Environnement
Limiter le recours au bois-énergie en Europe reviendrait à fragiliser nos territoires
Les dispositions votées par le Parlement européen sur la biomasse forestière et le bois-énergie présentent des risques considérables pour nos territoires. Si elles devaient être adoptées, ces dispositions entraveraient à la fois la transition énergétique, la protection de l’environnement et le confort de vie des Français.
La révision en cours de la directive européenne sur les énergies renouvelables (RED III) doit nous permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030. Dans ce cadre, le Parlement européen a voté en faveur de l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie de 32% à 45%, et c’est une excellente nouvelle.
La moins bonne nouvelle, c’est que les dispositions votées par le Parlement européen prévoient dans le même temps d’exclure une large part de la biomasse forestière du champ des énergies renouvelables ; ce qui le rendrait inéligible aux aides publiques. Concrètement, cela signifie que les États membres ne pourraient plus prendre en compte cette bioénergie dans leurs résultats en matière d’énergie renouvelable. Une mesure qui ne va pas dans le bon sens, puisqu’elle empêcherait la filière bois-forêt d’apporter sa contribution - pourtant indispensable - à la transition climatique et énergétique de l’Europe.
Le bois-énergie, un substitut vertueux aux énergies fossiles
Plus encore, cette mesure irait à l’encontre de l’intérêt premier de nos territoires ruraux et de leurs habitants. D’abord, parce que le bois utilisé pour l’énergie est nécessaire pour accompagner une décarbonation socialement acceptable de nos usages énergétiques et en particulier de nos modes de chauffage. Alors qu’un ménage sur cinq est en situation de précarité énergétique selon l'Observatoire national de la précarité énergétique et que nous devons réduire notre dépendance aux énergies fossiles importées, le bois-énergie constitue une alternative abordable au fioul ou au gaz pour se chauffer. C’est une ressource renouvelable dont les Français peuvent bénéficier en circuit court.
Les prélèvements de bois sont soumis à un cadre légal très strict, pour préserver la capacité de la forêt à séquestrer du carbone. Le bois est d’abord produit et récolté pour construire nos maisons et nos meubles, fabriquer nos emballages et pour produire du papier et des panneaux. D’autant plus, s’il est issu de forêts gérées durablement. La production d'énergie intervient, la plupart du temps, en bout de chaîne, valorisant les parties de l'arbre qui n'ont pas d'autres débouchés.
Par ailleurs, les prélèvements de bois en forêt sont très inférieurs à l’accroissement naturel des forêts, en témoigne la surface forestière et le volume de bois sur pied qui ont doublé en deux siècles en France, et qui continuent de s’accroître. Selon l’inventaire forestier national, entre 1985 et 2021, la surface forestière en France a augmenté de 21% et le volume de bois sur pied de 50%. Le principal puits de carbone français est donc en croissance continue.
Pas de gestion durable des forêts sans bois-énergie
Limiter l'utilisation du bois pour la production d'énergie serait contre-productif. Dans les forêts françaises, la quantité induite de bois résiduel disponible pour la production d’énergie est importante car les feuillus y occupent les 2/3 des surfaces forestières et produisent par arbre 3 fois plus de bois énergie que les résineux. Si ces grandes quantités de biomasse de faible valeur restaient dans la forêt, par décomposition naturelle, cela ne serait pas neutre en termes d’émissions de gaz à effets de serre. De plus, le risque d’incendies serait accru et constituerait un risque pour la biodiversité et nos forêts.
L'apport du bois énergie dans l'équation économique permet souvent la mise en œuvre de la gestion forestière. Recourir au bois-énergie est dans l’intérêt de tous. Ne nous y trompons pas, il est un allié de la transition énergétique et de l’adaptation des forêts au changement climatique. Dans un contexte de fortes instabilités géopolitiques, il est aussi précieux pour notre autonomie énergétique et pour la sécurité d’approvisionnement en énergie des territoires Se priver de sa contribution serait une erreur lourde de conséquences pour l’avenir de la France et de l’Europe.
Par Dominique Jarlier, Maire de Rochefort-Montagne, Président de la Fédération nationale des Communes forestières
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