Maladies respiratoires : voilà pourquoi tant de gens sont patraques malgré un automne exceptionnellement doux<!-- --> | Atlantico.fr
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En 2020, le masque avait permis de faire baisser le nombre de maladies respiratoires.
En 2020, le masque avait permis de faire baisser le nombre de maladies respiratoires.
©YANGZHOU

Petit coup de (non) froid

Les maladies respiratoires sont en hausse alors que la pénurie médicale s'aggrave.

Michaël Rochoy

Michaël Rochoy

Michaël Rochoy est médecin généraliste. Il s'intéresse particulièrement au Covid-19 chez les enfants. Il est membre du Collectif Du Côté de la Science et cofondateur du collectif Stop postillons.

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Atlantico : Comment expliquer la hausse des maladies respiratoires ?

Michaël Rochoy : On voit plein d’infections respiratoires hautes ou basses, comme des rhinopharyngites ou des bronchites, qui sont habituelles à cette période de l’année. En 2020, on avait masqué toute la population dans tous les lieux clos (hors écoles primaires) en septembre donc il y avait moins de diffusion des virus. En 2021, il y avait la même chose et les écoles primaires en plus… Donc en 2022 c’est la première année ou il n’y a pas de masques : pas de frein aux virus ! C’est simplement un retour à la normale des maladies respiratoires tel qu’en 2019 ou auparavant.

Certains faisaient remarquer que l’automne est particulièrement doux, d’où la surprise des maladies. Qu’en est-t-il ?

Le fait que l’automne soit doux fait qu’on vit un peu plus en extérieur, moins calfeutré chez soi… Malgré tout, les virus sont plus fréquents en automne, ce n’est pas nouveau… Et septembre signe le retour d’un brassage maximal : après avoir fermé les écoles pendant 2 mois et travaillé en alternance pendant l’été, tout le monde se retrouve à nouveau dans des lieux clos — écoles, bureaux, etc. — plusieurs heures par jour. Et sauf prise de conscience gouvernementale et retour des gestes barrières, ça va continuer à augmenter : il y a moins de cas en septembre-octobre qu’en novembre-décembre-janvier… 

Ce qui est efficace et simple, c’est aérer et porter un masque… A ce stade de l’année, le masque devrait à nouveau être rendu obligatoire dans les lieux où il peut être porté sans conséquence sur  notre qualité de vie : dans les transports en commun, dans les lieux clos comme les commerces, les cinémas, les théâtres, les musées… C’est en diminuant la transmission virale dans ces lieux qu’on peut se permettre avec un moindre risque d’aller dans des lieux où le port est impossible ou compliqué, tel que les bars, restaurants, salles de sports… 

Dans les bureaux et les écoles, c’est devenu un sujet tabou, en partie à cause d'une communication désastreuse qui a laissé de côté les aspects scientifiques justifiant le masque. Mais oui, si on veut prévenir la vague à venir, ça doit passer par le retour généralisé de ce masque, en bonne intelligence et bonne compréhension de la problématique. Ca demanderait un petit courage politique de dire ça, mais malheureusement aujourd’hui il y a pénurie… C’est plus simple de considérer les enfants de 6, 10 ou 15 ans, ou les adultes au travail, comme des êtres incapables de comprendre leur place dans un écosystème plus vaste. Quand le ministre se déplace dans un hôpital pédiatrique pour constater la saturation et qu’il se désole de ne rien pouvoir faire, c’est un manque total de vision globale de la situation. 

Le retour du covid plus les maladies de saisons en même temps inquiète-t-il en termes de saturation ?

En 2019 ou avant, les viroses d’automne et d’hiver saturaient déjà nos cabinets de ville et les hôpitaux, pour les secteurs adultes ou pédiatriques. 

Mais la grosse différence par rapport à 2019 ou avant c’est que nous sommes en pandémie… Aujourd’hui, il faut tester toute virose pour diagnostiquer le Covid, pour adapter l’isolement et l’arrêt de travail… Le tout en devant vacciner toute personne dite à risque ayant eu un vaccin il y a plus de 6 mois (voire 3 mois pour les plus de 80 ans).

Le COVID sature les soins de façon directe : il augmente les consultations en cabinet de médecine générale pour virose puisqu’il faut voir et tester rapidement les patients, il augmente les visites à domicile de certains infirmiers pour réalisation de tests antigéniques ou PCR des patients qui ont des difficultés à se déplacer, il augmente la charge de travail en pharmacie pour les tests antigéniques, en laboratoire pour les PCR, il augmente les consultations aux urgences, les hospitalisations pour décompensation respiratoire… et à plus long terme, par les formes de Covid Long, il pourra augmenter aussi certaines consultations spécialisées en ORL, en pneumologie, etc. 

Le COVID sature aussi les soins de façon indirecte, notamment avec la vaccination à poursuivre en parallèle… Le tout se fait dans un contexte où la démographie médicale s’aggrave d’année en année : en 2022 ce n’est déjà plus la situation de 2019… Et évidemment, rien n’est proposé en parallèle pour diminuer notre temps, qui est gâché par des idioties dont l’Assurance Maladie a le secret (arrêts de travail courts dans les délais de carence, prescriptions de transport où nous sommes là pour rassurer l’Assurance Maladie quant à la non-fraude des ambulanciers, prescription pour les soins infirmiers pour de mêmes raisons de contrôle…) 

Finalement, ne faudrait-il pas arrêter de tester et vivre comme avant le COVID ? 

Non, ça n’est pas raisonnable à l’heure actuelle. D’ailleurs, c’est paradoxal : quand les biologistes font grève de remontée des cas COVID pendant 2 jours, le ministre de la santé parle carrément de « prise d’otage inadmissible » qui « rend aveugle face à la gestion d’une pandémie qui tue encore ». Et quand ils ont les chiffres… bah ils n’en font rien, pour rester poli quant à l’usage réel du papier dans ces cabinets. 

Rendez-vous compte, aujourd’hui, après plus de 2 ans de pandémie, on n’a toujours pas de seuil connu (de décès, de réanimation, d’hospitalisation ou de cas) à partir duquel le masque serait de retour dans les transports, dans les lieux clos, dans les écoles, ou à partir duquel le télétravail serait à nouveau fortement recommandé… Alors qu’avec l’aération et la vaccination, ces limitations de brassage sont les seules mesures efficaces de prévention qu’on ait ! 

Ca n’est pas raisonnable de faire semblant de vivre avec le COVID comme s’il n’était pas là, pour au moins deux raisons.

D’une part, le COVID peut entraîner des formes graves. En France, nous avons eu 30 000 décès avec la première vague au printemps 2020, 80 000 décès de l’automne 2021 au printemps 2022 (en partie à cause du fameux « pari de l’attentisme » du Président en janvier 2021). La large vaccination courant 2021 puis les rappels ont permis d’aplatir cette courbe des décès ; mais en 2022, on a encore eu 34 000 décès en lien avec le COVID, parce que le virus a énormément circulé, et ne rencontre désormais plus de barrières… Aujourd’hui, fin octobre 2022, nous avons 70 décès par jour, dans une assez grande indifférence. Tout le monde peut être touché et même des évènements rares augmentent en valeur absolue : par exemple, en 2020-2021, il y avait 13 enfants de 0-9 ans décédés avec le COVID, et là nous sommes à 40 supplémentaires en 2020, soit 53 au total. Chez les 10-19 ans, il y a eu 15 décès en 2020-2021 et 28 en 2022…

D’autre part, le COVID peut entraîner des formes prolongées, ou Covid Long. Selon les études, c’est estimé environ à 6 ou 10 %, parfois plus… Toutes les personnes concernées ne sont pas invalidées de la même façon heureusement — un Covid Long peut être une perte d’odorat pénible, une légère fatigue inhabituelle pendant plus de 3 mois, un essoufflement gênant dans les activités sportives qui disparaîtra aussi en quelques mois… Mais dans ces très nombreux symptômes décrits de Covid Long (plus de 200), il y a aussi des formes très invalidantes au quotidien, comme les malaises post-efforts où les patients se sentent totalement vidés après un effort physique ou intellectuel relativement banal du quotidien. Evidemment, la reconnaissance de ces symptômes post-COVID passe par le fait d’avoir été testé positif au COVID…

Est-ce que le fait que nos organismes aient été peu exposés aux virus pendant la période Covid qui peut favoriser cet état de fait ?

La plupart des virus n'entraînent pas d’immunité durable : nous pouvons répéter les mêmes infections virales au fil des années. C’est d’ailleurs ce qu’on voit très bien avec le COVID, et les infections répétées, les vaccinations tous les 6 mois… Etre infecté par un virus ne sert à rien ; d’ailleurs, nos ancêtres qui ne vivaient pas en lieux clos dans des villes ultra denses ne ressentaient pas le besoin d’être infectés par des virus…

Par ailleurs, ce n’est pas parce que nous avons porté un masque pendant 2 hivers que notre système immunitaire est réduit à zéro… Il a été encore très largement stimulé pendant ces années, pas de souci à se faire pour lui. 

À quel point observe-t-on des pics de maladie qui arrivent d’habitude plus tard ?

Je ne sais pas… On n’a pas d’identification des virus habituellement en médecine de ville, donc je ne sais pas dire si les pics arrivent plus tard ou plus tôt. 

Ca ne vaut pas grand-chose mais la surcharge de travail me semble cohérente avec ce qu’on avait avant. Les gens ont peut-être perdu l’habitude d’être malade : on a beaucoup de gens qui étaient ravis de ne pas faire leurs 3-4 infections respiratoires hivernales les 2 années précédentes grâce au port du masque… ils vont les refaire cette année. 

Cette situation est-elle la nouvelle norme pour l’automne-hiver ou est-ce une période atypique ?

Il n’y a pas de norme, il y a juste des décisions gouvernementales qui dictent le chemin qu’on va prendre. Les décisions appliquées actuellement sont nulles et leurs justifications souvent malhonnêtes : quand François Braun signale constater 50 % du train qui est masqué, toute personne ayant pris le train ces derniers mois a pu constater que c’est faux. Peut-être qu'il ignore le fait qu’il se déplace avec un staff qui occupe la moitié du wagon… Quand le même ministre se déplace dans un hôpital pédiatrique et déplore son incapacité à améliorer la situation, c’est une absence de vision d’ensemble, et c’est dénier sa capacité à freiner efficacement les viroses d’automne et d’hiver, qu’elles soient liés à des coronavirus ou au VRS. Si on veut diminuer la propagation de ces virus chez les nourrissons et limiter les bronchioles par exemple, il faut limiter la transmission de ces virus chez leur fratrie et chez leurs parents. 

Une autre solution serait de faire des aménagements pour la qualité de l’air notamment dans les bâtiments et maisons. Mais rien n’a été fait par le gouvernement et la promesse d’Emmanuel Macron de l’entre-deux-tours n’a pas été tenue.

A un moment, il va falloir choisir… Pour l’heure on a : de moins en moins de médecins à cause des décisions politiques passées, potentiellement moins d’installation aussi à cause des décisions actuelles (c’est l’objet des grèves d’internes en cours), aucune action pour diminuer la charge de travail administrative des médecins de la part de l’Assurance Maladie, aucune action pour limiter les viroses par des travaux d’aération ou par le port du masque, et la nécessité de consacrer du temps pour vacciner, pour tester et faire du suivi épidémiologique en faisant remonter les cas… Pas besoin d’être Einstein pour se rendre compte que la somme de tout ça, c’est une surcharge d’un système de santé déjà sous pression.

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