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Maël de Calan : "Plus mon score sera élevé, plus les Républicains auront une chance de survivre »
©JOEL SAGET / AFP

Entretien politique

L'ancien porte-parole d'Alain Juppé, candidat à la présidence des Républicains, veut porter la voix d'une droite européenne et libérale et considère que sa candidature peut éviter que les Républicains ne soient condamnés à la scission.

Maël de Calan

Maël de Calan

Maël de Calan est conseiller départemental du Finistère et conseiller d'Alain Juppé.

Il est l'auteur de "La vérité sur le programme du Front national" (Plon).

Voir la bio »

Atlantico : Laurent Wauquiez dans le Figaro affirmait cette semaine "qu'il faut réconcilier les filiations de Jean Monnet et de Philippe Séguin". Au-delà des mots, cela vous paraît-il une posture intellectuelle tenable d'une part et souhaitable d'autre part ?  

Maël de Calan : Oui, si l’on veut dire par là que nous voulons construire l'Europe fortement intégrée que souhaitait Monnet, tout en mettant au cœur de cette Europe les Etats nation comme le défendait Séguin à la fin des années 1990. C’est l’équilibre qui a été atteint par le traité de Lisbonne. Je retiens aussi que Monnet et Séguin avaient une très grande exigence intellectuelle, vis-à-vis d’eux-mêmes et vis-à-vis de leur famille politique : nous devrions tous nous en inspirer !

Ces déclarations de Laurent Wauquiez qui mettent de l'eau dans son vin au parfum d'euroscepticisme rappellent un peu Nicolas Sarkozy qui voulait "réconcilier la France du oui et celle du non". On a vu que dans le cas de Nicolas Sarkozy, c'était finalement très nettement sur la ligne de la "France du oui" que l'ancien président de la République avait gouverné. Dans le cas de Laurent Wauquiez, à quoi faudrait-il s'attendre selon vous ? 

Si Nicolas Sarkozy a gouverné sur la ligne du « oui », c’est qu'il avait conscience que dans un monde de plus en plus chaotique et dangereux sur le plan géopolitique, militaire, économique, monétaire, ou encore commercial, l'Europe était pour la France une nécessité vitale. « Le rêve des sages et l’ambition des puissants » dont parlait le Général de Gaulle.

Quand il arrive au pouvoir, l’Europe est complètement bloquée sur le plan institutionnel. Ceux qui ont fait échouer le référendum de 2005 ont apporté la preuve qu’ils n’avaient aucun « plan B » à proposer aux Français. C’est alors qu’il permet l’adoption du traité de Lisbonne, qui respecte le vote de 2005 tout en sortant l’Europe de ce blocage.

Si Laurent Wauquiez amende sa position c’est très bien. Après avoir été très européen dans les années 2000, puis très eurosceptique depuis 3 ans, je serais heureux qu’il revienne à une ligne européenne qui me semble raisonnable. C’est l’intérêt de la France, et on ne peut pas jouer avec ça en faisant de l'Europe un bouc émissaire facile, avec parfois une once de démagogie.

Finalement, les propositions de Laurent Wauquiez sont-elles si différentes de celles d'Emmanuel Macron, des vôtres ou de celles qu'Alain Juppé défendaient pendant sa campagne ? Une Europe à différents noyaux, c'est déjà ce que proposait Valéry Giscard d'Estaing dans les années 90. N'y a-t-il pas une part de jeux de rôles un peu désolante dans les querelles qui animent la droite sur la question européenne ? Toute la rhétorique des lignes rouges est-elle vraiment justifiée sur la question de l'avenir de l'Europe ? Que ce soit chez Nicolas Dupont-Aignan, chez Florian Philippot ou chez Marine Le Pen, personne ne croit à une volonté de rupture de Laurent Wauquiez sur ce terrain... Qui faut-il donc croire ?

Sincèrement, je souhaiterais qu'il n'y ait pas différence au sein des Républicains sur ce sujet essentiel pour l'avenir du pays. Mais non, nos propositions ne sont pas les mêmes. Quand Laurent Wauquiez propose en 2014 de sortir de l'Union européenne à 27 pour en revenir à une Europe à 6, ce n'est pas l'Europe des cercles concentriques mais la disparition de l’UE. Quand il propose de supprimer la Commission européenne, ce n'est pas une Europe qui renforce le poids des Etats-nations, mais la disparition de l’UE. Quand il utilise une rhétorique de plus en plus contestataire, comme en 2015 quand il inscrit sur ses tracts « Bruxelles ça suffit ! », ce n’est pas une Europe qui se réconcilie avec les peuples mais qui s’en éloigne.

Les Républicains ne sont pas un think-tank, et LaurentWauquiez n’est pas un universitaire ou un polémiste qui pourrait « agiter des idées » sans conséquences. Laurent est un responsable politique qui veut présider un grand parti de gouvernement. Or, les idées qu'il défendait en 2014 aboutiraient, si elles étaient mises en œuvre, à la fin de l’UE.C’est-à-dire à une régression politique immense sur le continent européen. Si Laurent a changé d'avis, tant mieux,qu'il le dise !Mais nos points de divergence ne sont pas artificiels.

Au-delà de la question européenne, ne retrouve-t-on pas la même problématique sur les questions de l'identité : des querelles de mots violentes lorsque beaucoup dénoncent une dérive, une radicalisation ou une droitisation dangereuse mais des projets de gouvernement et leur application concrète qui seraient finalement assez proches ? 

La droite se réunit pour dire que la France a une identité, faite d’une culture, d’une langue, d’une Histoire, de traditions, le tout soudé par une identité politique qu’on appelle les « valeurs républicaines ». Elle se rassemble aussi pour dire que cette identité est en crise, qu’elle est attaquée en particulier par l’essor de l’Islam radical face auquel nous devons être inflexibles.

Mais les mots ont un sens. Laurent a parlé de la droite comme étant « identitaire ».Dans le vocabulaire politique, « identitaire » renvoie à une conception de l’identité comme étant « blanche et chrétienne ».Or, contrairement à Nadine Morano je ne crois pas que la France soit un pays « de race blanche », et contrairement à l’ancien président de Sens Commun, je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’être chrétien pour être Français.

Pourquoi utiliser ce terme ? Parce qu’il adhère à cette vision de l’identité ? Ou parce qu’il cherche simplement à provoquer, à montrer que pour la droite, cette crise de l’identité est importante ? Dans tous les cas, quand vous répondezà des problèmes très complexes par des slogans démagogiques ou simplistes qui vous dispensent de réfléchir, vous préparez les échecs futurs de la droite au pouvoir. On ne gouverne pas à coups de slogans.

Avec les querelles entre Charlie Hebdo, Edwy Plenel, Manuel Valls, l'observatoire de la laïcité etc. la gauche se déchire sur la question de l'islam et de la laïcité, n'y a-t-il pas une carte à jouer pour la droite pour présenter un front uni permettant d'apaiser les tensions sans bien sûr céder sur le fond aux revendications qui ne respectent pas les valeurs de la République ? 

Si bien sûr, c'est quelque chose qui soude la droite que de dire que la France a une identité, qui doit être respectée par tous ceux qui vivent dans notre pays.

Il est clair qu'une certaine gauche a fait preuve d'une complaisance coupable vis-à-vis de la radicalisation islamique.Une certaine gauche qui y voyait de nouvelles victimes à défendre. De nouveaux « prolétaires » en quelques sortes, qu’il fallait protéger contre nos sociétés occidentales, forcément coupables de domination « néocoloniale » sur le plan politique, économique ou culturel.

C'est une faute politique et morale très grave que la droite doit dénoncer. Mais à nouveau la droite ne sera utile sur ces questions de lutte contre l'Islam radical que si elle y répond non par des excès de langage mais par des propositions efficaces. Sur ce sujet, peut-être plus que sur tous les autres, on a besoin d'une droite des solutions, pas d’une droite de slogans.

Que vous disent les militants que vous rencontrez en campagne sur ces sujets ? Comprennent-ils ces débats ou ces disputes qui agitent la droite dans les médias ?  

Les deux questions, l'Europe et l'identité, sont assez disjointes. Autant sur les questions d'identité, les militants ont conscience qu'il y a sur le fond une forme de cohérence à droite qu'ils approuvent, et un discours de fermeté dans lequel ils se reconnaissent. La plupart de ceux que je rencontre pensent que les transgressions verbales que nous avons évoquées ne témoignent pas d’une dérive identitaire, mais sont de simples provocations au « système ».

Sur la question européenne en revanche beaucoup d'adhérents appartiennent comme moi à cette droite européenne et libérale, qui était à l’origine de l’UMP, et s'inquiètent très clairement d'entendre dans la bouche de Laurent Wauquiez un discours de plus en plus critique en direction l'Europe.Ils ont en tête l'exemple britannique : quand les responsables politiques cèdent au poison de la démagogie sur ce sujet, les conséquences peuvent être incalculables. 

Avez-vous pu finalement trouver un accord sur le débat que vous auriez souhaité avoir entre vous, Florence Portelli et Laurent Wauquiez mais sur les conditions duquel vous ne vous êtes pas accordé ? 

Nous avons avec Florence accédé à toutes les conditions qui avaient été posées par Laurent Wauquiez. Il voulait un débat devantles militants, ouvert aux télévisions mais pas sur leurs plateaux, et nous l’avons accepté. Mais à chaque fois qu'on accepte une condition, il en rajoute une nouvelle. La vérité est que Laurent Wauquiez ne veut pas de ce débat. Il s'est engagé dans une course de lenteur pour s'assurer qu'il n'ait jamais lieu, ou alors à 2h du matin, le 24 décembre, au milieu d’une forêt.

C'est très dommage. On doit ce débat à nos 235 000 adhérents, pour qui ce sera la seule occasion de confronter nos programmes et nos stratégies. Et on doit ce débat à nos millions d'électeurs, qui ont le droit de savoir où vont les Républicains.

L'élection à main levée de Christophe Castaner ce samedi au congrès de La République en Marche, ça vous inspire quoi ? Le renouveau peut-il passer par un parti qui impose une très grande verticalité après s'être fait porter au pouvoir par une aspiration à une refondation par la société civile ?

Cela souligne qu'il était très facile de tirer sur nos vieux partis de gouvernements, mais qu'il est beaucoup plus facile de les remplacer. Le fait que Christophe Castaner soit choisi par le Président de la République ne me choque pas. Les Républicains ont fait la même chose à chaque fois qu'ils ont accédé au pouvoir. Ce qui me choque, c'est l'écart entre les paroles et les actes.

Cette élection peu démocratique dans l'esprit au Congrès de la République en marche devrait-elle selon vous faire réfléchir les Républicains Constructifs dans leur "adhésion" à Emmanuel Macron ? Si vous êtes élu à la tête des Républicains, que direz-vous à ces constructifs tentés par une coalition avec La République en Marche ? 

Je ne suis pas certain que les Constructifs soient tentés par une alliance avec LREM en raison du renouveau démocratique que promettait ce parti. Ce que veulent les Constructifs, c’est faire entendre les convictions d’une droite européenne, libérale et sociale, qui se sent de moins en moins à l’aise au sein des Républicains.

Ce que je leur dis, c’est que nous ne devons pas renoncer à peser dans cette grande maison que nous avons fondée.

Alain Juppé la semaine passée puis François Baroin qui disent le plus grand bien d'Emmanuel Macron, est-ce que vous ne trouvez pas ça un peu déplacé à votre égard puisqu'ils semblent considérer que votre candidature et la ligne que vous défendez n'ont aucune chance au sein du parti ? 

Je me garderai de juger les positions d'Alain Juppé qui est un homme d’Etat et n'a pas à se justifier. Ce que soulignent ces prises de position, c'est que si les Républicains se renferment sur une ligne de plus en plus en plus dure et parlent à une fraction de plus en plus réduite de leurs électeurs, ils se condamnent à l'explosion.

Mais n'y a-t-il pas un certain défaitisme dans le non-engagement d'Alain Juppé, Valérie Pécresse ou Xavier Bertrand qui ne vous soutiennent pas et actent ce qu'ils semblent considérer comme une défaite annoncée ? Cela ne serait-il pas plus simple s'ils menaient vraiment campagne à vos côtés ? 

Ils ont pris d'autres engagements devant leurs électeurs. Et beaucoup de leurs proches me soutiennent aujourd'hui. 

Vendredi, Jean-Christophe Lagarde a accusé Laurent Wauquiez de "dérive identitaire, nationaliste et européenne" en ajoutant "ce que dit M. Wauquiez sur l'Europe, nous ne le partageons absolument pas". Le président de l'UDI en appelle du coup à la création "d'un axe central qui réunirait "cette droite progressiste et le centre que nous représentons pour faire en sorte qu'on puisse faire valoir nos valeurs sans les laisser dénaturer". Est-ce un appel auquel vous seriez susceptible de répondre favorablement ? 

Le sens de ma candidature est d'éviter que les Républicains ne soient condamnés à la scission, d'éviter que la droite ne se fragmente en deux, trois ou quatre morceaux. Cela condamnerait nos idées à la marginalisation. Les déclarations de Jean-Christophe Lagarde montrent encore s'il le faut, qu'il n'y aura pas d'alliance possible avec le centre sur la base des idées défendues aujourd’hui par Laurent Wauquiez. Sans alliance avec le centre, la droite se condamne à la défaite sur le plan national et sur le plan local.

Si Laurent est élu, de deux choses l’une : soit il comprend que la droite a toujours été diverse et que les Républicains doivent incarner cette diversité, soit il ne le comprend pas et condamne les Républicains à mort. 

Même si vous ne gagnez pas l'élection à la présidence des Républicains, que serait pour vous un score satisfaisant ? 

Je ne réponds jamais à cette question. Mais l'histoire des Républicains ne s'écrira pas de la manière selon que je ferai 5%, 25% ou 45%. Plus mon score sera élevé, plus les idées de la droite ouverte pourront se faire entendre, et plus les Républicains auront une chance de survivre comme union de la droite et du centre. 

Voyez-vous votre avenir chez LR en cas de défaite ? Et trouvez-vous un sens à ce grand mouvement central qu'évoquait Alain Juppé la semaine passée ? Où et comment la droite peut-être le plus utile au pays ?

L'ambition d'un parti politique n'est pas de défendre des idées mais de faire en sorte qu'elles soient appliquées. Or, si Emmanuel Macron fait une partie du chemin, il n’en fait qu’une partie seulement. Et la somme des désaccords que nous avons avec lui est aujourd'hui trop importante pour nous situer dans la majorité. La place de la droite est donc dans l'opposition. La crise du pays est suffisamment forte et profonde pour qu’elle appelle des solutions radicales sur le plan économique comme sur le plan régalien. C’est dans ce sens que nous devons peser.

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