Les vraies raisons de la pénurie de moutarde dépassent largement la guerre en Ukraine<!-- --> | Atlantico.fr
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Des variétés de graines particulières sont nécessaires pour produire la moutarde de Dijon.
Des variétés de graines particulières sont nécessaires pour produire la moutarde de Dijon.
©JEFF PACHOUD / AFP

Précieuses graines

La France est confrontée à une « crise de la moutarde ». Des variétés de graines particulières sont nécessaires pour produire la moutarde de Dijon. Le Canada serait en partie responsable de la situation.

Luc Vandermaesen

Luc Vandermaesen

Luc Vandermaesen est dirigeant de la moutarderie Reine de Dijon.

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Atlantico : Depuis le début de l’année, un rayon reste vide dans les supermarchés : la moutarde. L’un des produits préférés des Français reste introuvable quelle que soit la région. Au-delà de la crise ukrainienne, quels éléments se sont réunis pour que la production de moutarde soit fortement ralentie ? 

Luc Vandermaesen : La pénurie actuelle est causée par deux facteurs :

Premièrement, le dôme de chaleur qui a sévi au Canada il y a un an en juillet 2021 et qui a réduit la récolte de graines de moutarde brune de la variété Brassica Juncea, à 50 % des quantités habituelles.
Deuxièmement, la récolte en Bourgogne a également été réduite de 50 %, cette fois-ci en raison de l’hiver trop humide et de l’épisode de gel du 7, 8 et 9 avril 2021 qui a fortement endommagé la récolte.
Malheureusement ces épisodes se sont produits alors que les stocks résiduels de graines de cette variété étaient déjà au plus bas suite à plusieurs années de récolte réduite.
Nous savons donc, nous industriels moutardiers, que la pénurie allait se présenter et se profiler car la quantité totale récoltée était inférieure à l’utilisation habituelle de la filière Moutarde en Bourgogne.
La situation s’est progressivement dégradée au fil des mois et c’est ainsi que des rayons vides sont apparus.
Ces rayons vides entraînent des commandes de plus en plus importantes de la part de nos clients qui essayent de compenser, hélas sans succès.
Par ailleurs, nous devons aussi tenir compte des clients industriels et de la restauration qui a besoin de la moutarde pour faire ses plats, ses sauces et pour lesquelles nous souhaitons maintenir également un lien commercial afin d’éviter que la moutarde ne soit remplacée et disparaissent des ingrédients utilisés. 

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La récolte française est en cours et sera de 50 % supérieure à celle de 2021. Cela ne suffira pas toutefois pour remplir les rayons en totalité.
Il faut attendre la récolte canadienne qui n’a pas encore commencé et qui en tout état de cause n’atteindra les ports européens que vers la fin de l’année 2022.
Une solution qui aurait pu être de commander de la graine brune en Russie ou en Ukraine est malheureusement aujourd’hui hors de portée.
Cette pénurie crée de la tension sur les prix. Toutefois il faut relativiser : la moutarde est en France un produit bon marché. 
Le Français moyen dépense 4,60 € par an de moutarde. même en supposant que les prix augmentent de 50 %, cela restera une dépense raisonnable pour la majorité des foyers français.
Nos usines continuent à tourner mais avec des cadences réduites. Nous ne sommes pas à l’arrêt. Pour notre marque Reine De Dijon, nous utilisons exclusivement de la graine française, et notre recette est sans conservateur. Cette graine est stockée à proximité de Dijon mais nous n’avons pas suffisamment de stock résiduel pour répondre à toutes les commandes reçues actuellement.
Dans quelle mesure la crise Ukrainienne est-elle responsable de la situation ?

Il faut noter que les prix sont à la hausse en raison du conflit ukrainien qui impacte le prix du gaz et de l’énergie et donc le prix des flacons en verre, des cartons, des capsules métalliques. Même les étiquettes sont aujourd’hui compliquées à acheter avec des délais de plusieurs semaines d’approvisionnement.

Pourquoi certains pays voisins ont encore des rayons pleins de moutarde alors que nous en manquons fortement ?

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Nos voisins consomment d’autres sortes de moutardes, souvent produites avec de la graine jaune, de la variété Sinapis Alba – qui a été moins impactée par le dôme de chaleur canadien, mais qui est plus affectée par la guerre en Ukraine. Egalement, ces pays voisins consomment moins de moutardes que les Français, donc le manque est plus lent à se voir. Mais ils seront affectés également dans les mois qui viennent, toutefois à plus petite échelle.

Pourquoi les producteurs n’avaient-ils pas prévu de stocks ?

Cela fait 3 ans que les récoltes sont à la limite des besoins et les stocks n’ont pas pu se constituer. En outre, pour les industriels il est très difficile de stocker de la graine (place dans les silos, coûts de stockage, etc…)

Y a-t-il des solutions en France qui pourraient permettre de relancer la production ?

Pour tenter d’éviter que de tels problèmes ne se reproduisent dans les années qui viennent, la filière Association Moutarde de Bourgogne travaille sur un programme d’amélioration variétale afin d’augmenter la production en France et d’ainsi limiter les risques climatiques.
Cette filière a permis d’élaborer des variétés de graines résistant aux intempéries et aux insectes ravageurs. Toute cette démarche prend du temps et coûte de l’argent mais la filière est très impliquée dans ce domaine.

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