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Les scientifiques découvrent une raison effrayante supplémentaire de redouter l’impact de la pollution sur notre santé
©FRED DUFOUR / AFP

Nouveau danger

Une étude publiée dans le magazine The Lancet Planetary Health a mis en évidence le lien possible entre la pollution de l'air et l'apparition du diabète de type 2.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Une grande étude publiée dans le magazine The Lancet Planetary Health sur le diabète et menée auprès d'un échantillon de 1,7 millions d'américains sur une durée moyenne de 8,5 ans a mis en évidence le lien possible entre la pollution de l'air et l'apparition du diabète de type 2. Selon l'étude et les données récoltées auprès de l'EPA et de la NASA, rien qu'en 2016, la pollution de l'air serait responsable de l'apparition de 14 % des cas de diabète. Comment expliquer cette corrélation entre cette maladie et la pollution de l'air ?

Stéphane Gayet : La pollution de l'air est une nébuleuse complexe.La pollution atmosphérique est la présence dans l'air extérieur d'un mélange de gaz nocifs, de particules délétères (nuisibles à la santé) et de brouillards (phase liquide) également néfastes. Les particules (phases solide et liquide) se trouvent en suspension plus ou moins durable et finissent par sédimenter. Les gaz polluants sont nombreux : les plus nocifs sont le monoxyde de carbone (CO), l’ozone (O3), le dioxyde d’azote (NO2) et le dioxyde de soufre (SO2). Les particules sont des éléments microscopiques, ayant un diamètre de l'ordre du micromètre (ou micron : un millième de millimètre), solides ou liquides, en suspension dans l’air. On les désigne en anglais par l'expression particulate matter (PM : matières particulaires). On distingue trois tailles de PM : les PM1, particules ultrafines (diamètre moyen ou DM inférieur ou égal au micron) ; les PM2,5, particules fines (DM inférieur ou égal à 2,5 microns) ; les PM10, également appelées particules fines (DM inférieur ou égal à 10 microns). La durée de persistance dans l'air de ces particules varie de quelques jours pour les PM10 et les PM2,5, à quelques semaines pour les PM1. Cette pollution de l’air a des effets néfastes sur la santé même à des concentrations assez faibles. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère qu'elle est en cause dans au moins deux millions de décès prématurés par an dans le Monde. Cette pollution, d'une part favorise la survenue de certaines maladies, d'autre part aggrave des maladies en cours. Lors des pics de pollution, il survient une augmentation significative du nombre d'hospitalisations pour affection cardiaque ou pulmonaire. Mais on a aussi montré une répercussion sur la grossesse avec un risque plus élevé de faible poids.

Concernant le rôle de la pollution de l'air sur l'apparition du diabète de type 2, il a longtemps été essentiellement question d'effets délétères de la pollution de l'air sur l'appareil respiratoire, sur l'appareil cardio-vasculaire et sur la grossesse. Mais comment expliquer son impact sur le diabète de type 2 ? Les polluants en cause semblent être le dioxyde d'azote (NO2), les particules fines PM2,5 et probablement aussi l'ozone (O3). Ces trois types de polluant agissent bien sûr différemment, mais, s'agissant d'une pollution aérienne, la porte d'entrée des différents éléments (délétères ou non) est de toute façon constituée par les poumons. Certes, les cellules des alvéoles pulmonaires (les pneumocytes) et la membrane alvéolo-capillaire exercent un rôle filtrant sur les éléments indésirables qui parviennent jusqu'aux alvéoles, mais cette filtration est souvent dépassée. L'agression alvéolaire exercée par ces polluants conduirait à la production de dérivés réactifs toxiques, libérés ensuite dans la circulation sanguine systémique (générale). Ces dérivés réactifs toxiques (radicaux libres…) diffuseraient dans le corps entier et se comporteraient comme des médiateurs chimiques à l'origine de ce qu'il est convenu d'appeler un "stress cellulaire oxydant". Il en résulterait une inflammation des tissus les plus sensibles. L'atteinte des muscles dits squelettiques (muscles rouges striés : les muscles de notre tronc et de nos membres) serait à l'origine d'une diminution de l'entrée du glucose dans leurs cellules (phénomène dit "d'insulinorésistance"). Or, le muscle squelettique est le principal tissu utilisant le glucose en réponse à l’insuline : on considère que l’apparition d’une insulinorésistance musculaire est un facteur clef dans le processus pathologique conduisant au développement du diabète de type 2. Force est d'admettre que cette expression de "stress cellulaire oxydant" est une sorte de bouteille à l'encre : ce processus ubiquitaire, permanent et insidieux est évoqué pour expliquer beaucoup de troubles biologiques. Il semble bien être un phénomène biologique de société, rançon de notre développement industriel. Nous n'en avons pas fini avec lui, en attendant de mettre en lumière un autre processus cellulaire pathologique.

Cette étude pourrait-elle permettre d'expliquer au moins en partie l'augmentation des cas de diabète dans le monde sachant que près de 400 millions de personnes sur terre en sont déjà atteintes ?

L'étude citée en référence estime qu'un cas de diabète de type 2 sur sept pourrait être attribué en grande partie à la pollution aérienne. En réalité, toute estimation de ce type est très contestable. Une chose est certaine, c'est que le diabète de type 2 – anciennement appelé diabète "gras" ou diabète "de la maturité" – est une maladie multifactorielle de civilisation. La physio pathogénie (le mécanisme biologique explicatif) de cette pathologie est un condensé intégrateur de plusieurs dérives de notre civilisation industrielle : excès de nourriture, nourriture trop sucrée et trop grasse, insuffisance d'activité physique et pollution aérienne essentiellement due aux combustions (moteurs dits thermiques et usines). C'est donc encore un peu plus d'eau apportée au moulin des écologistes.

Quelle que soit la part exacte de responsabilité de la pollution aérienne dans l'augmentation de l'incidence (nombre de nouveaux cas par an) du diabète de type 2, c'est une confirmation de plus que cette maladie est une maladie de civilisation. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) emploie même l'expression d'épidémie mondiale de diabète de type 2. Mais il ne faut pas oublier la composante génétique de ce diabète qui s'ajoute aux composantes acquises. Cette étude citée en référence, qui est puissante, a l'intérêt de mettre en évidence la responsabilité de la pollution aérienne. Les habitants des énormes métropoles extrêmement polluées (pas en France : Inde, Chine…) ont vraiment du souci à se faire.

Comment expliquer selon vous que cette corrélation n'ait pas été faite avant ?

En réalité, cette corrélation a déjà été montrée auparavant. Mais il s'agissait d'études moins puissantes, dont les effectifs étaient plus réduits. Plusieurs résultats d'études ont en effet été publiés depuis une petite dizaine d'années sur le sujet (études notamment européennes : françaises et allemandes, entre autres). Certaines portent plus spécialement sur les particules, d'autres sur les oxydes (ozone, dioxyde d'azote). Le mécanisme évoqué est toujours celui du stress oxydant qui provoque une inflammation des muscles, à l'origine d'une résistance à l'insuline. L'inflammation des cellules pancréatiques qui secrètent l'insuline est également évoquée : elle pourrait contribuer à expliquer la diminution de production d'insuline constatée dans le diabète de type 2. Il faut insister sur le caractère complexe, laborieux, long et coûteux de ces études qui ciblent des micropolluants agissant à très faibles concentrations et pendant de longues périodes de vie. C'est très symptomatique de la tendance actuelle des phénomènes de pollution : ils sont de plus en plus imperceptibles, insidieux et difficiles à étudier. Cette tendance tend à s'amplifier au fur et à mesure de l'instauration de réglementations avec leurs valeurs limites à ne pas dépasser, car la biologie ne connaît pratiquement pas le phénomène de seuil face à des substances assurément toxiques.

Très inquiétante également cette étude allemande qui cette fois fait le lien entre la pollution aérienne et le diabète de type 1 (diabète anciennement appelé diabète "juvénile" ou "insulino-dépendant"). Cette étude porte sur 671 enfants atteints d’un diabète de type 1 : elle révèle que la maladie survient bien plus tôt dans les zones dont l’air est le plus pollué. Mais, à la différence de l'étude citée en objet concernant le diabète de type 2, c'est pour les particules fines PM10 que l’association est la plus nette. Les 10 % d’enfants exposés à l’air le plus pollué ont vu leur diabète survenir en moyenne vers l’âge de 1 an et 11 mois, contre 4 ans et 8 mois en moyenne chez ceux qui vivent dans les zones les moins polluées. Un même phénomène est constaté avec le dioxyde d’azote (NO2) et moins nettement avec les particules fines PM2,5. Etant donné que le diabète de type 1 est une maladie dite auto-immune, on pense que la pollution aérienne pourrait favoriser certaines infections respiratoires virales, elles-mêmes éléments déclenchants de la destruction auto-immune des cellules pancréatiques productrices de l'insuline. Car d'autres études précédentes ont montré une corrélation entre les infections respiratoires virales et la survenue du diabète de type 1 chez l'enfant.

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