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Les démêlés entre la grande banque Française BNP paribas et les autorités financières et judiciaires Américaines posent question.
Les démêlés entre la grande banque Française BNP paribas et les autorités financières et judiciaires Américaines posent question.
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Facepalm

Les démêlés entre la BNP et les autorités américaines découlent de la volonté des États-Unis d'étendre leur droit fiscal à l’ensemble du monde et d'avoir un droit de regard sur l'ensemble des transactions réalisées en dollars. Inquiétant.

Charles Gave

Charles Gave

Charles Gave est président de l'Institut des Libertés, un think tank libéral. Il est économiste et financier. Son ouvrage L’Etat est mort, vive l’état  (éditions François Bourin, 2009) prévoyait la chute de la Grèce et de l’Espagne. Il est le fondateur et président de Gavekal Research et de Gavekal Securities, et membre du conseil d’administration de Scor.

 

 

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Billet publié initialement sur le site de l'Institut des libertés

Les démêlés entre la grande banque Française et les autorités financières et judiciaires Américaines font grand bruit et à mon avis, à juste titr . Derrière cette bagarre émerge en effet toute une série de problèmes qui relient diplomatie, géopolitique, organisation financière internationale, extension du Droit Américain en dehors de ses frontières et donc indépendance nationale de chaque pays par rapport aux USA, futur des libertés individuelles un peu partout …et j’en passe.

Commençons par un petit rappel des faits.

La BNP, par l’intermédiaire de sa filiale suisse de Genève aurait effectué des paiements en dollar au profit de pays que les autorités américaines avaient mis sous embargo, comme le Soudan.

Comme TOUTES les transactions en dollar US se compensent sur le territoire des États-Unis, ces transactions ont du passer a un moment ou à un autre par la filiale US de la BNP qui probablement ne savait même pas qui était le bénéficiaire ultime de ces mouvements, tout devant transiter à l’intérieur du sous compte de la filiale de Genève, secret bancaire suisse oblige…

Et c’est la que les problèmes commencent.

La BNP et les autorités françaises font valoir, à juste titre, que les lois européennes, suisses et françaises ont été respectées, ce qui est vrai, et que donc la BNP n’est pas en faute.

Les autorités Américaines font valoir que lorsque la compensation a eu lieu sur le territoire américain, c’était la loi américaine qui s’appliquait et que quelqu’un à la BNP devait donc savoir que c’était illégal, ce qui est vrai aussi.

Mais ce qui est nouveau c’est l’affirmation que des dollars qui sont la propriété d’un ressortissant d’un pays étranger et qui sont versés à un autre ressortissant d’un pays étranger restent sous le contrôle juridique des USA, puisque c’est la que se trouve le système de compensation des dollars et qu’il ne peut pas être ailleurs.

C’est donner un droit de regard au gouvernement Américain sur TOUTES les transactions en dollars qui se font dans le monde pour savoir qui est le bénéficiaire FINAL, ce qui est proprement insensé.

Prenons un exemple: l’Arabie Saoudite dépose ses réserves de change à la banque centrale US. Ce pays décide d’envoyer de l’argent au Soudan pour aider le gouvernement soudanais. Les réserves de change saoudiennes seront elles bloquées ?

Et si oui, pourquoi garder ses réserves change à la FED ?

La seule solution pour un pays qui se trouverait dans une situation où ses réserves de change pourraient être bloquées est de les convertir le plus vite possible en euro ou en renminbi et d’opérer des comptes écrans en dollar dans ces pays pour leurs transactions en dollar, s’ils le peuvent.

Et ici, je pense a la Russie qui pourrait bien se retrouver d’un jour à l’autre avec le Soudan sur la liste des pays « interdits ».

Ce qui explique peut être pourquoi l’euro et la livre ont été aussi forts…

De fait, il semble bien que les autorités US aient l’intention, compte tenu de la domination totale qui est la leur dans les domaines de l’informatique, des réseaux de paiements et des réseaux sociaux, de transformer leur droit en un droit dominant qui s’imposera « de jure » aux autres États.

Il s’agit là d’un mouvement extraordinairement brutal et dangereux à terme pour les libertés Individuelles.

Je ne tiens pas à ce que le gouvernement américain sache à tout moment ce que je fais de mon argent, pour peu que je le dépense en dollars et je ne pense qu’il soit sain que ce même gouvernement puisse savoir tout ce que fait le gouvernement français quand il dépense des dollars.

En fait, le gouvernement américain nous dit qu’il a le droit de savoir TOUT ce qui se passe dans le système des paiements internationaux puisque celui ci est à 80 % libellé en dollar US, ce qui est une régression majeure en ce qui concerne la liberté du commerce international.

Dans toute transaction, à partir de maintenant, il va y avoir celui qui paie des dollars, celui qui en reçoit et le gouvernement US.

Et tout cela au nom de la lutte contre les paradis fiscaux et le terrorisme, dont on voit bien qu’il ne s’agit que de « faux nez » qui ne servent qu’ à dissimuler ce qui n’est en fait qu’une extension injustifiée de la souveraineté de l’État US aux dépens des autres États.

Devant ce « power grab », quelle a été la réaction des autorités françaises?

Hélas, et comme on pouvait le craindre, elle a été en dessous de tout.

Il n’y a pas une erreur qui n’a pas été commise.

- D’abord le Président français s’est cru autorisé à demander l’aide du Président américain qui lui a immédiatement répliqué qu’aux USA la justice était indépendante, ce qui est vrai et qu’il ne pouvait donc rien faire. C’était demander de l’aide à celui qui est en train de vous égorger.

-Ensuite, les autorités françaises compétentes (?), dont le gouverneur de la banque de France se sont précipitées pour « défendre » la BNP, ce qui donne une fois de plus à tout le monde l’impression certainement injustifiée (sic) que l’État français est au service des banques…

En fait, l’interlocuteur des autorités américaines aurait du être le ministère de la Justice française, faisant valoir qu’une telle extension du droit américain en dehors de son territoire national était chose nouvelle et qu’il fallait en discuter au cours d’une réunion bilatérale, faute de quoi plainte serait  déposée devant une autorité compétente internationale (ne serait ce que pour définir juridiquement les notions de propriété sur les devises sous jacentes. Après tout, l’état par lequel transite ces devises n’est jamais que le gardien mais jamais le propriétaire mais passons).

Mais les autorités françaises sont terrifiées parce que leurs homologues US disposent de l’arme de destruction massive: elles peuvent en effet fermer à tout moment la filiale de la BNP en charge des paiements en dollars pour l’ensemble de la banque et de ce fait écrouler en un instant la rentabilité de la BNP à un niveau où celle-ci aurait du mal à survivre…

On voit donc fort bien les deux branches de la pince qui se mettent en place : ou bien vous acceptez l’extension du droit américain à l’ensemble du monde, ou bien vos banques vont avoir des problèmes.

Il va donc falloir se soumettre dans le court terme (car se demettre n’est pas une option).

Mais tout cela va laisser des traces.

Déjà Poutine et Xi ont tout compris et essaient de faire monter leurs monnaies en puissance tandis qu’ils mettent leurs réserves de change ailleurs qu’en dollars US et en tous les cas, en dehors de la Fed…

Cela veut dire aussi que la fluidité du commerce international et donc sa croissance va baisser, peut être fortement, ce qui a sans doute commencé dans la mesure ou d’un coté il y aura les transactions autorisées par les USA et les autres qui retourneront à une forme de troc ou qui se feront à partir d’autres monnaies.

La demande pour le « cash » va augmenter avec celle d’autres outils de réserve, peut être du style de l’or et donc la vélocité de la monnaie va baisser et avec cette baisse la croissance ralentira.

Cette politique est très inquiétante car elle est confirmée par toute une série d’affaires montrant que les USA espionnent de plus en plus non seulement leurs citoyens mais aussi les citoyens et les gouvernements des autres pays.

Nul n’a jamais dit de moi que j’étais un anti Américain primaire, bien au contraire.

Mais, depuis 2000, la dérive des autorités US ne cessé de s’accentuer vers toujours moins de liberté, toujours plus de manipulations de marchés, toujours plus de surveillance et d’espionnage, toujours plus d’interventions diverses et variées …

Il est à espérer que monsieur Paul soit élu lors de la prochaine élection tant la marche vers un monde contrôlé par Big Brother semble bien engagée..

J’aurai préféré n’avoir jamais à écrire cela.

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