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Magistrature, universités, service public audiovisuel et cie : SOS diversité idéologique disparue
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Menace sur la démocratie

On ne cesse de se focaliser sur des discriminations envers des minorités visibles ou sur des caractéristiques privées mais on ne se préoccupe jamais du respect de la diversité idéologique. Que révèlent les pressions subies par les magistrats dans l'affaire Fillon sur la composition idéologique de la magistrature en France ? Quels sont les autres secteurs concernés ?

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Atlantico.fr : Que soulignent les révélations sur les pressions subies par les magistrats dans l'affaire Fillon ainsi que la surveillance des avocats de Nicolas Sarkozy sur la composition idéologique de la magistrature française ?

Edouard Husson : Il ne faut pas être étonné par les pressions subies par les magistrats dans l’affaire Fillon ou la surveillance des avocats de Nicolas Sarkozy. Elles étaient déjà connues. La question, c’est de savoir pourquoi les médias classiques en parlent soudainement. Ces révélations surviennent à un moment où Emmanuel Macron joue avec l’idée d’un remaniement ministériel. Il s’agit en fait de diviser LR, une nouvelle fois. François Fillon a rencontré Edouard Philippe. Et l’on prend soin de Nicolas Sarkozy. Comme cela, il sera plus facile d’attirer des LR dans le prochain gouvernement; et le président neutralise l’effet d’un éventuel départ de son Premier ministre qui aura du mal à rassembler LR, son parti d’origine, en force d’opposition. Je vois peu de souci de faire la vérité dans tout cela. Quant à la dérive idéologique de la magistrature française, elle est connue depuis longtemps. 

Le tableau que nous avons sous les yeux n’est donc pas glorieux: des médias qui ont bien peu d’indépendance; des juges qui assouvissent leurs passions idéologiques en « se payant » des personnalités politiques de droite. Et une droite qui se divise en permanence. 

Nous avons affaire à l’éternelle répétition d’un schéma qui existe depuis la Révolution française: des minorités agissantes de gauche, soudées, prêtes à toutes les manipulations; et une droite qui prête le flanc, écartelée entre la fascination pour la détermination idéologique de l’adversaire et son incapacité à faire taire les querelles de personne. 

Christophe Boutin : Votre question est ambiguë au sens où elle tend à présenter comme liées deux choses différentes : la première est qu'il y a des pressions exercées sur les magistrats, ou que ces derniers cherchent à complaire au pouvoir en place, et que certaines décisions ne sont donc pas « neutres » ; la seconde est une mise en cause de ce que vous appelez la « composition idéologique de la magistrature française ». Je crois qu'il faut très nettement distinguer les deux pour éviter de faire des confusions, quand bien même se rejoindraient-elles de nos jours.

Premier élément de réponse, la magistrature en France est censément indépendante. Faut-il rappeler que l'article 64 de la constitution précise que « le président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire » ? Il est « assisté » pour cela par le conseil supérieur de la magistrature dont l’article 65 détaille longuement la composition des formations compétentes à l'égard des magistrats du siège et du parquet. Et que dire de ce morceau de bravoure, la réponse d’Antoine Séguier, Premier président de la Cour de Paris, au garde des Sceaux Peyronnet qui lui demande son aide dans un procès contre la presse en janvier 1826 : « La Cour rend des arrêts, et non pas des services » ?

Deuxième élément de réponse, le juge n'est pas cet automate que certains auraient voulu qu'il soit. Par sa jurisprudence, il tient compte des circonstances dans lesquelles s’est produit ce qu’il a à juger, et interprète au besoin la norme qu'on lui demande d’appliquer, lui faisant parfois dire bien autre chose que ce qu’avaient prévu ses rédacteurs. La constitution française est ainsi réécrite par le juge constitutionnel sans que les parlementaires – et même le peuple souverain - n'y puissent grand-chose. Quant à l'application, par exemple, de la loi pénale, elle laisse au juge une marge de manœuvre qui lui permet de tenir compte du contexte dans lequel les faits se sont produits, et donc de respecter un principe d'équité plutôt qu’une stricte égalité : sanctionner de la même manière ceux qui, dans des situations très différentes, ont commis le même acte répréhensible serait en fait manquer du sens de la justice.

Troisième élément de réponse, la servilité n'est ni de gauche ni de droite, et c'est un risque bien humain que de voir le titulaire d'une fonction chercher à plaire à ses supérieurs en abondant dans leur sens, qu’ils le lui demandent expressément ou pas.

Quatrième élément, le juge est un homme comme un autre, qui a des préjugés, et qui doit s’en défaire pour juger sereinement, et c’est là et là seulement, et partiellement, car les préjugés de sont pas nécessairement uniquement « de gauche », que nous rejoignons votre interrogation portant sur la « composition idéologique de la magistrature française ».

Rappelons d’abord que contrairement à ce que croient peut-être certains, le fameux Syndicat de la magistrature (SM) est loin derrière la principale, organisation des magistrats en France, l’apolitique Union syndicale des magistrats (USM) (70,8% contre 22,4% au SM et 6,8% à FO-magistrats en 2016). Mais on notera quand même une prééminence de la gauche puisque le score de l’Association professionnelle des magistrats, de droite, est lui très faible, une prééminence qui, normalement, ne devrait pas porter à conséquence : comme le déclare la présidente du SM, Clarisse Taron, si le juge doit être impartial dans ses décisions, il n’a pas à être neutre dans ses opinions.

La question vient de la confusion des genres lorsque le juge assume sinon une partialité dans son jugement, au moins l’existence d’un préjugé systématique qui tient compte de certaines caractéristiques des individus attraits devant lui. On cite volontiers en ce sens la célèbre harangue d'Oswald Baudot, substitut à Marseille et membre du Syndicat de la magistrature, prononcée en 1974, et notamment le passage dans lequel ce dernier demandait aux futurs juges d'être partiaux. « Pour maintenir la balance entre le fort et le faible, le riche et le pauvre, qui ne pèsent pas d'un même poids, il faut que vous la fassiez un peu pencher d'un côté. C'est la tradition capétienne. Examinez toujours où sont le fort et le faible, qui ne se confondent pas nécessairement avec le délinquant et sa victime. Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l'enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l'ouvrier contre le patron, pour l'écrasé contre la compagnie d'assurances de l'écraseur, pour le malade contre la sécurité sociale, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice. »

Si cette harangue aurait été courageuse au XIXe siècle, quand manquait une certaine justice sociale, elle n’exprimait plus au moment où elle était prononcée que la volonté de traduire dans les décisions de justice la déconstruction de la société menée par l’idéologie de gauche qui dominait déjà intellectuellement la France, et il n’y aura en fait que bien peu de place entre le préjugé favorable… et la partialité du jugement. Le juge de gauche entend bien réformer la société selon son idée du Bien et du Juste, et cela aboutit à un sentiment de parti-pris qui n’est pas moins fort aujourd’hui que lorsque La Fontaine écrivait ses Animaux malades de la peste, avec pour seule différence l’inversion gauchiste : il ne s’agit plus, dans les jugements, de servir les supposés « puissants » mais des victimes elles aussi supposées, nécessairement excusables et excusées. Ce sont dès lors ces milliers de décisions où le prévenu ressort libre et narguant les services de police, cette suspicion systématique du patron, et, quand c’est possible, la chasse ouverte à tout ce qui peut sembler être « de droite ».

Vous citiez les cas de Nicolas Sarkozy et François Fillon. Il ne m’appartient pas de me prononcer, mais il est en toute hypothèse bien certain que, ne serait-ce qu’en accélérant ou non des procédures, le juge peut à son gré – au moins autant que sur demande - jouer un rôle qui ne devrait pas être le sien dans la vie politique de notre pays. Que celle-ci doive être moralisée nul n’en doute, et que le juge ait un rôle légitime à jouer dans cette moralisation, en sanctionnant sans faiblesse les coupables, nul n’en disconviendra. Mais la sensation, ici aussi, du « deux poids deux mesures » dans l’application de la règle, devient insupportable aux Français.

Quels secteurs outre la magistrature, sont principalement concernés par ce sectarisme idéologique de gauche ?

Edouard Husson : Il faut bien comprendre qu’être de droite ou de gauche, cela s’enracine dans des attitudes religieuses sous-jacentes, éventuellement inconscientes. La droite est héritière du christianisme, c’est-à-dire de l’immense libération qu’a représenté la distinction entre l’être créé et l’être incréé. Etre de droite, c’est d’une part ne rien absolutiser des réalités terrestres et d’autre part savoir que l’homme poursuit un idéal qui est toujours au-delà ce que que peut réaliser la cité des hommes. Cela conduit à une politique prudente, réaliste, ouverte à la discussion La gauche est enracinée dans le catharisme, le millénarisme et la gnose: l’opposition entre une minorité de purs (qui ont tous les droits), qui détiennent le savoir, et une majorité d’individus dont on flatte les passions, en leur racontant que le bonheur absolu est réalisable dans la cité terrestre tout en restreignant leur accès effectif à la liberté dont bénéficient les « purs ». 

La gauche est potentiellement ou réellement totalitaire. La droite est toujours impressionnée par l’apparente puissance des idées de gauche, sans voir que ces idées servent une quête du pouvoir politique, de la richesse et de la jouissance sexuelle permanente, le tout camouflé derrière la respectabilité apparente de l’appartenance au camp du bien (autoproclamé). La gauche, c’est Tartuffe ! Pour la gauche, on ne peut pas être un juge sans appuyer le syndicat de la magistrature; être un professeur de lycée ou d’université sans adhérer à l’idéologie progressiste dans sa forme du moment. Et la droite, le plus souvent, accepte le terrorisme intellectuel de l’adversaire. La droite a le plus souvent face à la gauche la crédulité d’Orgon face à Tartuffe. Il y a bien des intellectuels de droite mais ils sont souvent considérés comme des originaux par leur propre camp et, surtout, ne sont pas associés à l’exercice du pouvoir. 

Christophe Boutin : Je vous dirais bien volontiers que tous le sont potentiellement tant la gauche a une tendance naturelle au sectarisme : quand on pense le Vrai, le Beau, le Juste et le Bon, on comprend bien que l’on ne va pas tolérer longtemps ceux qui empêchent l’avènement des lendemains qui chantent. Il fait cependant nuancer : c’est effectivement un mode de fonctionnement pour beaucoup d’hommes de gauche, généralement ceux qui se contentent de recracher la doxa prémâchée, sorte de gloubi-boulga politiquement correct, à rebours, heureusement, d’autres qui admettent encore l’intérêt du débat.

Quels secteurs plus précisément ? On pense bien sûr au monde de la Culture, dont les prestations caricaturales ne font même plus rire tant elles sont attendues. On pense ensuite au monde du journalisme : il suffit de rappeler qu’au premier tout de la présidentielle de 2012, 39% déclarent avoir voté pour François Hollande (10% de plus que la moyenne) 19% pour Jean-Luc Mélenchon (8% de plus), 18% pour Nicolas Sarkozy (10% de moins), et 3% pour Marine Le Pen au second tour (15% de moins).On pense bien sur aussi, je ne saurais l’oublier, au monde de l’éducation, et ce à tous les niveaux, de l’instituteur au professeur d’université.

Là encore, on pourrait appliquer la formule de la présidente du Syndicat de la magistrature : si l’on est impartial dans son travail, on n’a pas à être neutre dans ses opinions. Mais qui irait sans faire rire parler d’impartialité de la part de tous ces gens qui composent cette classe des « intellectuels organiques » décrits par Antonio Gramsci comme indispensables à la conquête du pouvoir ? Il n’y a, d’abord, aucune impartialité dans leurs productions : des cours aux spectacles ou aux articles, c’est souvent la même logorrhée, la même absence de pluralisme. À quand une pièce d’Anouilh sur un théâtre d’une « scène nationale », au lieu des fastidieuses déclamations en kurde sur les migrants ? Quand les journalistes de gauche sortiront-ils de leur vocabulaire politiquement correct où ils stigmatisent les « auteurs controversés » qui ne leur plaisent pas ? À quand dans l’Université un débat sur le racisme anti-blanc autrement que pour en nier l’existence ? Il n’y a, ensuite et surtout, aucune impartialité dans leur recrutement : nous sommes à des degrés divers devant des cooptations où l’aspect idéologique est absolument central.

Mais on aurait pu se poser aussi, puisque l’on parle de cooptation, la question de la fonction publique dans son ensemble, où il ne fait globalement guère bon être de droite, du ministère à la commune. Ce qui amène à considérer aussi ceci : si ces secteurs peuvent pratiquer impunément l’entre soi, dans leur recrutement comme dans leurs productions, c’est parce que, des fonctionnaires aux intermittents variés en passant par les journalistes subventionnés, ils vivent sur fonds publics. Qu’importe alors la baisse des tirages, le vide des salles de spectacle, l’ennui des étudiants devant le nième cours de libertés à sens unique ? La gauche idéologique est payée par le contribuable français pour continuer son travail.

Quel est son impact (social et économique) sur notre démocratie ?

Edouard Husson : L’impact économique et social du règne des Tartuffe est considérable. Les révolutionnaires français ont confisqué les biens du clergé (qui servaient à soutenir des centaines de milliers de pauvres) puis ont dilapidé le trésor ainsi accumulé, ce qui les a conduits à partir en guerre contre l’Europe pour la piller. La révolution française, c’est aussi  la loi Le Chapelier, qui apparemment émancipe l’individu des contraintes du corporatisme, en fait laisse l’individu sans protection face à toutes les prédations. Le capitalisme est un produit de l’Evangile: l’idéal de pauvreté personnelle combiné à l’exigence de fructification des talents est ce qui a fait naître le capitalisme en Italie du Nord au Moyen-Age. L’épargne se substitue à la thésaurisation, l’argent n’est jamais immobilisé car il peut servir à tous, en permanence, dans la réciprocité du « Pater noster »: « Remets nous nos dettes comme nous remettons à ceux qui nous doivent ». Le taux d’intérêt modéré, par opposition à l’usure, est une invention chrétienne: pour que l’économie marche, il faut que ses acteurs restent toujours solvables. La gauche, au contraire, ramène des logiques de pillages et de confiscation de l’argent au profit de quelques-uns. Elle méprise l’épargne, le patrimoine, le capital. Elle développe l’Etat prédateur moderne, dont l’occupation permanente est d’empêcher la constitution des cellules sociales autonomes comme la famille, la province ou la nation. 

Christophe Boutin : Catastrophique. C'est d'abord un énorme gaspillage d'argent sur des projets qui confinent parfois simplement au grotesque. C'est ensuite un immense gaspillage de talents qui ne peuvent pas s'exprimer, bloqués par les sectaires au pouvoir.

Une vraie démocratie ne peut tolérer cette captation de certains secteurs par des intellectuels organiques au service d’une idéologie – et Antonio Gramsci ne souhaitait d'ailleurs nullement mettre ainsi en place une démocratie, mais simplement permettre à un parti unique de parvenir au pouvoir. Une démocratie vit en effet de débats, et ne peut se limiter à les avoir en politique - et encore, bien tronqués -, négligeant la culture et l'éducation.

C'est aussi une immense catastrophe démocratique que de voir les citoyens considérer que ces catégories ne semblent plus s’intéresser à eux que pour les sanctionner, les punir, les caricaturer, les mépriser. Pour cette gauche idéologique, le « Français de souche », dont elle dit pourtant par ailleurs qu’il n’existe pas, est au cœur de ses détestations, quelque part entre les Deschiens et Dupont Lajoie, quand le migrant serait l’homme d’une nouvelle rédemption. Cette césure entre les deux catégories, au moins autant que celle entre la France périphérique et l’oligarchie des métropoles, contribue au délitement du lien national, à l’atomisation et à la déculturation de notre société. Notre démocratie n’y survivra pas, et les autoritarismes qui montent le montrent bien.

Comment peut-on espérer sortir de ce sectarisme idéologique ?

Edouard Husson : Il y a un énorme défi éducatif. La grande cause de l’avenir, c’est la liberté scolaire. La période du confinement aura fait découvrir les vertus de l’école à la maison. La cellule familiale est un lieu d’éducation, d’instruction absolument fondamental. La gauche tend toujours à confisquer l’enfant le plus tôt possible à ses parents pour, dit-elle par antiphrase, le « socialiser ». En fait il faut bien constater, malheureusement, que les systèmes éducatifs d’Etat tendent à enseigner la haine des liens sociaux pour convaincre l’individu qu’il est essentiellement une monade, un individu isolé et libre apparemment de ses choix. Il est utile qu’il y ait un service public de l’éducation mais ce dernier a besoin de contrepoids: l’Etat doit doit créer un environnement législatif favorable à la création d’écoles privées en tout genre. Il est faux que le secteur éducatif privé soit socialement injuste. Aujourd’hui en France la plupart des écoles privées sont des projets associatifs, dotés de peu de moyen. Il est vital qu’ils aient les moyens de se déployer. La crise que traverse notre pays est d’abord le résultat de la crise de l’éducation amorcée en 1968. A l’inverse, ramenez l’éducation de citoyens libres et vous poserez les fondations d’un renouveau du pays. 

Christophe Boutin : Le premier auquel on pourrait penser, le contrôle, est inopérant. Seule la gauche progressiste peut de nos jours peut envisager de réécrire les textes avec l’aide des « démineurs éditoriaux », nom donné par la commission de la langue française à ces sensitivity readers anglo-saxons, une hérésie pour les conservateurs et les libéraux de la trempe de Benjamin constant, John Stuart Mill ou Alexis de Tocqueville. On ne va pas donc ni contrôler ni épurer la magistrature, le journalisme, la culture, car le problème de la démocratie, selon une formule connue, est qu’elle repose sur un présupposé optimiste totalement gratuit, ici que le citoyen réussira à dépasser son sectarisme idéologique pour recruter sur des critères de compétence, accepter le débat avec d'autres personnes ou juger de manière impartiale, et que toutes les contraintes que l’on pourrait exercer seraient en fait inefficaces. On le voit bien avec l’idée de pluralisme des moyens de communication : si le Conseil constitutionnel a pu y voir « le fondement de la démocratie », s’il a pu souhaiter instaurer un pluralisme externe (journaux) ou interne (médias audio-visuels), il suffit d’écouter les chaînes d’État pour constater sa quasi-inexistence dans les faits, et lorsque les « déontologues » partagent le parti-pris ambiant on comprend que le contrôle interne n’est pas crédible.

Ni contrôle externe ni contrôle interne donc, mais quid des moyens d’existence ? On l’a dit, cet entre-soi n’est permis que par un financement dit public mais qui vient en fait des fonds privés prélevés par l’État. Avec d’ailleurs comme résultat, pour ceux qui veulent sortir de ce bruit de fond idéologique, de devoir payer deux fois : l'école publique, le théâtre ou le journal subventionnés par leurs impôts ; l'école privée, la scène ou ne média indépendants payés sur ce qu’ils auront pu mettre de côté. Si l’on supprime ce financement public, si nos concitoyens ne payent plus pour ceux qui les insultent ou les méprisent, le système s’effondre. Mais le risque est évidemment grand de jeter le bébé avec l’eau du bain, d’oublier que tout ne peut être privatisé, qu’il est souhaitable que certaines créations soient subventionnées, et plus encore certains services.

En fait, on ne peut sans doute plus faire l’économie d’une révolution conservatrice qui rétablisse de sens de l’État et de son service.

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