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Mario Draghi pense que l’Europe est sauvée de la déflation mais voilà pourquoi la zone euro n’est toujours pas capable de se passer des béquilles de la BCE
©DANIEL ROLAND / AFP

Quantitative easing

Dans sa conférence de presse, le président de la BCE a laissé entendre que sa politique monétaire de taux bas pouvait se poursuivre parce que la déflation avait disparu.

Frederik Ducrozet

Frederik Ducrozet

Frederik Ducrozet est économiste senior chez Pictet Wealth Management, en charge de l'Europe, depuis septembre 2015. Auparavant, il était économiste chez Credit Agricole CIB entre 2005 et 2015. Spécialiste de l'économie européenne, et de la politique monétaire de la BCE en particulier, ses travaux portent notamment sur le cycle du crédit, les politiques monétaires non-conventionnelles et leurs conséquences pour les marchés financiers.

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Atlantico : Dans sa conférence de presse donnée ce 14 décembre, Mario Draghi a déclaré "Les risques de déflation ont disparu", tout en dévoilant des anticipations d'inflation HICP de 1.7% pour l'année 2020. Au regard de l'inflation sous-jacente actuelle en France, soit 0.5%, et des révisions à la baisse successives des chiffres de l'inflation au cours de ces dernières années, quels sont les éléments permettant d'être optimistes, comme semble l'être le président de la BCE ?  

Frédérik Ducrozet : La BCE n’a pas pour cible l’inflation d’un pays en particulier, mais celle de la zone euro au niveau agrégé. Ceci dit, la situation française est emblématique de l’ensemble de la région : l’inflation est trop faible au regard du mandat de la BCE, notamment son noyau dur une fois retirés les prix alimentaires et ceux de l’énergie. Comme d’autres pays, plusieurs facteurs qui échappent au contrôle de la BCE ont pu jouer un rôle important, y compris des distorsions temporaires liées à certains prix administrés ou encore à la difficulté de mesurer l’effet de phénomènes nouveaux comme le « Black Friday » sur les biens à la consommation. 

Si Mario Draghi semble si confiant, au-delà du fait qu’il se doit de l’être en toutes circonstances, c’est que la croissance anticipée est si forte que la BCE est convaincue qu’une hausse des salaires et de l’inflation finira par se matérialiser. Dans le jargon des économistes, la BCE croit toujours en la validité de la courbe de Phillips, à juste titre selon moi. Quant à savoir quand ce point d’inflexion va arriver, et à quelle vitesse l’inflation va converger vers sa cible, c’est une question à laquelle la BCE espère pouvoir répondre en 2018.

Comment expliquer que la BCE semble se satisfaire d'une anticipation d'inflation de 1.7% à horizon 2020, peut-on considérer que ce 1.7% est l'application concrète du principe de la BCE de maintenir l'inflation à un niveau "inférieur, mais proche de 2%" ? Un tel niveau est il adéquat pour l'ensemble de la zone euro ? 

Ce point est au cœur des débats de chapelles au sein du Conseil des gouverneurs. Draghi a eu de la peine à défendre l’idée qu’une inflation à 1.7% en 2020 serait compatible avec la définition communément admise de la stabilité des prix. Inversement, s’il avait crié victoire, les marchés auraient pu l’interpréter comme un signe hawkish d’une BCE se satisfaisant d’une situation encore précaire sur le front de l’inflation pour amorcer la normalisation de la politique monétaire.

En pratique, l’écart à la cible n’est pas si important, d’autant que le profil trimestriel des prévisions du staff de la BCE fait apparaître une inflation à 1.8% au second semestre 2020, et que l’inflation sous-jacente est projetée à 1.8% en moyenne pour cette même année. Atteindre ces niveaux tiendrait déjà de l’exploit… ou de la chance.

La question de la dette privée a pu être évoqué durant cette conférence, notamment en raison des niveaux atteints France, ce à quoi Mario Draghi a répondu en indiquant qu'il ne voyait pas de risques pour la stabilité financière de la zone euro. Quels sont les problèmes visés et comment expliquer une telle réponse ?

Ce débat me semble déplacé, du moins en zone euro et à ce stade du cycle des affaires. Je trouve surprenant de s’inquiéter du niveau élevé de la dette privée dans certains pays comme la France alors même que l’objectif principal de la BCE luttant contre la désinflation a été de relancer la consommation, l’investissement et les créations d’emploi, y compris par un accès facilité au crédit. Par ailleurs, c’est une question qui relève avant tout des autorités macro-prudentielles et non de l’autorité monétaire. 

Il existe un argument, longtemps avancé par Jean-Claude Trichet, qui consiste à « souffler contre le vent » et resserrer la politique monétaire en amont afin de contrer les risques d’instabilité financière avant qu’ils ne se matérialisent. C’est exactement le contraire de la stratégie suivie par la BCE à ce jour. Passer d’une extrême prudence sur l’inflation à une extrême vigilance sur les risques financiers, quitte à tuer la reprise dans l’œuf, serait une erreur majeure de politique économique.

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