Mais pourquoi Anne Hidalgo a-t-elle besoin d’augmenter autant la taxe foncière à Paris ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La maire de Paris, Anne Hidalgo.
La maire de Paris, Anne Hidalgo.
©BERTRAND GUAY AFP

Coup de bambou

Après avoir été annoncée subrepticement par Anne Hidalgo en novembre dernier, la hausse de la taxe foncière est devenue réalité pour les propriétaires parisiens sur les avis de paiement reçus ces derniers jours. L'augmentation dépasse 60%.

Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

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Pierre Liscia

Pierre Liscia

Pierre Liscia est porte-parole du mouvement Libres ! de Valérie Pécresse et auteur de La Honte (Albin Michel).

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Après avoir été annoncée subrepticement par Anne Hidalgo en novembre dernier, la hausse de la taxe foncière est devenue réalité pour les propriétaires parisiens sur les avis de paiement reçus ces derniers jours.

Comme le soulignait Jean-Yves Archer en novembre, la quête de vérité commande de préciser que la hausse de +52% de la taxe foncière s'entend hors révision des valeurs locatives. Il y aura donc un cumul digne d'un effet Kiss cool qui aboutira à une hausse finale plus conséquente que les +52% de départ.

De même, les résidences secondaires sont dans le collimateur de cette mairie socialiste : il est programmé une hausse de la taxe d'habitation sur les RS de 13,38 à 20,32%. Raison de plus pour concevoir que les segments de population aisée (ou non suite à la hausse des loyers et l'érosion des primo-accédants) partent par milliers (Paris perd depuis plusieurs années plus de 20.000 habitants par an) et que, en simultané, les budgets sociaux ne cessent de s'accroître.

Si un krach immobilier venait à altérer le rendement des droits de mutation à titre onéreux (1,6 Md) la Ville cigale serait bien dépourvue.  A suivre.

Quelles qu'aient été les promesses de Mme Hidalgo, les hausses d'impôts sont écrites depuis des années dans la trajectoire ubuesque des finances publiques de la capitale, dont la dette ne voit sa note se maintenir que dans la mesure où le potentiel contributif des Parisiens est compatible avec les efforts que chacun sait bien qu'ils leur seront demandés.

Atlantico : Anne Hidalgo a décidé d’augmenter de 52 % la taxe foncière en 2023. Pourquoi la maire de Paris a été contrainte de recourir à une telle hausse, contrairement à ce qu’elle avait promis pendant ses campagnes ? Qu’est-ce que cela nous dit de l’état et de la gestion des finances publiques à Paris par Anne Hidalgo ?

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Charles Reviens : La ville de Paris a annoncé fin 2022 une augmentation de 52 % du taux de la taxe foncière qui s’ajoute à l’augmentation de 7 % des bases qui ont été décidées par l’Etat (près de 60 % au total). Une augmentation aussi violente n’avait pas été annoncée dans la campagne municipale de 2020 où Anne-Hidalgo, en dépit de critiques féroces (« Notre Drame de Paris »), a finalement été reconduite dans ses fonctions assez facilement dans une élection marquée par une très forte abstention, puisqu’au final Anne Hidalgo a été réélue qu’avec 20 % des inscrits.

La ville de Paris, comme toutes les communes françaises, sont soumises à une règle d’or qui contraint les communes a présenté un budget de fonctionnement équilibré, le déséquilibre – et donc le recours à la dette – ne pouvant concerner que le budget d’investissement. Or la ville de Paris a bénéficié d’une autorisation par l’Etat entre 2015 et la fin de la crise liée à la pandémie covid-19 d’une autorisation de l’Etat pour mettre en place de façon unique la pratique comptable créative des « loyers capitalisés » : les logements détenus pas la ville ont été transférés aux bailleurs sociaux de la ville en obtenant de leur part le versement en une fois des loyers capitalisés sur les prochaines décennies (jusqu’à 60 ans).

L’Etat via le ministère du budget (Olivier Dussopt puis Gabriel Attal) a décidé de mettre fin à cette exemption et cette décision augmentait très fortement le risque que Paris ne respecte pas la règle d’équilibre de son budget de fonctionnement et fasse l’objet d’une mise sous tutelle par l’Etat.

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Il y a un petit jeu du mistigri de la responsabilité sur ce dossier entre Anne Hidalgo, l’opposition municipale qui crie au loup et à la rupture de la parole donnée et l’Etat. La mairie invoque la disparition de la taxe d’habitation décidée par l’Etat en 2017, le doublement de ses contributions de Paris aux différents dispositifs de péréquation financière entre collectivité, l’augmentation des dépenses sociales et des dépenses exceptionnelles liées au covid.

Comme la ville n’a renoncé en rien à son considérable plan d’investissement, on constate une augmentation massive de l’endettement de la ville : un milliard d’euros à la fin du mandat de Jean Tibéri (2001), trois milliards à la fin des mandats de Bertrand Delanoé (3 milliards), plus que doublement depuis l’arrivée d’Anne Hidalgo.

Pierre Liscia : En réalité, la hausse est de 62 %. La taxe foncière est calculée sur la base des valeurs locatives. Or, elles ont bondi de 7 %. L’assiette de l’impôt augmente. Lorsque vous augmentez de 52% mais que l’assiette augmente, fatalement la hausse sera plus importante.

Une collectivité n’a pas le droit d’avoir un budget qui n’est pas à l’équilibre. Cela fait des années que la ville de Paris présente des budgets qui sont facialement à l’équilibre mais qui ne le sont pas réellement. Cela a notamment été rendu possible grâce aux loyers capitalisés. Cette disposition était d’abord spécifique à la ville de Paris qui était la seule collectivité à pouvoir recourir à ce tour de passe-passe budgétaire, grâce à une disposition législative accordée pendant la présidence de François Hollande était encore président de la République. La ville de Paris, grâce à cette largesse du gouvernement, était la seule à bénéficier de cette dérogation. Pour résumer, cette combine permettait à la ville, de manière anticipée, d’inscrire à son budget les loyers des bailleurs sociaux, tous les logements sociaux de Paris sur les 30 prochaines années. La ville a ainsi pu afficher un budget à l’équilibre et une capacité d'épargne conséquente. Il s’agit là en réalité d’une pure écriture comptable puisque cet argent-là n’existe pas. L’Etat y a mis fin en 2021. La Mairie a dû trouver de nouvelles ressources pour combler le déficit pour échapper à la mise sous tutelle. Si le déficit est supérieur de 5% aux recettes, la ville est dans le rouge et le risque est la mise sous tutelle.

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Le budget annuel de la ville de Paris s'élève à plus de 11 milliards d’euros. 5% des 11 milliards d’euros de budget, cela représente 450 millions d’euros.

Pour éviter l’humiliation de la mise sous tutelle de la ville par l’Etat et la reprise en main des finances de la ville par le Préfet, la Mairie avait deux choix : faire des économies ou augmenter les impôts. Elle a choisi d’augmenter les impôts. Tous les impôts : la taxe de séjour, la taxe de balayage, la taxe de balayage, les tarifs de stationnement, les amendes de stationnement. Mais la hausse de la taxe foncière de 62% est la plus substantielle et la plus visible et lui permet d'engranger 627 millions d’euros de recettes.

Ce choix est fait car la ville est incapable de faire des économies. La ville de Paris est une collectivité de fonctionnement. Sur les 11 milliards d’euros de budget, il y en a 9 qui passent dans le fonctionnement, pour les agents et l’administration.

Pourtant c'est possible de faire des économies. Si l’on prend l’exemple de la Région Ile-de-France, en 2015 sous la gauche, les dépenses de fonctionnement représentaient 60% du budget. Aujourd’hui, avec Valérie Pécresse, c’est l’inverse. 60% du budget de la région est investi pour les transports, les lycées, la sécurité, l’attractivité économique, pour les dispositifs d’aides et de soutien aux Franciliens et 40% concerne le fonctionnement de l’administration et des services publics. Cela prouve que nous avons réussi à faire des économies. Nous avons fait 15% d’économies depuis 2015 et augmenté les investissements de 75% sans la moindre hausse d'impôts.

Qu'est-ce que la mairie de Paris et Anne Hidalgo font exactement de tout cet argent et de ces taxes prélevées ? Ont-ils vraiment besoin de telles sommes ?

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Charles Reviens : Le budget total de la ville de Paris est autour de 10 milliards d’euros annuels.

La Cour des Comptes constate que la ville de Paris a peu de marges de manœuvre sur ses dépenses de fonctionnement marqués par un nombre important d’agents municipaux (52 000 agents). Paris, qui est à la fois une commune mais également un département, a également des dépenses sociales très importants, avec en particulier des dépenses RSA très élevées. Cette situation limite son épargne (excédent de la section d’investissement) et donc la capacité a autofinancer ses investissements.

L’augmentation de la dette tient à un très important plan d’investissement avec un volet « verdissement de la ville » mais également et surtout une politique du logement visant à augmenter massivement la part des logements sociaux, publics ou abordables à Paris. Le dernier objectif en date est de parvenir en 2035 à 40 % de logements sociaux ou abordables.

Est-ce que les autorités de régulation, l’inspection des finances pourraient réguler et contrer cette dérive d’Anne Hidalgo ?

Charles Reviens : L’Inspection des Finances n’est pas une instance de régulation mais peut bien entendu être sollicitée par le gouvernement et l’Etat pour produire un rapport sur la situation financière de Paris.

Il y a en outre le travail des juridictions financières, Chambre régionale des Compte et Cour des Comptes. La Cour des Comptes a produit en février 2022 un rapport sur la situation financière de Paris qui met en exergue les conséquences défavorables pour la ville de Paris de décisions de l’Etat (suppression de la taxe d’habitation, évolution défavorable des mécanismes de péréquation…), constate la faiblesse de l’épargne brute et en conséquence l’augmentation de la dette au vu de l’ampleur du programme d’investissement.

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Pierre Liscia : La Chambre régionale des comptes a alerté à de nombreuses reprises sur les dérives financières et budgétaires de la ville, sur les trajectoires incontrôlées de la municipalité en dénonçant la hausse assez injustifiée et aberrante du nombre de fonctionnaires. Avec 58 000 agents, la Ville a augmenté sa masse salariale de près de 8% depuis 2014 et le nombre des collaborateurs d’élus a bondi de 6,7%. La Chambre régionale des comptes avait déjà épinglé cela. Le gouvernement garde un oeil très vigilant sur la gestion de la ville de Paris. Il y a cette épée de Damoclès, l’arme nucléaire de la mise sous tutelle qui serait une humiliation absolue pour Anne Hidalgo et pour la capitale de la France.

Faudrait-il mettre Paris sous tutelle suite à la dérive budgétaire et la gestion d’Anne Hidalgo ?

Charles Reviens : Des dispositions législatives (art. L. 1612-1 à L. 1612-20 du code générale des collectivités territoriales) prévoient un contrôle budgétaire des communes exercé exclusivement par le préfet, en lien avec les chambres régionales et territoriales des comptes. Cela pourrait se déclencher en cas de non-respect de la règle de non-équilibre de la section de fonctionnement car la tutelle suppose le non-respect de règles formelles.

Il est très probable que la décision de la ville d’augmenter massivement la taxe foncière est liée à la volonté d’Anne Hidalgo de réduire le risque de mise sous tutelle de la ville, dans le cadre de la guérilla politique et médiatique qui l’a opposé par exemple à Gabriel Attal qui était jusqu’à peu ministre délégué au budget et accessoirement candidat putatif de la majorité présidentielle pour les prochaines élections municipales.

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Pierre Liscia : Il faut impérativement reprendre le contrôle des finances municipales. Si cela doit passer par une mise sous tutelle, alors j'y suis favorable. Je n’ai aucun problème avec le fait de payer des impôts et que les impôts augmentent mais à condition que les services publics qui sont rendus soient performants et que l’impôt soit justifié. Or, les Parisiens paient toujours plus d’impôts, la qualité de vie ne cesse de se dégrader. Il y a de plus en plus d’insécurité. La ville est de plus en plus sale. Il y a de moins en moins de services publics. Le compte n’y est pas pour les Parisiens et le bilan est sans appel : Paris a perdu 70.000 habitants en six ans. Et il ne s’agit-là que du ratio entre les arrivées et les départs. Il y a beaucoup plus de Parisiens qui ont fui Paris en réalité.

La gestion de l’argent public par Anne Hidalgo et la mairie de Paris n’est-il pas un gigantesque gaspillage ?

Charles Reviens : La réponse à cette question est très fortement liée aux préférences politiques de chacun, avec des décisions budgétaires d’Anne Hidalgo qui traduise une orientation sociale, très à gauche.

On ne peut exclure une hypothèse de clientélisme politique où les dépenses budgétaire favorisent les groupes électoraux ciblés par la majorité municipal et les impôts visent des groupes qui votent moins pour elle, comme les propriétaires fonciers dans une grande ville où les locataires sont un collègue électorale beaucoup plus important.

Hélas la ville de Paris n’est pas la seule collectivité publique qui subit une sorte de perte de contrôle de ses finances publiques, à l’instar de la situation de l’Etat ou même de la situation consolidée du pays en la matière.

Pierre Liscia : C’est un immense gaspillage en effet, un puits sans fond. L'endettement est abyssal. La gauche considère que la dette pour financer le fonctionnement c'est de l’investissement. C'est absurde. In fine, il y a toujours quelqu'un qui va devoir rembourser. Si c'est pour faire les poches des Parisiens, la dette n'a rien d'un investissement. La bonne gestion budgétaire, cela existe. D’autres collectivités le font. La région Ile-de-France en est le parfait exemple. Il est possible de faire des économies tout en maximisant et en augmentant la qualité des services publics.

Des choix idéologiques sont faits à la ville de Paris, notamment en matière de logement. 30% du budget de la ville de Paris est consacré à une politique de logement dispendieuse qui creuse la dette. La Ville ne renforce pas l’offre de logements disponibles puisque le foncier est saturé. Il y a donc très peu de constructions nettes de logements à Paris et quand il y en a, cela se fait en densifiant un peu plus la ville et au détriment de la qualité de vie. La Ville use donc de son droit de préemption et achète des immeubles entiers dans tout Paris à des tarifs exorbitants pour les transformer en logements sociaux ce qui raréfie l’offre sur le marché locatif privé et fait mécaniquement augmenter les prix. Cette politique-là, si ce n’est une motivation idéologique, n’est justifiée en rien. Elle a démontré toute son inefficacité. Il n’y a pas plus de logements accessibles aux Parisiens. Cela creuse les déficits et raréfie l'offre locative. 

Parmi les autres exemples de mauvaise gestion figure la politique de la propreté qui engloutit chaque année plus de 500 millions d’euros. Pourtant, Paris n’a jamais été aussi sale. 84% des Parisiens sont insatisfaits par la saleté de la ville. Anne Hidalgo a promis que ce budget serait porté à un milliard, je ne sais pas comment elle y parviendra au regard des finances. Encore une promesse qui ne sera pas tenue.

La suradministration étouffe Paris. C’est pour ces raisons qu’à la Région Ile-de-France, Valérie Pécresse a supprimé des doublons, rationnalisé les services, fusionné des administrations. On finance moins de structures et plus de projets.

Le gaspillage concerne aussi le financement des associations. Il n’y a pas de contrôle des associations. Là encore, c'est possible. Quand Valérie Pécresse a été élue en 2015 à la région, elle a imposé une règle simple : toutes les associations financées par la Région doivent nous remettre un rapport d’activité pour justifier du bon usage de l’argent public. Cela n’était pas le cas avant à la Région. Ce n'est toujours pas le cas à Paris.

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