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Masque : ce que le port de la protection antivirus change à notre capacité à nous faire comprendre
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Petit dictionnaire français

Le port du masque s'est démocratisé à travers la planète avec la pandémie de Covid-19. Quelles sont les conséquences du port du masque sur les interactions sociales ? Que révèlent les différences de rapport au masque selon les cultures et les populations ?

Marianne Schmid Mast

Marianne Schmid Mast

Marianne Schmid Mast est professeure ordinaire de comportement organisationnel à la HEC de l'Université de Lausanne. Elle est, actuellement, éditrice associée pour le Journal of Nonverbal Behavior et siège aussi au conseil éditorial du journal Leadership Quartely. Marianne Schmid Mast est ex-membre du conseil du Fond National Suisse de la Recherche Scientifique et a été présidente de la Société Suisse de Psychologie.

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Atlantico.fr : Aujourd'hui, plus de 50 pays exigent le port du masque en public. De nombreux citoyens dans des pays sans réglementation stricte les portent de toute façon pour se protéger et protéger les autres contre les coronavirus.

Quelles sont les conséquences du port du masque sur les interactions sociales en termes de quantité (les relations se réduisent) et de qualité ?

Marianne Schmid Mast : Personne ne le sait. Il y aura la phase où le vaccin ne sera pas encore disponible et il y aura une nouvelle phase après cette découverte. Selon la durée de la première phase, les conséquences à long terme vont varier. Ce que nous savons de la recherche est que le visage et la région des yeux et de la bouche sont les endroits qui sont utilisés pour « détecter » les émotions et « lire » la personnalité de nos interlocuteurs. Tout d’un coup, au sein de notre culture qui n'est pas habituée au fait de se cacher le visage, on a environ 50% d’information en moins et il deviendra plus difficile de « lire » l’autre. Par contre, nous nous exprimons fort probablement de manière plus intense car il y a le masque (par exemple avec l'intonation de la voix). Si ceci peut remplacer l’information cachée par le masque, c'est une question qui mérite alors d'être étudiée.

Dans de nombreux pays, en particulier en Asie, le port de masques - pour se prémunir contre la pollution, par exemple - était déjà la norme. Dans les pays plus récents dans la pratique, certaines personnes ont du mal à avoir quelque chose qui couvre le visage. Qu’indiquent les différences de rapport au masque selon les cultures et les populations ?

Je ne pense pas que cela indique quelque chose sur les cultures. C’est simplement que dans beaucoup de pays d’Asie, la pollution est très prononcée, donc le port de masque fait sens et est plous logique. Les gens ont simplement plus l’habitude. Tandis que chez nous, c’est encore nouveau. Le fait qu’on porte un masque (ou pas) va aussi être lié à des a priori chez nous. On peut penser par exemple que les gens qui portent un masque sont soit malades ou peureux. On peut également penser que c’est une manifestation d’être consciencieux et responsable. Les recherches viennent de commencer sur ce domaine d'étude.

Si le port du masque se généralise dans certaines cultures ou devient plus fréquent, peut-on s'attendre à l'émergence de modes de rapports sociaux, moins liés aux expressions physiques (notamment celles du visage) ? Quels risques cette évolution présenterait-elle pour les relations sociales ?

Je ne pense pas qu’il y ait des risques pour les relations sociales. L’humain est un animal social, donc la façon dont les relations s’expriment sont différentes – elles le sont déjà maintenant. Ceci veut dire que les gens trouveront un autre moyen d’exprimer leur sympathie ou leur mépris envers leurs interlocuteurs. Par contre, on peut se poser quand même la question de savoir si les contacts sociaux entre les gens qui ne se connaissent pas vont devenir un peu plus anonymes et hostiles. Il y a le phénomène de la déshumanisation, ce qui implique qu’on se comporte moins selon les normes sociales (par exemple de manière plus agressive) si notre identité est cachée (avec un uniforme de policier ou un masque de carnaval). Dans la mesure ou le masque cache une partie de notre identité, il faut voir si ce phénomène se manifestera.

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