Manuel Valls sur l’anti-terrorisme : solide sur l’arsenal législatif, insuffisant sur les racines du mal<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Premier ministre a exposé mardi 13 janvier devant l'Assemblé nationale les principales mesures qu'il entendait mettre en place pour renforcer le dispositif anti-terroriste.
Le Premier ministre a exposé mardi 13 janvier devant l'Assemblé nationale les principales mesures qu'il entendait mettre en place pour renforcer le dispositif anti-terroriste.
©Reuters

Peut mieux faire

Le Premier ministre a exposé mardi 13 janvier devant l'Assemblé nationale les principales mesures qu'il entendait mettre en place pour renforcer le dispositif anti-terroriste. Non critiquables sur le fond, elles ne traitent pas l'ensemble du problème.

Eric Denécé

Eric Denécé

Eric Denécé, docteur ès Science Politique, habilité à diriger des recherches, est directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R).

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Atlantico : Le Premier ministre a présenté ce mardi 13 janvier à l’Assemblée nationale une batterie de mesures pour lutter contre le terrorisme. Il a notamment indiqué vouloir créer un fichier des personnes condamnées pour terrorisme ou "membres de groupes de combat". Quelle serait l’utilité de cette mesure ?

Eric Denécé : L’ensemble des mesures présentées sont pertinentes et adaptées, même si elles ne sont que des évolutions somme toute assez mineures de notre dispositif.

Il n’y a là rien de "révolutionnaire", car il n’y a pas d’arme magique que nous pourrions inventer contre la menace terroriste

Aujourd’hui, notre système policier et juridique marche bien et est assez complet.

Le ficher proposé par Manuel Valls est intéressant,surtout s’il devient accessible à l’ensemble des acteurs impliqués dans la surveillance du territoire et non pas à la seule disposition de la DGSI.

Lire également : Les erreurs de diagnostic sur la nature du terrorisme qui ont conduit au double drame Charlie Hebdo-Hyper Cacher

Manuel Valls entend créer d’ici 2015 des "quartiers spécifiques"  pour les djihadistes. Quelle est la faisabilité de ce projet ?

C’est un sujet qui divise les professionnels et les experts. Difficile de dire si cela marchera. Les premières expériences sont moyennement concluantes. Enfin, n’oublions pas qu’une proportion importante de la population carcérale est composée de délinquants ou de criminels issus de l’immigration, tous susceptibles d’être gagnés par l’islamisme radical des prisons, à limage des Merah, des Kouachi et autres Coulibaly.

Par ailleurs, comme le proposait déjà Nicolas Sarkozy et l’UMP, un système de collecte européen des données fournies par les voyageurs aux compagnies aériennes (PNR) entrera en vigueur en septembre 2015 selon Manuel Valls, et ce malgré les réticences du Parlement européen sur la question. Là aussi, s’agit-il plus d’une déclaration d’intention que d’une mesure effectivement applicable ?

Cela peut être utile car cela devrait permettre de mieux surveiller les déplacements des "islamistes"  français qui s’envolent pour des terres de djihad (ou qui en reviennent)  depuis d’autres aéroports européens que nous ne pouvons surveiller. Mais cela dépendra de la réaction de Bruxelles et, le cas échéant, de notre volonté de passer outre

Manuel Valls a demandé à Bernard Cazeneuve de lui faire "des propositions de renforcement pour Internet et les réseaux sociaux qui sont fréquemment utilisés pour l'endoctrinement des djihadistes". Compte tenu des mesures déjà prises, on voit difficilement ce qui pourrait être fait de plus. Quelles sont celles que le gouvernement aurait réellement intérêt à prendre ?

En effet, cette proposition est encore assez floue. Sans doute convient-il de regarder ce qu’ont fait certains Etats asiatiques (Chine, Singapour) pour le contrôle de l’internet national,avec les limites techniques, juridiques et démocratiques qui s’imposent.

Quelles autres mesures verriez-vous en complément des propositions du Premier ministre ?

D’autres mesures devraient accompagner les propositions du premier ministre : 

  • Une meilleure intégration du renseignement territorial (police & gendarmerie) avec l’antiterrorisme (DGSI);
  • L’intégration de gendarmes au sein de la DGSI, ce que ce service se refuse à faire depuis sa création;
  • Renforcer les capacités de coordination et d’analyse de l’UCLAT;
  • Renforcer les moyens du service central du renseignement territorial et les effectifs du renseignement pénitentiaire;
  • Renouer des liens de coopération avec les services syriens, qui ont une excellente connaissance de ce qui se passe chez eux;
  • Et surtout, renforcer les moyens humains et les budgets de la communauté du renseignement française (DGSE, DRM, DPSD, DGIS, DNRED, etc.), car elle demeure sous-dimensionnée par rapport à nos alliés, et elle risque d’être en difficulté si un véritable accroissement de la menace intervenait.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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