Manque de rigueur : mais pourquoi les anti-pesticides continuent-ils à s’appuyer sur les travaux du très controversé professeur Séralini ?<!-- --> | Atlantico.fr
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80 organisations exigent la fin des pesticides de synthèse dans une tribune publiée sur le site de France Info.
80 organisations exigent la fin des pesticides de synthèse dans une tribune publiée sur le site de France Info.
©LOIC VENANCE / AFP

Environnement

Quatre-vingts associations, collectifs et syndicats réclament dans une tribune "une sortie totale des pesticides de synthèse d'ici cinq ans".

Marcel Kuntz

Marcel Kuntz

Marcel Kuntz est biologiste, directeur de recherche au CNRS dans le laboratoire de Physiologie Cellulaire Végétale. Il est Médaille d'Or 2017 de l'Académie d'Agriculture de France

Il est également enseignant à l’Université Joseph Fourier, Grenoble.

Il tient quotidiennement le blog OGM : environnement, santé et politique et il est l'auteur de Les OGM, l'environnement et la santé (Ellipses Marketing, 2006). Il a publié en février 2014 OGM, la question politique (PUG).

Marcel Kuntz n'a pas de revenu lié à la commercialisation d'un quelconque produit. Il parle en son nom, ses propos n'engageant pas son employeur.

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Atlantico : Quatre-vingts associations, collectifs et syndicats réclament mardi 20 septembre, dans une tribune publiée sur le site de France Info, "une sortie totale des pesticides de synthèse d'ici cinq ans". Les organisations signataires évoquent des données scientifiques “suffisamment avancées”. Mais aucune étude récente n’est citée. Les données sur lesquelles s’appuie cette tribune, et notamment l’étude de Gilles Éric Séralini, sont-elles crédibles ? 

Marcel Kuntz :  J’ai forgé, il y a déjà des années, le concept de « science » parallèle (guillemets indispensables) pour décrire des études qui ne respectent pas les critères de rigueur et de validation de la science, et qui sont en fait au service planifié d’un projet politique. Pour être clair : la vision de l’écologie politique sur différentes thématiques (nucléaire civil, OGM, ondes électromagnétiques, chimie de synthèse dont les pesticides).

Les écologistes politiques n’aiment la science que quand elle confirme leurs a priori idéologiques. Quand la science les contredit, c’est-à-dire la plupart du temps, plutôt que de changer d’opinion, ils préfèrent changer de science. D’où cette « science » parallèle, militante et imperméable à tous les faits.

Séralini a longtemps été la figure de cette « science » parallèle la plus mise en avant par les médias de la pensée unique. Son opération médiatique de 2012, à grand renfort d’agitation médiatico-politique, avec des rats affligés de tumeurs monstrueuses, s’est finalement retournée contre lui, puisque son « étude » a été refaite de manière indépendante, avec un financement européen, et prouvée erronée. Je suggère aux lecteurs de lire ma note pour la Fondapol sur ce sujet, intitulée « l’impasse d’une science militante ».

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Les auteurs en appellent aussi au principe de précaution pour éviter les dérives. Se justifie-t-il dans le cas présent, au regard de l’état de la science ? 

Les activistes anti-pesticides, et tous les autres « technocritiques », montrent que le Principe de Précaution est instrumentalisé pour une exigence de « risque zéro », ce qui est bien sûr impossible, mais qui permet de justifier toutes les interdictions, en fonction des a priori de l’écologie politique. Ce n’était pas le but originel du Principe de Précaution, mais sa formulation excessivement ambigüe permet cette lecture.

Que savons-nous concrètement des effets des pesticides de synthèse sur la santé ?

Les pesticides les plus à risque ont été interdits et l’utilisation des autres encadrés par des normes strictes. S’il y a des indications d’effets sur la santé des agriculteurs (mais outre ces maladies professionnelles, les agriculteurs ont moins de cancers que les urbains…), il n’y a pas de données convaincantes pour les consommateurs, qui sont exposés à des doses très faibles. En fait, la majorité des aliments que nous consommons n’ont pas de résidus détectables de pesticides (par nos méthodes pourtant très sensibles). Et quand on en trouve, c’est pour une large majorité des quantités dans les limites des doses admises.

Ce paysage rassurant est cependant masqué par la propagande de peur des activistes qui vont systématiquement tenter de décrédibiliser le travail réalisé pour assurer la sécurité sanitaire des aliments.

Que cherchent réellement les signataires en mettant la pression sur l’Etat français ?

L’opposition aux pesticides est l’un des piliers fondateurs de l’écologie d’idéologie. Bien sûr, les pesticides ont été utilisés pendant longtemps de manière déraisonnable (ils rendaient tellement de services que l’on a mis du temps à voir leurs effets dommageables, notamment la rémanence de certains dans les eaux). Mais depuis cette époque révolue, les pesticides les plus à risques ont été interdits et l’utilisation des autres encadrés strictement.

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Les opposants visent clairement à saboter l’agriculture moderne. On note qu’ils ne critiquent pas les pesticides utilisés en agriculture biologique (qui pour eux correspond davantage à leur utopie sans « chimie »), qui ont pourtant aussi leur toxicité et dont certains ont déjà été interdits. Il s’agit d’une forme de revanche sur l’économie « capitalisme », qu’ils n’ont pu vaincre par le marxisme appliqué. Une revanche nihiliste, car bien sûr sans les pesticides, nous serions dans une crise alimentaire. Comme nous sommes aujourd’hui dans des difficultés de production énergétique, dont l’écologisme anti-nucléaire a sa part de responsabilité…

Cette tribune peut-elle avoir une quelconque influence sur les parlementaires, le gouvernement ou Emmanuel Macron ?

Tout est possible pour des politiques qui font des calculs politiciens… Je rappelle que la constitutionnalisation du Principe de Précaution a été votée à l’unanimité des parlementaires… Emmanuel Macron a bien fermé Fessenheim sans raison objective de sécurité. Il a également contribué à faire interdire le glyphosate, sans plus de justification scientifique (voir mon autre note Fondapol, « Glyphosate, le bon grain et l'ivraie »). On peut craindre que ce gouvernement sans majorité à l’Assemblée Nationale et dans des difficultés à mener des réformes qui ne bénéficient pas d’une adhésion populaire, pourrait être tenté par des manœuvres de diversion en désignant des boucs émissaires. 

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