Les vices de moins en moins cachés du micro-crédit<!-- --> | Atlantico.fr
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les taux d'intérêt des micro crédits augmentent fortement.
les taux d'intérêt des micro crédits augmentent fortement.
©Reuters

Fausse bonne idée

Le micro-crédit, c'est-à-dire le prêt de faibles sommes pour financer des projets de petites entreprises ou de particuliers éloignés des circuits bancaires, n'a pas révolutionné l'économie, loin de là. De plus, les taux de ce type de produit ont fortement grimpé, remettant en cause leur réelle efficacité.

Bernard Cohen-Hadad

Bernard Cohen-Hadad

Bernard Cohen-Hadad est président de la commission financement des entreprises de la CGPME. Il est également président du think-tank Etienne Marcel et assureur.

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Atlantico : Les micros et petits crédits, destinés respectivement aux particuliers et aux jeunes entreprises ont été présentés comme une solution efficace au début des années 2000 pour stimuler l'économie. Cinq ans après le crash financier, alors que les taux d'intérêts de ces "produits" n'ont cessé d'augmenter, peut-on dire que cette méthode soit aussi efficace que l'on a pu le penser ?

Bernard Cohen-Haddad : Cela fait partie de débats entre économistes et chacun a sa recette, ses gourous starisés ou nobélisés. Mais tout l’enjeu de la consommation tourne autour de règles simples : faut-il privilégier l’offre ou encourager la demande ?  A quels coûts pour l’économie ? Avec quels supports et à quels prix pour les bénéficiaires ? C’est l’objet de divergences entre la droite et la gauche. D’autant qu’avec la mondialisation des échanges les effets des politiques nationales sont lissés. Les recettes tentées ces dernières années ne visaient pas à rétablir les taux de marges des entreprises. Elles ont eu l’effet de pétards mouillés. Les effets d’annonces ne suffisent donc plus face à l’instabilité. Et le double langage n’instaure pas la confiance. Il bride durablement la reprise. La France fera moins de 0,9% de croissance en 2014, inutile  donc de s’attendre à un inversement de la tendance. La crise va continuer et ce type de produits ne va pas nous permettre de redevenir une grande puissance économique. Ils aident certains publics à passer la tempête qui dure. Le développement du micro-crédit et des petits crédits a été et reste donc essentiel. Ce sont de bons accompagnements ou de bons secours pour créer des activités, maintenir ponctuellement une activité ou aider les particuliers à rebondir ou à se lancer dans un projet professionnel. Mais un crédit, réduit la capacité d’endettement et doit être remboursé. Les taux de non remboursement des micros crédits distribués par les associations est de 48 à 75 % selon les secteurs. Ce sont les limites du système. Néanmoins ces micro-crédits ont contribué  à resocialiser, à développer l’économie sociale et solidaire et les des plateformes associatives et participatives. Les acteurs publics jouent aussi le jeu du soutien à l’activité économique à travers des prêts d’honneur, des prêts à la création d’entreprises, des prêts à l’installation. Compte tenu du niveau des dettes publiques est-ce à terme leur rôle ? Ne doit-on pas privilégier aujourd’hui l’allègement des charges et de la fiscalité, la simplification des procédures administratives…  

De manière globale, micros et petit crédits ont augmenté de 30% entre 2004 et 2011 (chiffres MIX Market). Comment expliquer que dans cette même période les taux d'intérêts aient augmenté de 5 points (de 30 à 35%) pour les petits prêts (moins de 120 euros) malgré la popularisation de telles méthodes ?

Rappelons que des mesures, qui ne sont pas récentes, instaurent le droit pour tous à un compte bancaire. Des établissements financiers comme La Banque Postale ou le groupe BPCE jouent le jeu du soutien aux publics défavorisés. Mais le « droit à un compte » ne signifie pas le droit à bénéficier d’un découvert ni le droit à obtenir un prêt. Attention donc au mélange des genres qui brouille le message. Le micro crédit est une réalité. Il concerne en priorité les particuliers. Il est aussi un effet de mode qui a le vent en poupe car on surfe sur des pourcentages qui impressionnent même s’ils pèsent peu sur notre économie. En réalité on a à faire à deux mondes : un secteur associatif subventionné et un secteur marchand fortement concurrentiel qui se débrouille. 30% d’augmentation des micros crédits, c’est un succès. Mais quel succès ? Cette réalité économique est faite de petits montants, de petites sommes et donc de petits volumes. L’effet de levier est surtout individuel. La réussite collective et institutionnelle est associative, effectivement mesurable et appréciable. Nous sommes avant tout dans un fait de société, qui répond à une volonté de donner du sens à la vie et à l’engagement, qui fait référence à des pratiques et des valeurs qui ont fait leurs preuves dans des pays émergents. On ne doit pas bouder cette évolution et s’en réjouir. Mais attention au mirage qui cache notre incapacité à actionner durablement les effets du retour à l’emploi pour les salariés et la distribution des petits crédits et des autorisations de découverts pour les entreprises individuelles qui doivent créer durablement de la richesse.

Les crédits un peu plus importants restent du domaine des banques universelles. Elles resteront la colonne vertébrale de notre accès au crédit. Malgré les efforts de certains réseaux bancaires, les TPE se plaignent encore d’avoir des problèmes d’accès au crédit. Depuis 2009, le baromètre CGPME KPMG montre qu’en moyenne près 30% des entreprises se voient refuser des crédits. La Banque de France ne vient-elle pas de lancer un nouvel outil pour mesurer précisément le financement des artisans et commerçants. Il manquait. D’autre part, les entrepreneurs n’ont pas accès aux micros crédits même pour des petites sommes de 2 000 € à 5 000 €… L’évolution réglementaire et le développement du crowdfunding ou financement participatif peut être une solution d’aide pour les entreprises qui ont besoin de petits crédits. Trop d’entrepreneurs, dans des situations conjoncturelles fragiles, se voient encore opposer des conditions de garanties supplémentaires ou des taux d’intérêts élevés. C’est ce qui explique le recours à l’autofinancement, l’autocensure et la faiblesse des investissements des très petites entreprises.

Ce type de prêt peut-il être repensé afin d'être plus efficace, plus sûr, à l'avenir ?

Ces prêts, de nature associatifs, sont aujourd’hui essentiels dans le cadre du soutien de la nation aux plus faibles et dans le cadre de la redistribution des systèmes de financement par la désintermédiation bancaire. Notamment concernant les publics en difficultés. Ils favorisent l’insertion par l’activité économique et participent à revaloriser les « petits boulots ». Ils créent des embryons de vie économique. Mais les organismes qui bénéficient de fonds publics doivent être transparents dans leur gestion comme dans leur gouvernance. C’est pourquoi il faut rendre hommage au travail réalisé, sur le terrain et depuis des années, par l’ADIE et par d’autres associations. Cependant de telles initiatives n’ont qu’un champ d’intervention limité. Il faut également être transparent sur les taux de remboursements effectifs quand les fonds sont d’origine publique. Ces succès relatifs ne doivent pas cacher les besoins des ménages. La majorité des petits crédits à la consommation se fait par des organismes de prêts spécialisés, filiales des grandes banques, pour l’achat de biens de produits manufacturés importés, ou avec des crédits automatiquement renouvelables à partir des méthodes de marketing éprouvées et hyper médiatisées. Certains TEG et frais afférents qui dépassent l’entendement. Il faut alerter les consommateurs, particuliers ou petits entrepreneurs pour ne pas tomber dans un surendettement récurrent. De telles pratiques doivent être encadrées, les abus condamnés. Il s’agit d’un problème éthique. Mais, face au refus des établissements financiers, ceux qui bénéficient de ces « facilités » ont-ils d’autre choix que de payer chèrement le risque de leur faible solvabilité ?C’est cette disparité dans l’accès au crédit et dans les montants des taux d’intérêts qu’il faut corriger. Surtout quand l’objet du crédit est la défense d’une activité entrepreneuriale ou l’achat d’un outil pour l’exercer. Des médiateurs existent mais ils n’ont pas de pouvoir de sanctions. On peut regretter que des entrepreneurs soient contraints de faire appel à ce type de crédits personnels pour injecter dans leur activité les 3 000 € que leur refuse leur banquier de proximité et ou qui n’intéresse pas le secteur associatif. Nous attendons donc beaucoup du développement du financement participatif ou crowdfunding pour corriger ces anomalies qui, avec la crise qui dure, sont des injustices.

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