Maintenir les seniors en emploi plus longtemps pèsera-t-il sur l'emploi des jeunes ? Voilà ce que nous enseigne l'expérience des 40 dernières années...<!-- --> | Atlantico.fr
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Lorsqu’on regarde les statistiques annuelles nationales, il apparaît que lorsque le taux d’emploi – c’est-à-dire la part des personnes en emploi – des séniors (55-64 ans) augmente, la taux de chômage des jeunes (15-24 ans) tend à diminuer.
Lorsqu’on regarde les statistiques annuelles nationales, il apparaît que lorsque le taux d’emploi – c’est-à-dire la part des personnes en emploi – des séniors (55-64 ans) augmente, la taux de chômage des jeunes (15-24 ans) tend à diminuer.
©Emmanuel DUNAND / AFP

Marché du travail

Les pays qui ont les taux d’emploi des seniors les plus élevés sont aussi ceux qui ont les plus faibles taux de chômage et les plus hauts taux d’emploi pour les jeunes.

Stéphane  Carcillo

Stéphane Carcillo

Stéphane Carcillo est économiste et dirige la division Emploi et Revenus de l'OCDE.

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Atlantico : Maintenir les seniors en emploi plus longtemps pèsera-t-il sur l'emploi des jeunes ? Quels sont les principaux enseignements des 40 dernières années, notamment grâce aux données de l’OCDE ?

Stéphane Carcillo : Lorsqu’on regarde les statistiques annuelles nationales, il apparaît que lorsque le taux d’emploi – c’est-à-dire la part des personnes en emploi – des séniors (55-64 ans) augmente, la taux de chômage des jeunes (15-24 ans) tend à diminuer (graphique), et non à augmenter contrairement à ce qu’on entend parfois. Il n’a donc y aucun fondement à cette idée que le marché du travail est un gâteau aux nombre de parts fixes qu’on se partage. Ce qui est valable pour l’entrée massive des femmes au le marché du travail au cours de 50 dernières années – qui n’ont pas pris les emplois des hommes –, l’est aussi pour les séniors. D’ailleurs, les pays qui ont les taux d’emploi des seniors les plus élevés sont aussi ceux qui ont les plus faibles taux de chômage et les plus hauts taux d’emploi pour les jeunes.  

Le fait de retarder le départ des seniors à la retraite va-t-il freiner réellement l’entrée des jeunes sur le marché du travail ?

Si on en croit l’expérience des réformes passées de la retraite, il n’en sera rien. Les études d’impact détaillées sur les données individuelles des réformes intervenues en Allemagne, au Danemark, et même en France démontre l’impact positif de ces dernières non seulement sur l’emploi des séniors, mais aussi sur l’emploi des jeunes. Ce suggère que séniors et jeunes sont complémentaires dans les entreprises plutôt que substituables. Cela tient à leurs compétences qui ne sont pas les mêmes, sans parler de leurs années d’expérience. Mais cela tient aussi au mode de financement de la protection sociale et des régimes de retraite : retarder l’âge de départ à la retraite permet d’éviter une hausse de la fiscalité du travail qui pèse sur les créations d’emploi, y compris pour les jeunes.

Les taux d’emploi des jeunes et des seniors ne reflètent-ils pas tout simplement l'état du marché du travail ? Le taux de chômage peut-il perturber l’équilibre du marché du travail ?

A court terme, bien évidemment que les fluctuations conjoncturelles de l’activité tendent à influencer l’emploi des jeunes et des seniors dans le même sens, bien que dans des proportions différentes : l’emploi des jeunes y est habituellement beaucoup plus sensible. Mais la corrélation négative que l’on observe entre le taux d’emploi des séniors et le taux de chômage des jeunes se maintient même lorsqu’on neutralise ces fluctuations dans les données, par exemple en tenant compte des spécificités de chaque année et en calculant les variations sur la base de moyennes sur plusieurs années (comme sur le graphique). Cela suggère que des changements dans le taux d’emploi des séniors générés par un choc structurel, comme l’évolution des règles pour partir en retraite, devraient également être associés à une baisse du taux de chômage et une hausse du taux d’emploi des jeunes.

Améliorer les conditions de travail des seniors permettra-t-il des progrès pour les jeunes ? L’inverse fonctionne-t-il également ?

Il est indispensable d’accompagner le maintien dans l’emploi des séniors d’une amélioration des conditions de travail. Les entreprises vont devoir s’adapter d’autant plus que la part des plus de 50 ans dans la population active ne va cesser d’augmenter. Dans cette perspective, et compte tenu des complémentarités observées entre jeunes et seniors dans l’emploi et de l’effet favorable du maintien en emploi des séniors sur le coût du travail, on devrait s’attendre à ce que cela favorise également l’insertion dans l’emploi des jeunes.

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