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Malade ! La France est-elle en train de se suicider au déni de réalité ?
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Ouvrons les yeux !

En France, théoriciens et leaders d’opinion n’hésitent pas à nier la rude réalité des faits si ces derniers contredisent leur système de doctrine. L' "américanisation" des campagnes électorales, l'aveuglement de Didier Lombard, ex PDG de France Telecom, le dogmatisme de la CGT et même le chauvinisme du Tour de France, quand la France va-t-elle enfin accepter la réalité ?

Jacques Charles-Gaffiot

Jacques Charles-Gaffiot

Jacques Charles-Gaffiot est l'auteur de Trônes en majesté, l’Autorité et son symbole (Édition du Cerf), et commissaire de l'exposition Trésors du Saint-Sépulcre. Présents des cours royales européennes qui fut présentée au château de Versailles jusqu’au 14 juillet 2013.

 

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Déjouant tous les pronostics, le véritable « état de grâce » de la présidence de François Hollande a peut-être débuté avec la providentielle défaite des Bleus devant l’Espagne, au soir du 23 juin dernier.

Ce soir là, en effet, la presse nationale et les médias de l’audio-visuel durent accepter une cruelle vérité aveuglément occultée depuis des semaines. Il fallait se rendre à l’évidence : sans panache et sans talent, l’équipe de France était constituée, une nouvelle fois, de joueurs odieux, disqualifiés, pour certains, depuis longtemps par leur vile arrogance et leurs déplorables attitudes provocatrices.

Soudainement débarrassée d’une chimère aussi soporifique, la France, un peu sonnée, se réveilla le lendemain aux prises avec l’implacable réalité des faits à l’instar de la nouvelle majorité fraîchement élue. Elle aussi devait désormais savoir affronter le réel pour mieux assumer les responsabilités auxquelles elle aspirait depuis cinq ans.

Ce double électrochoc portera peut-être dans les semaines à venir quelques heureuses conséquences tant d’un côté l’exaspération du public fréquentant les stades est aujourd’hui à son comble et tant, de l’autre, la gravité de la situation économique, budgétaire et financière ne peut plus se satisfaire de demi-mesures.

Toutefois, bien des propensions restent à surmonter au sein de la société française qui préfère toujours se bercer d’illusions, comme le proposait encore naguère le candidat François Hollande victorieux de la primaire socialiste qui aspirait plutôt à « ré-enchanter le rêve français » qu’à affronter le concret.

Cette caractéristique si singulière du corps social tout entier comme des hommes politiques en particulier, désarmant à juste titre nos partenaires européens et surtout allemands, peut s’expliquer de différentes manières :

-         rappelons tout d’abord la lointaine partialité égocentrique de la superbe franchouillarde raillée régulièrement par certains étrangers à travers l’image du cop gaulois s’égosillant, les pattes engluées sur son fumier. L’actualité en offre des exemples quotidiens. Ainsi, la prochaine arrivée du Tour de France permettra-t-elle, une fois encore, de qualifier avec aplomb les Champs-Elysées de « plus belle avenue du monde », comme si aucun des commentateurs ne s’était risqué au-delà du périphérique, faisant fi par ailleurs de la dégradation si alarmante de la propreté du centre de Paris.

-         Mais au-delà du cliché offert par la faconde du titi parisien, d’autres causes apparaissent bien plus préjudiciables à l’acceptation du réel : le recours à la surenchère démagogique, depuis les élections de 1981, s’est considérablement amplifié. A la manière américaine, la conquête du pouvoir ne saurait s’effectuer désormais sans slogans réducteurs, élaborés dans des agences de communication devenues toutes-puissantes, imposant aux candidats la trajectoire à suivre. Contribuant à brouiller la profondeur du débat politique en substituant aux arguments objectifs ceux d’une pensée réductrice faisant essentiellement appel à un univers purement subjectif, nous finissons par prendre les vessies pour des lanternes. Chacun ovationne le changement en découvrant un président « normal » prendre le train ou le Premier ministre voyager en métro alors que les coûts induits par ces gestes de rupture dépassent très largement ceux occasionnés par un déplacement officiel habituel. A l’évidence, l’expérience trop onéreuse ne se reproduira pas, mais l’essai est marqué et le populaire rasséréné sur le comportement vertueux des nouveaux gouvernants.

-         Bien plus redoutable apparaît ensuite la séduction de l’idéologie entretenue dans l’affrontement gauche/droite, propre au duel politique français. Reposant sur une série de mythes fondateurs issus de la Révolution de 89, les bases du discours public se trouvent souvent faussées. Théoriciens et leaders d’opinion n’hésitent pas à repousser la rude réalité des faits ou des événements si ces derniers contredisent leur système de doctrine. Acculés dans la contradiction, ces doctrinaires ont alors recours toujours au même argument, celui d’une application trop modérée de leurs propositions ne pouvant par conséquent porter les fruits escomptés. Perçues et analysées sous le prisme d’une pensée vieille de plus de deux siècles qui a nourri les pires totalitarismes, les circonstances doivent toujours se plier devant les grands principes excluant tout pragmatisme. L’enseignement des Lettres ou de l’Histoire, de l’école primaire à l’enseignement universitaire, offre une parfaite illustration d’une dictature de la pensée qui refuse obstinément toute nouvelle orientation malgré d’innombrables déclarations d’intention. Ainsi, drapée dans sa dignité d’éducatrice des peuples, tout en légiférant sur le génocide arménien, devant l’observateur ébahi, la France refuse obstinément de reconnaître celui pratiqué sur son sol, en Vendée militaire. Le nombre des victimes, les charges accablantes trouvées dans les archives n’y feront rien. Le sacro-saint mythe des « grands ancêtres » est indéboulonnable. Que l’Algérie célèbre les cinquante ans de son indépendance, on se félicite, sans doute à bon droit, du réchauffement des relations franco-algériennes. Mais faut-il tomber pour autant dans une nouvelle repentance comme d’aucuns le proposent au mépris d’une histoire qui plonge ses racines bien avant 1830 et qui ne saurait être exploitée de façon dualiste, les bons d’un côté et les méchants de l’autre ?

-         On mesure aujourd’hui tous les méfaits de la pensée unique qui pourtant gouverne la société française à travers toute une série de chapelles inféodées les unes aux autres et qui neutralisent tout débat portant sur la sécurité, la surpopulation carcérale, l’immigration, la justice, le nucléaire etc. Sous de tels oracles, la culture est devenue l’otage de pontifes dogmatiques auto-proclamés sachant imposer la domination de leur contre-culture. Contrairement aux propos de la supercherie offerte aux téléspectateurs de France 2 dans la série estivale Inquisitio, stigmatisant la police de la pensée dans l’Europe cléricale médiévale, les oukazes, les anathèmes, les exécrations et les excommunications ne se sont peut-être aujourd’hui jamais autant abattus pour réduire le « non politiquement correct » et n’ont jamais été aussi suivis d’effets définitifs sous la domination de la « bien pensance » actuelle !

-         A ces causes principales, il conviendrait enfin d’ajouter encore les affligeants phénomènes de crétinisation et d’infantilisation des masses qui demeurent les victimes privilégiées de la société de consommation et de ses multinationales toutes-puissantes qui, à l’heure de la mondialisation, ravagent sans concession jusqu’aux zones les plus reculées de la planète. Mais laissons ces thèmes pour d’éventuelles autres tribunes !

Au mois d’avril dernier, The Economist jugeant la campagne présidentielle française comme « la plus frivole du monde occidental » dénonçait le déni de réalité dans lequel la France s’enfonce avec détermination depuis si longtemps, malgré la présence de sa brillante et inégalable intelligentia repue d’auto-satisfaction ! Pour mieux marquer l’esprit de ses lecteurs, le magazine reprenait « Le Déjeuner sur l’herbe » de Manet pour en pasticher les traits des  personnages : sur le pré arboré, les visages des deux convives avachis auprès de la jeune femme dénudée avaient été substitués. Ils figuraient François Hollande et Nicolas Sarkozy, devisant face à face en dignes promoteurs de la « France libertine et paresseuse ».

Depuis la parution de cette caricature, la piqure administrée tant aux princes de tout bord qui nous gouvernent qu’à la tourbe léthargique des administrés nécessitait d’urgence un vaccin de rappel qu’offre, espérons-le, la défaite des Bleus.

En acceptant de se confronter plus souvent à la réalité du monde présent, les consciences résisteraient aisément au chant des sirènes. Ainsi, moins de condescendance et d’aveuglement envers les conditions de travail de ses propres employés auraient peut-être permis à Didier Lombard, ex PDG de France Telecom, d’adoucir un management par trop stalinien et de se départir plus facilement d’une application littérale du droit du travail. Moins de dogmatisme de la part de la CGT préserverait ce secteur déjà en crise de conséquences désastreuses de la grève des quotidiens que le syndicat vient de déclencher.

On gagnerait de même beaucoup de temps si les services de communication du gouvernement cessaient de s’interroger encore durant des lustres pour savoir s’il convient ou non de bannir du vocabulaire ministériel le terme « rigueur » pour lui substituer, dans une kyrielle de synonymes, une formule moins douloureuse à l’audition des électeurs.

Acceptons simplement de revenir aux principes fondamentaux. Pour aller droit au but, retenons l’adage de Pascal : « qui veut faire l’ange fait la bête ! »

Pascal ?

Pascal Sevran, Pascal Légitimus, Pascal Obispo ?

Non, Pascal tout simplement !

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