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Mais  lequel de ces quatre scénarios à sa disposition Emmanuel Macron choisira-t-il ?
©ludovic MARIN / AFP / POOL

Fin de quinquennat

Avec la perspective du déconfinement, Bruno Cautrès évoque les possibilités et les scénarios pour Emmanuel Macron sur le plan politique et face à la crise sanitaire.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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La réussite de la sortie du confinement ne va pas se poser qu’en termes sanitaires et économiques. L’équation politique d’une sortie de confinement réussie n’est pas forcément la plus simple à résoudre, en fait. Dans son adresse aux Français, le 12 mars (première prise de parole du chef de l’Etat sur le Covid-19), Emmanuel Macron en avait appelé à une forme d’union nationale pour affronter ensemble le virus ennemi et gagner « la guerre » contre lui : «C'est cela, une grande Nation. Des femmes et des hommes capables de placer l'intérêt collectif au-dessus de tout, une communauté humaine qui tient par des valeurs : la solidarité, la fraternité. (…) il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s'est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties. Ce que révèle d'ores et déjà cette pandémie, c'est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, notre Etat-providence ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. (…) Nous devons en reprendre le contrôle, construire plus encore que nous ne le faisons déjà une France, une Europe souveraine, une France et une Europe qui tiennent fermement leur destin en main. Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. Je les assumerai ». 

Si l’on peut faire bien des critiques à la gestion des crises qu’il a traversées depuis son élection, on ne peut enlever à Emmanuel Macron une constante : ses grands discours, pourtant de peu d’effets sur sa popularité à moyen et long terme, ne restent pas lettre morte. Au sortir de la crise des Gilets jaunes, le grand débat national annoncé le 31 décembre 2018 a bien eu lieu. C’est davantage la manière dont sont conduites et le fond des initiatives présidentielles qui peuvent donner lieu à des critiques, d’ailleurs régulièrement méritées. On peut donc s’attendre à des initiatives politiques du Président dans les semaines ou dans les mois qui suivront la sortie du confinement le 11 mai. Si la réponse à la crise des Gilets jaunes (grand débat et plan de 15 milliards) avait, en partie seulement, permis de contenir la crise et déminé (en surface mais certainement pas en profondeur) la crise démocratique et sociale, la sortie du confinement et les perspectives politiques de l’après-confinement s’annoncent plus délicate à opérer : l’ampleur des mesures économiques et de l’endettement national, le sentiment d’angoisse et de peur dans la population, l’incertitude sur les déplacements et les interactions sociales, les conséquences sur le tissu des entreprises et de l’emploi, nous place dans une autre dimension. 

Quelles sont les réponses politiques dont Emmanuel Macron dispose et sur quel « bouton » institutionnel peut-il appuyer ? Quatre scenarios peuvent être dégagés dont trois reposent sur le retour vers le suffrage populaire. On exclut bien évidemment un cinquième scenario, le plus absurde, celui qui consisterait a repartir à l’identique, avec le même gouvernement. 

Le premier scenario est le plus iconoclaste : une démission du chef de l’Etat, non pas pour sortir du champ politique mais au contraire pour tenter, dans la foulée d’être réélu ! C’est le scenario du coup de poker avec deux options seulement : le coup de génie, dont on parlerait longtemps, si Emmanuel Macron parvenait ainsi à être réélu pour 5 ans ou alors le « plantage historique », dont on parlerait tout aussi longtemps s’il était battu. Ce scenario n’est pas le plus vraisemblable, à la fois compte-tenu du risque électoral mais aussi du contexte du pays et du contexte international. Le second scenario est celui du référendum dit « législatif » c’est-à-dire ne portant pas sur l’organisation des pouvoirs publics mais « sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent » (article 11 de la Constitution). L’avantage de ce scenario est de présenter aux Français un paquet de mesures incarnant le grand tournant de l’action publique évoqué par Emmanuel Macron le 12 mars, voire l’élargissant aux questions climatiques pour tenir compte des conclusions de la Conférence citoyenne sur le climat. Là encore ce scenario n’est pas sans risques politique car un référendum peut donner l’occasion de sanctionner le pouvoir, non pas tant pour sa gestion de la crise, que pour l’ensemble de son action depuis 2017. Sans être exclu, ce scénario n’est peut-être pas le plus vraisemblable non plus. Le troisième scenario est celui d’une dissolution de l’Assemblée nationale (article 12 de la Constitution) et de l’organisation de nouvelles élections législatives. Il s’agirait de créer une véritable légitimité populaire à l’hypothèse d’une « union nationale » reposant sur une coalition de formations politiques, soutenant l’action d’un gouvernement de combat contre l’épidémie jusqu’en 2022.  Ces trois scenarios reposent tous sur l’idée que l’on ne peut réellement ancrer dans la société française l’union nationale dont a parlé le chef de l’Etat et en fonder la légitimité politique sans retour vers les urnes. Mais ces trois scenarios butent sur trois obstacles : la part de risque électoral qu’ils comportent tous, les conditions politiques qui doivent être réunies pour les mettre en œuvre (on voit mal la République en marche se plier facilement à l’hypothèse d’une dissolution par exemple) et la possibilité concrète d’organiser le suffrage populaire dans un contexte de post-confinement, sans compter qu’il reste à terminer les élections municipales !

C’est donc vraisemblablement le quatrième scenario qui finira par s’imposer, sauf surprise : celui d’un changement du Premier ministre et/ou d’une partie importante du gouvernement. Il serait fort prématuré de faire aujourd’hui le moindre pronostic sur des noms et des personnalités même si des noms ont circulé. La part de communication et de ballons d’essai est importante à ce stade et nul besoin de commenter ici ces noms. On peut, en revanche, pronostiquer que cette solution ne sera pas à même de régler une des questions les plus épineuses en démocratie : celui de l’adéquation entre les préférences publiques des citoyens et les choix des gouvernants en matière de politiques publiques. Si tout le monde souhaite gagner « la guerre » contre le virus, remettre sur le devant des priorités la protection sanitaire et épidémiologique des Français, mettre en œuvre des politiques de prévention et de préparation face aux grands chocs externes (pandémiques ou climatiques), le débat et les controverses sur les moyens, la hiérarchie des priorités ne fait que commencer. Il est hautement souhaitable que les formations politiques fassent un important travail pour problématiser ces questions et proposer aux Français des alternatives et des solutions concrètes afin de tirer, au plan de la vie démocratique, des conséquences positives du drame sanitaire que nous vivons.

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