Coup d'épée dans l'eau
Marylise Lebranchu propose une nouvelle loi sur les fonctionnaires qui met les syndicats d’accord... mais qui évite soigneusement les sujets qui fâchent
Le projet de loi relatif à la déontologie, les droits et les obligations des fonctionnaires porté par la ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, est présenté ce mercredi 17 juillet en Conseil des ministres.
Éric Verhaeghe
Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.
Mais, on avait dit qu’on faisait un choc de simplification... Marylise Lebranchu, chargée de la réforme de l’Etat, n’en aurait pas entendu parler ? Elle présente en Conseil des ministres un projet insignifiant sur le statut des fonctionnaires (une sorte d’apologie de l’immobilisme), tout en annonçant que le rapport Pêcheur, attendu en octobre, devrait déboucher sur un projet bien plus ambitieux dans quelques semaines. Alors pourquoi cette loi "occupationnelle", si ce n’est pour compliquer une législation déjà disparate, sans apporter d’avancée utile ?
De fait, alors que les salariés du privé se prennent le choc de la sécurisation de l’emploi, les fonctionnaires bénéficient d’une loi qui les met une fois de plus à l’abri de l’adaptation aux contraintes économiques. Le gouvernement soutient pourtant qu’il a l’ambition de moderniser l’action publique (il a même créé une mission à cet effet !) : cette loi était une belle occasion de passer des intentions à la réalité, des promesses à l’action. Mais on l’a bien compris, dès qu’il s’agit de réformer, les discours sophistiqués valent mieux que des décisions effectives.
Ainsi, la loi n’aborde aucun des sujets qui fâchent : temps de travail, flexibilité, individualisation de la rémunération, compétitivité des services - toutes ces sauces auxquelles les salariés du secteur privé sont quotidiennement mangés demeurent des tabous dans le service public. Pourtant, avec des congés pléthoriques et des rémunérations globalement dissociées de la performance individuelle, le statut de la fonction publique ouvre un boulevard à la réforme. Mais celle-ci attendra.
Mais supposons... En attendant la grande réforme que promet Marylise Lebranchu, le gouvernement aurait pu tenir quelques promesses.
Par exemple dans la désormais délirante égalité hommes-femmes promue par la ministre Najat Vallaud-Belkacem, qui donne lieu à de longues considérations sur l’insupportable domination masculine. Le gouvernement tenait dans cette loi une bonne occasion de mettre en pratique, en tant qu’employeur, les grands principes qu’il inflige aux entreprises.
Or, le gouvernement se contente d’avancer d’une année les engagements pris... par la précédente majorité d’assurer 40% de présence féminine dans les nominations aux emplois supérieurs de l’Etat. Voilà qui n’est pas bien méchant. On aurait rêvé de bien plus : de la mise en place d’un congé parental pour les pères, sur le mode allemand, qui pousse les fonctionnaires hommes à devenir des modèles de modernité, partageant parfaitement les tâches domestiques et l’éducation des enfants.
Manifestement, il est beaucoup plus facile de légiférer pour le secteur privé que pour ses propres troupes : on ne trouve dans la loi aucune mise en pratique des principes véhéments défendus par la porte-parole du gouvernement.
La déception est la même sur les "lanceurs d’alerte" malgré les grandes annonces faites par la ministre : ces fonctionnaires obligés de dénoncer des faits contraires à la loi dont ils seraient témoins (obligation inscrite depuis vingt ans dans le code pénal) devaient être protégés de façon très efficace. La loi n’apporte rien de nouveau sur le sujet. Elle se contente de préciser que l’administration doit les protéger, notamment pendant leur garde à vue.
Encore une belle occasion ratée de réformer l’Etat.
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