MBS : un prince (et son royaume) dans la tourmente<!-- --> | Atlantico.fr
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Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane photographié lors de sa rencontre avec le président tunisien lors de son arrivée au palais présidentiel de Carthage le 27 novembre 2018.
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane photographié lors de sa rencontre avec le président tunisien lors de son arrivée au palais présidentiel de Carthage le 27 novembre 2018.
©FETHI BELAID / AFP

Bourbier

Le Yémen est confronté à une crise humanitaire de grande ampleur. L'Arabie saoudite a lancé il y a six ans une intervention militaire contre la rébellion des Houthis. Riyad est embourbé dans cette crise.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Voici 17 ans, "La guerre d'Espagne et ses lendemains" de l'historien Bartolomé Benassar nous initiait au pertinent concept de "Laboratoire du siècle". Car bien sûr, la guerre d'Es­pagne avait été l'un de ces chocs précurseurs qui, avant un conflit majeur (guerre de Séces­sion avant 1914-18, guerre d'Espagne avant la 2e guerre mondiale) en est le modèle ré­duit ; dévoile sa logique et son essence.

Aujourd'hui, scrutons un "laboratoire du siècle" d'ampleur géopolitique : la guerre du Yé­men, où fait rage la cruciale bataille de Marib - semblable à celle de l'Èbre, dans l'Espagne de 1938, après laquelle tout bascula. Dans cette bataille, le Goliath saoudien est en passe de perdre face aux "Houthis", milices chi'ites quasi-inconnues, issues des montagnes yémé­nites. Clé d'énormes champs pétrolifères Marib est encerclée aux trois-quarts ; par le nord-ouest, les Houthis approchent prudemment du centre de cette métropole de 2 mil­lions d'habitants, surtout sunnites.

Surarmé, richissime, le royaume saoudite s'enlise au Yémen. Même, cette guerre lancée avec arrogance par le prince héritier Mohamed bin Salman (dit MBS) - on verra plus bas que ce n'est pas sa seule foucade - ravage désormais le royaume. Depuis février 2021, sa capitale Riyadh, ses raffineries de pétrole, bases militaires, héliports et aéroports, sont sous une grèle de missiles et drones-kamikaze ; d'abord, la province de Jizan, proche du Yémen. Pire : à Riyadh même, un missile tiré de l'Irak par des miliciens chi'ites, à plus de 600 km., frappait fin janvier l'entrée du palais du gouvernement (al-Yamama palace).

Outre ce désastreux conflit où le royaume patauge depuis six ans, les mauvaises nouvelles s'empilent pour MBS, régent de fait du royaume :

- Le président Biden le boycotte depuis le sanglant et loufoque assassinat du journaliste saoudien Jamal Kashoggi en octobre 2018, "validé" par MBS, dit le FBI. Désormais pour Washington, alliance saoudienne oui, mais MBS, niet. En prime, Biden a retiré les Houthis de la liste américaine des "organisations terroristes".

- Autre mauvais signe pour MBS : à la mi-mars 2021, Serguei Lavrov, puissant ministre russe des affaires étrangères, recevait publiquement à Moscou une délégation du Hezbollah, allié crucial des Houthis. Lui-même sous sanctions américaines depuis juillet 2019, Mohamed Raad (chef de file des députés du parti de Dieu), dirigeait la mission.

- Régionalement aussi, ça se gâte pour MBS, désormais soupçonné d'une bizarre tentative de renverser le roi Abdallah II de Jordanie en manipulant son demi-frère, l'ex-prince héritier Hamza bin Hussein. Des messages cryptés impliquant MBS ont été décou­verts et Bassem Awadallah, agent jordanien du bouillonnant MBS, est incarcéré à Amman. Des sources sé­rieuses disent que sous peu, les aveux des conspirateurs feront mal. Là en­core, le président Biden a tancé MBS : pas touche à Abdallah II !

Au passif de MBS aussi, des centaines de milliards gaspillés en projets pharaoniques-farfe­lus ou en communication. Ce, alors qu'un dernier horizon s'assombrit pour le royaume saoudien : celui de l'économie. Préoccupant avenir, de fait, pour un pays encore dépendant du pétrole :

- Le coût de l'énergie renouvelable baisse constamment,

- La production de véhicules électriques progresse sans cesse,

- L'instabilité climatique éloigne l'opinion des énergies fossiles.

De fait, la banque centrale du royaume a annoncé début 2021 que ses res­sources finan­cières avaient baissé de 15% fin 2020 ; en même temps, le taux de chômage du pays y at­teignait les 15%.

Mais cela n'est rien encore à côté de la potentiellement mortelle épée de Damoclès mena­çant le royaume et ses dirigeants.

En décembre 2019, des missibles de croisière - on dit poliment "de conception iranienne" - écrasaient les deux grandes raffineries de Saudi Aramco, à Abqaïq et Khuraïs, dans l'est du pays. Or ces missiles pourraient de même frapper les usines saoudiennes de désalini­sation d'eau de mer ; d'abord la plus grande du monde, implantée au port de Ras al-Khair, face à l'Iran, au bord du Golfe. Cette usine alimente à 90% Riyadh, à 550 km. au sud-ouest. Que Ras al-Khair ou ses pipe-lines soient détruits et "il faudra évacuer Riyadh dans la se­maine... le gouvernement saoudien sera (plus ou moins longtemps) hors d'état de fonction­ner"

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