Made in Copé : ce que le président de l'UMP confirme, ce qu'il rejette, ce qu’il apporte de nouveau à la ligne politique du parti<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-François Copé, président de l'UMP.
Jean-François Copé, président de l'UMP.
©Reuters

Moi, président de l'UMP

"Une nouvelle génération UMP" est en train de naître, a affirmé Jean-François Copé à Valeurs Actuelles, avec "une ligne politique ambitieuse [...] pour réparer les dégâts causés par la gauche". Pour y voir plus clair, voici la définition de la ligne Copé.

Atlantico : Interviewé par Valeurs Actuelles, Jean-François Copé annonce la naissance "d'une nouvelle génération UMP". "Sur le fond, l'UMP a accompli une mue considérable. Le 25 janvier, nous adopterons une ligne politique ambitieuse (avec) un véritable projet de société cohérent, pour réparer les dégâts causés par la gauche", affirme le président de l'UMP. Mais quelle est cette ligne qu'entend aujourd'hui défendre Jean-François Copé ?

Maxime Tandonnet : L'UMP se voit confrontée à une équation délicate : d'une part tenir compte de la sensibilité profonde de l'opinion, sa déception face à la tournure prise par la construction européenne et ses résultats, ses inquiétudes devant  l'insécurité et l'immigration; d'autre part éviter une fracture avec la frange "centriste" représentée dans ses instances dirigeantes. Etre à l'écoute de l'évolution de la société française est vital pour l'avenir du mouvement, sinon il se condamne à être débordé sur sa droite. Cette prise de conscience est en ce moment au cœur des réflexions du mouvement même si les combats d'arrière-garde ne manquent pas. A mes yeux, c'est à tort que l'on parle de "droitisation" car les aspirations profondes de la société française, sur la maîtrise de l'immigration, par exemple, transcendent le clivage droite-gauche et touchent une large majorité de citoyens. Le plus difficile pour l'UMP est de définir une position sur l'Europe. La position fédéraliste de plusieurs de ses dirigeants est archaïque et suicidaire pour le mouvement, qui doit revenir aux bases d'une Europe des Nations et à l'écoute des citoyens, s'il veut retrouver sa crédibilité dans ce domaine. 

Geoffroy Lejeune : On pourrait dire que la "ligne Copé" correspond à la "ligne Buisson", un message politique fort destiné à séduire les classes populaires victimes de la politique menée par la gauche, perdantes dans la mondialisation, inquiètes face à la délinquance et au communautarisme, écrasées d’impôts, et j’en passe. Mais rendons à César ce qui est à César : cette ligne politique fondée notamment sur les thèmes régaliens, Copé la décline depuis bientôt deux ans, avec ce qu’il a appelé la « droite décomplexée ».

Politiquement, cette ligne vise à empêcher la fuite de cet électorat vers le Front national avec une ligne simple : pas d’alliances, mais aucun complexe sur le fond. Au vu du score de Sarkozy en 2012, et de la récente chute de Marine Le Pen dans les sondages, cette ligne semble efficace. Confirmation dans les urnes dès le mois de mars…

Philippe Reinhard : Jean-François Copé mène la ligne de la jeunesse. Place aux jeunes !  Il entend faire table rase du passé et mettre en place une nouvelle génération, c'est-à-dire la sienne, et quelques autres comme Jérôme Lavrilleux ou les deux fondateurs de la Droite forte que sont Geoffroy Didier et Guillaume Peltier. On élimine donc les vieux : Jean-Pierre Raffarin, Alain Juppé, etc. Quant à éliminer Nicolas Sarkozy, ce n'est pas l'envie qui leur manque, mais ce n'est pas facile.

Personne n'est d'ailleurs vraiment éloigné de Sarkozy : même ceux qui craignent son retour envisagent que, s'il revient, ce sera un raz-de-marée. Ils essayent; pour l'heure, d'éviter de rester sur le sable. Ils seront sarkozyste s'il revient mais ils n'oublient pas que Sarkozy reste, pour l'heure, le symbole d'une défaite. Jean-François Copé sème donc pour l'instant des petits cailloux mais le jour où l'ancien chef de l'État sifflera la fin de la récréation, le président de l'UMP le rejoindra ; il se présentera même certainement comme le premier des sarkozystes.

Quelle est sa vision de la société ? En quoi se distingue-t-elle de celle de François Fillon ou Nicolas Sarkozy ?

Maxime Tandonnet : Franchement c'est très difficile à dire. La vision de la société que propose l'UMP me paraît  voisine de celle qui a prévalu pendant le dernier quinquennat, privilégiant les valeurs d'autorité, de travail. Les grands sujets du moment sont l'économique et social, l'ordre (sécurité, immigration), l'éducation.  Sur ces  thèmes, je ne vois pas bien ce qui distingue François Fillon de Jean-François Copé et de Nicolas Sarkozy comme président de la République. On ne peut pas opposer  un Fillon modéré et un Copé radical. L'ancien Premier ministre s'est par exemple avancé sur la suppression des 35 heures et le retour à la retraite à 65 ans. L'essentiel tient à des oppositions de style, de caractère, avec un François Fillon qui renvoie à une image tranquille et un Copé fonceur, déterminé à mener un "combat idéologique" contre la gauche, l'ancien chef de l'Etat étant lui dans une position tout à fait particulière.

Geoffroy Lejeune : Il a expliqué vouloir "libérer" la société, c'est-à-dire, comme il le dit dans Valeurs actuelles, briser la chape de plomb qui écrase les Français. Cette liberté, selon Copé, est aux antipodes de celle défendue par la gauche, qui en a une conception libertaire et parfois liberticide, et concerne tous les domaines : économie, entrepreneuriat, société, liberté d’expression… François Fillon, lui, a indiqué qu’il souhaitait porter une ligne fondée sur "le progrès", sans que l’on sache bien ce qu’elle recouvre. Pour l’instant, ses thèmes de prédilection semblent être la réduction des dépenses publiques, l’industrie, le resserrement de la politique européenne autour d’un axe franco-allemand, etc. Mais on a vu durant sa campagne pour la présidence de l’UMP qu’il pouvait lui aussi, grâce aux conseils d’Eric Ciotti notamment, se montrer décomplexé sur les questions régaliennes…  

Cette ligne est-elle conforme à la droite décomplexée que Jean-François Copé entend porter ?

Maxime Tandonnet : Oui, bien entendu. Elle se nourrit du rejet de la politique actuelle par une forte majorité de Français, qui ont l'impression de subir un matraquage fiscal sans précédent, une perte de pouvoir d'achat et une augmentation continue du chômage. La baisse des prélèvements obligatoire, donc la réforme de l'Etat s'imposent à l'opposition comme une priorité absolue. A mon avis, les termes de "droite décomplexée" se heurtent cependant à une limite. Le pays est profondément malade des divisions idéologiques, polémiques et déchirures de ces derniers mois, de la guerre civile froide qui sévit en ce moment. Il ressent un besoin d'unité et de pacification de la vie publique qui ne peut se réduire au combat entre une "droite décomplexée" contre une "gauche décomplexée" car les Français ne supportent plus la dégradation du climat de la vie publique. A cela aussi, l'opposition doit proposer des réponses, sans renoncer évidemment à conduire les profonds bouleversements nécessaires.

Geoffroy Lejeune :  Cette ligne en est la déclinaison programmatique. Mais au rythme où vont les choses et où grandit le mécontentement, Copé a raison de préciser que les mesures qu’il propose sont amenées à évoluer… 

130 milliards de baisse de dépenses publiques, "plus de liberté, plus de travail, plus de mérite, moins d’assistanat"... Jean-François Copé a-t-il amorcé un virage libéral ?

Maxime Tandonnet : Le discours est libéral, mais est-ce vraiment nouveau ? Le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux qui partent à la retraite a été la ligne constante du quinquennat de Nicolas Sarkozy, de même que la valorisation du travail, avec les heures supplémentaires défiscalisées, et la lutte contre l'assistanat. Maintenant, le véritable enjeu, c'est justement de préciser où l'on va trouver ces 130 milliards, comment les économies seront réalisées. L'actualité souligne les limites de l'incantation, des effets d'annonce, de la communication à outrance et là aussi, si l'opposition veut gagner en crédibilité, il faudra qu'elle s'engage sur un projet précis.

Geoffroy Lejeune : Jean-François Copé n'a pas abordé de virage libéral, car à la différence de Hollande, l’UMP n’a jamais cessé d’être libérale ! Le problème de ces mesures n’est pas dans l’esprit, conforme à ce qu’attendent les Français, qui désirent plus de liberté, et notamment les chefs d’entreprise, mais dans la lettre : tout réside dans la mise en œuvre des promesse ! J’ajoute que le tournant – dans les mots – de Hollande oblige l’UMP à se demander si la droite de demain ne doit pas cesser d’être libérale et européiste. Ses électeurs, en tout cas, ont applaudi des deux mains la critique de Schengen par Sarkozy et plébiscitent les positions sur le protectionnisme et sur le colbertisme d’un Guaino ou d’un Peltier. Il subsiste quelques contradictions…  

Nicolas Goetzmann : Tout dépend de ce que l’on appelle « Libéral », car deux tendances majeures s’opposent actuellement. La première, plus « traditionnelle » propose en effet un bloc de réformes de l’offre, tout en mettant l’accent sur la baisse des dépenses publiques. Ce qui correspond bien au programme de Jean François Copé. 130 milliards d’euros, cela correspond en effet à un effort équivalent à 6.5 % du PIB et à une baisse de dépenses publiques de l’ordre de 10 %. Ce qui serait bien évidemment sans précédent. Cette politique découle de la tendance libérale favorable à l’austérité. L’influence vient ici surtout de l’école "ordolibérale" allemande, dont découle le modèle allemand.

Ensuite il y a la forme britannique, américaine, ou japonaise du libéralisme actuel. Cette forme subit plutôt l’influence des monétaristes, et correspond à une action double : une relance monétaire couplée à l’austérité budgétaire et aux politiques de l'offre. La relance vient compenser le choc de demande provenant de la crise et permet d’entreprendre des coupes budgétaires de façon simultanée.

Les résultats sont clairs. Sans relance monétaire, c’est l’exemple européen, pas de retour de la croissance, et hausse du chômage. Aux Etats-Unis, les baisses des dépenses ont lieu alors même que la croissance revient et le chômage baisse. Il n’y pas photo entre les deux, et la différence est simple : la prise en compte de la monnaie.

Donc Jean François Copé effectue bien un virage libéral, mais il est essentiel de savoir lequel. Si la politique monétaire n’est pas évoquée, les chances de succès sont minces, voire inexistantes. Aucun pays n’est parvenu à se redresser sans soutien monétaire : Suède dans les années 1990, Allemagne en 2005, Etats-Unis, Royaume-Uni et Japon aujourd’hui ont tous profité de cet outil.

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De qui s'entoure-t-il aujourd'hui ? A l'UMP et en dehors ?

Maxime Tandonnet : Jean-François Copé dispose autour de lui d'une petite équipe qui le suit depuis longtemps. Par ailleurs, l'UMP anime des groupes de travail thématiques auxquels participent de nombreux experts, dont beaucoup proviennent des anciens cabinets ministériels ou de jeunes cadres du secteur privé ou public qui veulent préparer l'alternance. Les clivages de chapelle ne me paraissent pas avoir une grande importance dans la préparation du projet, dont la responsabilité a été confiée à Hervé Mariton, une personnalité venue du courant libéral, et plutôt indépendante à cet égard.

A lire également, le nouveau livre de Nicolas Goetzmann :Sortir l'Europe de la crise : le modèle japonais, (Atlantico éditions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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