Ecologie : les paysages ne se recyclent pas, ils se conservent<!-- --> | Atlantico.fr
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Une photo prise devant un hypermarché Carrefour à Douai, dans le nord de la France.
Une photo prise devant un hypermarché Carrefour à Douai, dans le nord de la France.
©PHILIPPE MERLE / AFP

France moche

La destruction de notre patrimoine naturel doit cesser. Il est urgent de sauvegarder nos paysages.

Corentin  Jousserand

Corentin Jousserand

Corentin Jousserand est chercheur associé au think tank Ecologie responsable. 

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En cette période de rentrée, nous allons bien souvent au travail en nous remémorant nos vacances estivales. Dans ces souvenirs, les majestueuses montagnes des Alpes, les pittoresques villages de Provence ou les côtes accidentées de Bretagne parviennent encore à effacer les échangeurs autoroutiers, les barres d’immeubles côtiers sans charme et les alignements de ronds-points. Aux joyaux du patrimoine naturel et architectural français se mêlent des constructions modernes disgracieuses. Le plus beau pays du monde, face à la France moche. 

Cet été, 88% des Français qui sont partis en vacances ont choisi de rester dans leur pays. « Au cours de lointains voyages / Tout là-bas sous d'autres cieux / Mais combien je leur préfère / Mon ciel bleu mon horizon / Ma grande route et ma rivière / Ma prairie et ma maison », chantait Charles Trenet en hommage à sa Douce France. Les Français ont été rejoints, comme tous les ans, par des dizaines de millions de touristes étrangers. Il faut dire que la France est le seul pays du monde où l’on peut admirer un patrimoine naturel et culturel aussi riche et varié. Mais, les paysages français ne sont pas simplement un atout touristique. Ils font partie de notre identité nationale et de notre art. 

Cette beauté n'est pas qu'une simple histoire de chance. La France a certes hérité d'une situation géographique exceptionnelle, mais ces paysages sont aussi le fruit du travail de générations de Français, paysans, bûcherons, architectes, et maçons. Des champs cultivés, aux vignobles, parcs, à la moindre place de village, tous ces décors résultent de l'effort collectif pour ancrer le naturel dans notre tissu culturel. Cette alliance entre nature et culture a inspiré le meilleur de l’art français. Monet a peint l’harmonie provençale, où se mêlent villages, champs de lavandes et nature en arrière-plan. Le Nôtre a dompté herbes folles et buissons pour donner naissance aux jardins à la française. Pagnol a ennobli notre campagne par ses livres. 

Cet héritage nous oblige. Il est notre patrimoine commun en tant que nation, qu'il nous appartient de bâtir, de mettre en valeur, de préserver et de léguer. La protection de ces paysages est profondément ancrée dans la tradition conservatrice, au point d’être devenue une valeur patriotique, voire nationaliste. L’amour de la patrie passe par la terre. Et l’identité d’un peuple émane de ses paysages, comme l’écrivait Barrès dans Colette Baudoche.

Après-guerre, les considérations esthétiques relatives à notre cadre de vie ont été reléguées au second plan, derrière le développement économique. Des initiatives, comme la création des parcs naturels régionaux en 1967, ont certes témoigné d’une volonté politique de protection des trésors français, mais ces décisions sporadiques ne se sont pas inscrites dans une trajectoire large de mise en valeur de nos régions. En dehors de ces zones protégées, la croissance économique s’est faite au prix de l’enlaidissement du pays. 

Pire, les différents plans d’aménagement du territoire, de la mission Racine des années 1960, qui visait à conduire des travaux d’infrastructure sur le littoral méditerranéen (La Grande Motte, La Cap d’Agde, etc), au Plan Neige des années 1960 et 1970, ont abouti à la construction d’affreuses barres d’immeubles dédiées au tourisme. Plus tard, la construction de zones commerciales, faites de magasins en taule alignés le long des routes nationales, a enlaidi la périphérie de nos villes. Aujourd’hui, l’association Paysages de France décerne même le « Prix de la France moche » aux communes les plus atteintes par la pollution visuelle. Il est urgent d’agir avant que cette France moche n’engloutisse le plus beau pays du monde sous un flot de panneaux publicitaires et d’hypermarchés. 

Dans une époque qui défend l'impératif de préservation de l'environnement, cette pollution visuelle est malheureusement celle dont on ne parle jamais. La protection des paysages est la grande absente du discours écologiste. A rebours, certains projets participent à ce grand enlaidissement. Les littoraux et les campagnes sont désormais défigurés par l'implantation d'éoliennes ou de panneaux photovoltaïques, comme les tristes exemples de la baie de Saint- Brieuc ou de la ferme solaire des Mées, le montrent. 

La destruction de notre patrimoine naturel doit cesser. L’écologie, et plus généralement la défense de l’environnement, ne doivent pas se limiter à la neutralité carbone ou au recyclage, mais s'étendre à la sauvegarde de nos paysages, en tant qu’environnement quotidien, c’est-à- dire l'endroit où nous vivons, travaillons et rêvons. La beauté des lieux qui nous entourent élève notre qualité de vie et nourrit notre âme, tandis que leur préservation nous permet de léguer aux générations futures un splendide héritage. Le devoir de les protéger transcende les clivages politiques, car il est le gage d'un avenir où la beauté et l'authenticité de la France perdureront.

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