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Les ministres des Finances de l'Union européenne ont appelé la Commission européenne et la Banque européenne d'investissement (BEI) à préparer des propositions pour relancer les investissements en Europe
Les ministres des Finances de l'Union européenne ont appelé la Commission européenne et la Banque européenne d'investissement (BEI) à préparer des propositions pour relancer les investissements en Europe
©Reuters

Et chez nos voisins ?

Le 12 septembre dernier, à l'issue de leur réunion informelle à Milan, les ministres des Finances de l'Union européenne ont appelé la Commission européenne et la Banque européenne d'investissement (BEI) à préparer des propositions pour relancer les investissements en Europe. Tour d'horizon des politiques de relance de nos voisins.

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul est économiste et professeur à l'université Toulouse I.

Il est l'auteur du rapport du Conseil d'analyse économique (CAE) intitulé Immigration, qualifications et marché du travail sur l'impact économique de l'immigration en 2009.

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Atlantico : Lors de la réunion des ministres des finances de l'Union européenne samedi 13 septembre, plusieurs pistes pour réinjecter des liquidités sur le marché européen sans pour autant creuser la dette ont été évoquées. Il a lors de cette réunion été demandé à la commission européenne, à l'exécutif européen ainsi qu'à la banque européenne d'investissement d'établir une liste de projets permettant le retour à la croissance. Au vu des différentes situations que connaissent les Etats-membres, quelles peuvent être les possibles pistes ?

Gilles Saint-Paul : La situation des différents Etats-membres est effectivement très différente selon les pays. Le taux de chômage n’est que de 4,9 % en Allemagne alors qu’il culmine à 25 % en Espagne. Les risques de déflation ne sont avérés que dans quelques pays du Sud (et la déflation est le seul moyen pour ces pays de rétablir leur compétitivité tant qu’ils restent dans la zone Euro). Quant à la croissance, elle est effectivement faible au sein de la zone Euro, mais c’est beaucoup moins le cas pour les pays de l’UE hors zone Euro. Et au sein de la zone Euro subsistent des disparités importantes.
Les projets d’investissement comme ceux d’infrastructures publiques ont le mérite de relancer la demande immédiatement tout en augmentant la productivité et donc l’offre à l’avenir. Pour autant, on peut se demander comment ces projets seront financés. Soit les Etats continuent à émettre de la dette, et on bute sur la question de la soutenabilité des finances publiques et le risque d’un retour de la crise de la dette souveraine. Soit la BCE finance ces investissements de manière "non conventionelle", et il s’agit alors d’une mutualisation furtive des coûts qui profite à ceux qui dépensent le plus, et qui expose l’Euro à des attaques spéculatives sur le moyen terme si les marchés se rendent compte que l’objectif de relance tous azimuts prime désormais sur celui de stabilité des prix.

Le débat travaille également les Etats membres en interne. Quels sont aujourd'hui les projets qui ont été mis sur la table ?

Dans le cas de la France, une politique industrielle  de "projets d’avenir" a toujours existé. Qu’on songe aux investissements d’avenir du gouvernement précédent ou à la nouvelle France industrielle d’Arnaud Montebourg. Les gouvernements ont naturellement tendance à accroître ce type de projets pendant les récessions. Cependant, il s’agit bien souvent d’aides d’Etat déguisées en faveur de secteurs choisis pour leur complaisance et leur promiscuité avec le politique, plutôt que de projets soumis à un analyse coût-bénéfice rigoureuse. Qui se souvient, par exemple, du fameux "moteur de recherche franco-allemand" Quaero ? Des milliards ont été dépensés sans que ce moteur de recherche ait jamais vu le jour. Dans le meilleur des cas, cet argent a simplement gonflé les fonds propres des entreprises qui avaient été choisies par les hommes politiques pour faire partie de ce soi-disant projet. Les citoyens devraient donc examiner ces soi-disants projets d’investissement avec un regard particulièrement critique.

Si les possibles projets d'investissement à proprement parler n'ont pas été discutés, des pistes de financement ont été évoquées par les différents ministres. Le ministre italien a évoqué pour sa part la mise en place d'un marché européen sur lequel les petites entreprises pourraient lever des fonds. Système inspiré de la législation des minibonds de 2012. Dans quelle mesure cette proposition pourrait-elle être une solution efficace ?

Je n’y crois guère. S’il est plus dur pour les petites entreprises de lever des fonds, c’est à cause de problèmes structurels : ces entreprises sont intrinsèquement plus risquées que les grandes entreprises. Leur taux de mortalité est bien plus élevé et elles offrent moins de transparence que les grandes entreprises – il est donc plus difficile pour les marchés d’évaluer leurs risques. Il est donc naturel que leur coût du capital soit plus grand ; il est peu probable que le "marché européen" le réduise, d’autant que ce sont sans doute les prêteurs locaux qui sont les mieux informés sur les caractéristiques de l’emprunteur. 

Du côté de la Pologne, le ministre des finances a évoqué la possibilité de créer un fonds européen de 700 milliards d'euros. Quels pourraient-être les avantages d'un fonds ? Suffirait-il à injecter des liquidités sur le marché ?

En ce qui concerne l’injection de liquidité sur le marché, ce n’est pas une nécessité puisque la BCE refinance les banques à des taux extrêmement bas. Les décideurs ne comprennent pas pourquoi ces injections de liquidité ne relancent pas l’investissement réel, mais cela ne signifie pas pour autant que la liquidité est insuffisante. Et les injections de liquidité ont nourri les marchés d’actions, sans effet notable sur l’économie réelle. L’investissement ne repart pas parce que les entreprises s’attendent à une fiscalité trop pénalisante et parce que les problèmes de compétitivité de certains pays de la zone Euro ne sont pas résolus. Les politiques de relance keynésiennes ont atteint leurs limites à cause de la situation des finances publiques. Il est tout à fait possible que le diagnostic keynésien garde sa pertinence, à savoir que la demande est anémique, mais que la thérapeutique keynésienne ne fonctionne plus à cause du niveau excessif de la dette et de la fiscalité. 

Ces investissements devront s'accompagner de réformes structurelles comme l'a rappelé le ministre espagnol. Lesquelles sont à mettre en œuvre en priorité pour qu'un quelconque plan de relance fonctionne ?

Un plan de relance risque de buter rapidement sur des contraintes d’offre (bien que celles-ci diffèrent selon les pays). Dans le cas de la France, les réformes structurelles les plus urgentes concernent les retraites, le SMIC, et les entraves réglementaires à la concurrence. Mais une fois ces réformes mises en œuvre, elles ont des effets grâce à la baisse des prix, voire des salaires, donc la déflation tant redoutée. Pour que de telles réformes soient moins déflationnistes, il faudrait convaincre l’Allemagne d’accepter un taux d’inflation plus élevé, ce qui n’est pas à l’ordre du jour à mon avis (et même si ça l’était, il faudrait que la BCE parvienne à mettre en route une telle dynamique inflationniste, tout en évitant qu’elle s’emballe). De telles réformes rendraient un plan de relance à la fois souhaitable et plus efficace, mais n’oublions pas que la fragilité des finances publiques rend un tel plan particulièrement problématique. Les ministres réunis à Milan ce week-end semblent avoir oublié que bien des Etats membres ont brûlé leurs dernières cartouches.

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