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Les candidats mobilisés pour la présidence du parti peuvent-ils par leur diversité contribuer à revitaliser LR ?
Les candidats mobilisés pour la présidence du parti peuvent-ils par leur diversité contribuer à revitaliser LR ?
©JULIEN DE ROSA / AFP

Election à la présidence du parti

Ce qui se joue derrière la confrontation Ciotti, Retailleau, Pradié, etc. c’est la définition d’une ligne politique qui n’avait pas été véritablement revue depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Jérôme Besnard

Jérôme Besnard

Jérôme Besnard est journaliste, essayiste (La droite imaginaire, 2018) et chargé d’enseignements en droit constitutionnel à l’Université de Paris.

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Frédéric Mas

Frédéric Mas

Frédéric Mas est journaliste indépendant, ancien rédacteur en chef de Contrepoints.org. Après des études de droit et de sciences politiques, il a obtenu un doctorat en philosophie politique (Sorbonne-Universités).

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Atlantico : Les journées parlementaires de LR se tiennent actuellement à Biarritz, l’occasion pour les différents candidats à la présidence des Républicains d’engranger des soutiens. Le secrétaire général des Républicains, Aurélien Pradié, a officialisé lundi sa candidature à la présidence du parti, après Eric Ciotti, Bruno Retailleau et Serge Grouard. Sébastien Laye et Virginie Calmels ont également fait acte de candidature. Qu’est-ce le casting actuellement rassemblé dit du parti ? Qu’est-ce que les mouvances ainsi représentées signifient politiquement ?

Jérôme Besnard : Ce casting marque incontestablement la fin du sarkozysme au sein des LR. Bruno Retailleau, Éric Ciotti et Serge Grouard, maire d’Orléans, ont porté la campagne de François Fillon en 2017. Si Éric Ciotti avait pu soutenir Nicolas Sarkozy en 2016, il est aujourd’hui en froid avec l’ancien président de la République qui affiche sa proximité avec Christian Estrosi à Nice. Aurélien Pradié, député du Lot prétend incarner le renouvellement mais il a surtout profité de l’absence de concurrent issu de la majorité présidentielle lors des dernières élections législatives et il est associé au triste bilan de Christian Jacob, le président LR sarkozyste sortant. Enfin la candidature de Virginie Calmels, une libérale proche d’Alain Juppé a été invalidée faute d’être à jour de cotisation.

Bruno Retailleau, formé à l’école de Philippe de Villiers avant de s’en émanciper, incarne une droite souverainiste, décentralisatrice et conservatrice. Il a le soutien des souverainistes séguinistes (Julien Aubert), des conservateurs (François-Xavier Bellamy) et des sociaux-libéraux (Othman Nasrou, bras droit de Valérie Pécresse). Éric Ciotti, qui se veut proche de Laurent Wauquiez, incarne une droite plus autoritaire et un peu moins décentralisatrice. Il est issu d’une veine plus bonapartiste : une droite « poignarde » comme on disait au temps de Maurice Barrès. Aurélien Pradié, lui est dans une posture « mouvementiste », « bougiste » comme dirait Pierre-André Taguieff, fausssement « branchée », censée attirer les jeunes. Notons quand même que la liste qu’il soutenait lors de la dernière élection des jeunes du parti a été balayée par celle de Guilhem Carayon qui soutient aujourd’hui Éric Ciotti.

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Frédéric Mas : Une famille politique divisée, qui s’interroge encore sur la meilleure manière de s’identifier face à des électeurs tentés par la concurrence de l’extrême droite et du centre. On peut y relever 4 orientations ou tentations, et une presque disparition.

Il y a d’abord la tentation de refaire du Fillon, avec la candidature de M. Retailleau. Il semblerait que son programme cherche à renouer avec l’équilibre entre conservatisme sociétal et libéralisme économique qu’on trouvait dans le discours du candidat malheureux à la présidence de 2017. L’histoire peut-elle repasser les plats ? Si les militants peuvent y croire, il est possible que les électeurs ne se laissent pas séduire par une aventure dorénavant attachée à « l’ancien monde ».

Ensuite, il y a la tentation d’incarner une droite autoritaire et populiste plus crédible que celle de Madame Le Pen, avec la candidature d’Eric Ciotti. Jusqu’à présent, la surenchère autoritaire ne s’est faite qu’au bénéfice des concurrents de LR, que ça soit du côté Le Pen ou du côté Macron, que ça soit au cours de la crise sanitaire ou le discours sécuritaire. Il me semble que M. Ciotti accuse un défaut de notoriété au niveau national qui bénéficie aux figures plus médiatiques qui occupent le créneau de l’extrême-droite.

La troisième tentation, celle d’Aurélien Pradié, est de s’aligner sur le discours socialiste dominant. Comme Xavier Bertrand avant lui, il s’agit aussi de se départir du discours sécuritaire pour embrasser une autre forme de droite sociale-autoritaire « gaulliste », mais conservatrice du modèle social-démocrate d’après-guerre. Le risque ici est de créer la confusion dans l’esprit des électeurs en leur proposant un message assez similaire à celui de ses concurrents de droite comme de gauche.  

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La quatrième tentation portée par M. Grouard, c’est celle du renoncement pour s’aligner sur le centre autoritaire. L’après-Macron ne donne plus d’espace au centre-droit, autant se rallier à la formation qui incarne le mieux désormais le parti organique de la 5e république du général de Gaulle. Ce fut le choix de tous les juppéistes ralliés à Macron et autres centristes qui regardent depuis la droite la gauche avec les yeux de Chimène.

Enfin, la candidature de Sébastien Laye, moins médiatisée que les autres, témoigne de la survivance d’une sensibilité libérale qui n’a pas complètement troqué le sérieux de l’analyse économique pour les fantaisies populistes ou nationalistes du jour. L’ouverture à la société civile, la connaissance des enjeux économiques et la liberté comme principe d’organisation sociale et politique ne sont hélas plus à la mode à droite (ni ailleurs sur le spectre politique), ce qui rend M. Laye assez peu audible.  Il faut dire, hélas, qu’Emmanuel Macron a démonétisé le terme « libéral » pour des décennies, pour le plus grand malheur des vrais libéraux indifférents ou hostiles à son autoritarisme technocratique.

Ces dernières années, on a vu se mettre sur les rangs plusieurs castings, pour les primaires avant la présidentielle de 2017 et de 2022, mais aussi pour la présidence du parti. Les candidats actuellement sur la ligne de départ témoignent-ils d’une évolution du parti ou de ses valeurs ? Ou au contraire une continuité ?

Jérôme Besnard : Il n’échappe à personne que la droite modérée est en crise depuis 2012 et l’échec de la stratégie néo-conservatrice de Nicolas Sarkozy (un échec qui ne doit rien à Patrick Buisson et tout au candidat). François Fillon a failli sauver les meubles en 2017 et ce sont plutôt ses idées libérales-conservatrices qui dominent désormais au sein de ce qui subsiste de la formation censée incarner l’héritage du RPR et de l’UDF. Mais le souci des LR est ailleurs : loin d’apparaître comme un parti incarnant une ligne il est en passe de devenir, comme le PS, un parti d’élus modérés, profitant de la faiblesse des amis d’Emmanuel Macron dans leur implantation territoriale.

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Frédéric Mas : Ce qui me frappe, c’est la fin de l’ère Sarkozy. Avec son quasi-ralliement à Emmanuel Macron, la force d’attraction sur la formation politique qu’il a créée s’est dissipée, et les candidats à la tête de la présidence de LR ne cherchent plus à l’imiter ou à reproduire son parcours pour conquérir le pouvoir. C’est plutôt une bonne nouvelle : si sa figure tutélaire s’efface, tout est permis, y compris de réinventer la droite. Dès le début de la campagne, on a vu des profils plus hétérodoxes que d’habitude comme Othman Nasrou se manifester. Ce qui s’efface, c’est aussi la génération modelée et poussée par Sarkozy, qui comme Xavier Bertrand ou Valérie Pécresse, ont échoué à rassembler.

Après la défaite sévère de Valérie Pécresse en 2022, puis les scores médiocres aux législatives, les candidats rassemblés pour la présidence du parti peuvent-ils par leur diversité contribuer à revitaliser LR ?

Jérôme Besnard : La victoire va se jouer entre Bruno Retailleau et Éric Ciotti. Ce dernier est fort dans les zones ou le Rassemblement national réalise ses meilleurs scores. Il correspond à une demande d’autorité et de sécurité. Bruno Retailleau, lui, rassemble surtout dans les zones où son parti est en concurrence avec LREM. Il incarne une certaine probité et une demande d’efficacité économique face aux faiblesses du bilan d’Emmanuel Macron en la matière. La prochaine échéance électorale sera celle des élections européennes. Le choix de LR sera simple : concurrencer le RN sur le plan souverainiste ou concurrencer LREM au centre droit. Paradoxalement, en décalage avec les profils des favoris pour l’accession à la présidence du parti, la seconde option est peut-être moins risquée pour sauver les meubles en attendant des jours meilleurs.

Frédéric Mas : Il y a encore un effort à faire pour porter le débat sur la question des idées, indépendamment des hommes. Pour l’instant, j’ai l’impression de voir globalement les sempiternelles tentatives de recombinaison de solutions anciennes mixant autoritarisme, idéologie sécuritaire et quelques mots sur la réforme de l’Etat. Les candidats ont en gros les mêmes cartes, qu’ils redistribuent semi-aléatoirement en espérant trouver la bonne combinaison pour gagner les esprits et les cœurs.

Face à la menace vitale du populisme d’un côté, du centre autoritaire de l’autre, la droite parlementaire n’a pas d’autre choix que de changer un logiciel largement hérité du gaullisme, qui est aujourd’hui repris sans vergogne par des concurrents qui l’incarnent mieux que lui. Le gaullisme populaire et plébiscitaire se retrouve chez Le Pen, son versant technocratique chez Macron.

Il y a aussi urgence à se reconstruire un pool de dirigeants de stature nationale : comme la SFIO en son temps, la droite d’aujourd’hui est en train de se réduire à un parti de barons locaux. Qui aujourd’hui a, à droite, la stature pour gérer la crise énergétique ou intervenir dans le concert européen sur la guerre en Ukraine ? Il y a pourtant quelque chose d’intéressant qui est en train de se passer : les nouvelles têtes qui émergent cadrent beaucoup moins avec le stéréotype techno du cadre énarque et parisien totalement étranger au monde au-delà du périphérique. Faut-il s’attendre à un renouveau tocquevillien à droite d’ici quelques années ?

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