manne pétrolière ce qui lui a permis de créer un fonds souverain de 400 milliards de dollars, capables d’investir dans des secteurs comme les nouvelles technologies, les transports mais aussi la culture ou les divertissements. 
L’économie saoudienne a  donc toutes les chances de devenir le moteur un de la région  dans les années à venir. Il faudra maintenant attendre la fin de l’année et la visite retour d’Emmanuel Macron à Riyad pour connaître la teneur du « partenariat véritable stratégique » vanté par l’Elysée.

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