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Le Maroc fait sa révolution
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Constitution

La population marocaine est appelée à se prononcer ce vendredi sur la réforme constitutionnelle voulue par Mohammed VI. Critiqué par l'opposition, le nouveau texte limite les pouvoir du Roi et prévoit la nomination d'un Premier ministre. Il pourrait aussi permettre l'émergence d'une nouvelle élite politique.

Abdelmalek Alaoui

Abdelmalek Alaoui

Abdelmalek Alaoui est directeur général du cabinet de communication d'influence Guepard Group.

Il est l'auteur du livre Intelligence Economique et guerres secrètes au Maroc (Editions Koutoubia, Paris).

 

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Moins de six mois après le déclenchement du « printemps arabe », le monde a les yeux braqués sur le Maroc, qui devrait devenir ce vendredi le premier pays de la région à voter en faveur d’une réforme substantielle de sa constitution. A travers un référendum qui vient clôturer les travaux d’une commission qui a planché pendant plus de trois mois pour établir un texte réaménagé, s’ouvre un moment politique important pour le Royaume, faisant de ce pays un « laboratoire démocratique » potentiel pour la rive sud de la Méditerranée.

La rue a ringardisé les partis politiques

Cette position de « sherpa » du monde arabe, le Maroc estimait l’avoir préemptée depuis longtemps, bien avant l’accélération de son processus de réforme constitutionnelle de mars 2011 voulue par Mohammed VI. Cependant, une frange de la jeunesse, réunie sous la bannière du mouvement du 20 février, a voulu contester le leadership de la réforme au monarque, estimant que la nomination par ce dernier d’une commission chargée d’amender la constitution ne constituait pas une méthode compatible avec l’émergence d’un véritable processus démocratique, et réclamant à la place l’instauration d’une constituante.

Cette question autour de la de la démarche « top down » - qui a été adoptée par le Maroc pour parvenir au référendum constitutionnel - a constitué un sujet de débat majeur lors de ces derniers mois. De manière plus générale, la vitalité des revendications issues du mouvement du 20 février a permis de redynamiser un débat politique marocain timoré et de faire émerger des fractures idéologiques sur le choix de société voulu par les marocains.

Ce débat d’idées - parfois vigoureux - a été essentiel pour permettre le cheminement d’idées nouvelles et la montée en puissance de nouvelles pratiques démocratiques qui ont concouru à ringardiser un peu plus des partis politiques marocains qui n’avaient rien d’innovant à proposer et qui ne sont tous simplement plus audibles. De plus, cette confrontation de points de vue a permis de démontrer qu’un débat responsable autour de l’avenir d’une nation pouvait être organisé au sein d’un pays arabe, sans pour autant arriver à la confrontation physique et à la remise à plat du système.

Faire de la contestation une force politique

Sans parler d’« exception » marocaine, c’est là une spécificité assez singulière. Or, à l’heure où il est de plus en plus probable qu’une large majorité de marocains se prononcera en faveur du nouveau texte, le temps est venu de mettre en place les mécanismes qui permettront de ré-inclure la dynamique contestatrice dans le champ politique afin d’en faire une véritable force de proposition. C’est là un enjeu majeur, mais également un défi complexe à surmonter, tant les « plafonds de verre » au sein des structures traditionnelles – partis politiques, associations et syndicats - bloquent l’ascension de la jeunesse et des idées qui y sont associées.

Ceci constitue - entre autres - une question essentielle de l’après référendum car avec l’adoption du nouveau texte, le Maroc entrera dans une pratique du pouvoir qui lui était jusque là inconnue, où le chef de gouvernement n’aura jamais eu autant de pouvoir. Conséquence de cet élargissement conséquent de ses prérogatives, le futur patron de l’exécutif  passera nécessairement par une phase où il cherchera à éprouver les « limites » du nouveau système, au risque de négliger la mission de réforme globale et de convergence sectorielle dont il devra assumer l’animation.

C’est là où le rôle du Roi demeure central, en tant que garant que les objectifs de moyens et de long terme seront également adressés par le gouvernement.

Jusque là, l’histoire récente du pays a démontré que Mohammed VI avait su prendre des initiatives courageuses pour amorcer un débat national sur des questions qui divisaient l’opinion, avec la volonté assumée de porter plus avant le processus de réforme. Ainsi, ne faut-il pas voir dans les deux initiatives emblématiques des dix dernières années, l’Instance Equité et Réconciliation ainsi que la réforme du code du statut personnel, l’expression d’un courage politique véritable de la part du Monarque marocain, puisque, précisément, rien ne l’obligeait à les entreprendre, si ce n’est une conviction sincère que les victimes méritent réparation et que l’égalité hommes-femmes s’inscrit dans la logique de l’histoire du monde ?

Vers l'émergence de nouvelles élites ?

Admettre que la monarchie agit dans un temps qui est déconnecté des agendas partisans, ce serait déjà faire un premier pas en direction d’une meilleure compréhension du Maroc, car l’essence même du système rénové veut que le Roi soit le garant de la mise à disposition pour le plus grand nombre d‘outils intellectuels et techniques favorisant la réforme, même si celle-ci n’est pas dictée par la pression.

Peut être devrait-on citer ici le cas du port de Tanger Méditerranée, projet « fou » voulu par Mohammed VI et qui aurait certainement été rejeté par un gouvernement préoccupé par sa propre réélection ou, pire encore, par des considérations comptables. Quelques années après son inauguration, Tanger Med est en passe de devenir le plus grand port d’Afrique, et a rendu possible l’installation, à proximité, de la plus grande usine Renault du continent, transformant ainsi une volonté politique en un succès économique.

Avec la nouvelle constitution, cette inscription du Maroc dans le sens de l’histoire se trouvera renforcée. Si le Roi conservera sa capacité à agir sur le périmètre stratégique, la responsabilisation du chef du gouvernement devrait favoriser l’émergence de nouvelles élites en rendant le « job » plus attractif. Ceci devrait permettre au pays de sortir avec un système plus équilibré dans lequel il sera possible d' « agir et de réfléchir ».

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