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Les riches sont-ils rentables pour la société ?
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Le richissime homme d'affaires Edward Conard vient de publier un livre dans lequel il défend l'idée selon laquelle une grande inégalité entre les riches et les pauvres encouragerait l'économie. Ainsi, les riches seraient donc les meilleurs amis des pauvres.

Bertrand  Jacquillat

Bertrand Jacquillat

Bertrand Jacquillat est économiste spécialiste de l'économie financière, de finance d'entreprise, de micro gestion des entreprises et des marchés financiers. Il a notamment enseigné à UC Berkeley, à la Graduate Business School de Stanford, la Hoover Institution, HEC Paris, l'Université de Lille et l'Université Paris Dauphine.

Il a écrit de nombreux livres traitant de ces sujets de prédilection dont « Marchés financiers, gestion de portefeuilles et des risques », Dunod, 5ème édition, 2009

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Atlantico : Dans son livre "Unintended consequences", conséquences imprévues, le richissime homme d’affaires américain Edward Conard développe l’idée que, contrairement aux idées reçues, les hyper riches sont bons pour la société plutôt qu'ils ne la vampirisent. De quelle manière, par quels canaux, cette concentration des richesses profite-t-elle à l’ensemble de la société ?

Bertrand Jacquillat : Le fait que les riches concentrent la richesse n’est pas opposé au fait qu’ils en génèrent également. Quelqu’un de pauvre ne peut pas rayonner autour de lui alors qu’un riche génère tout un écosystème financier autour de lui. C’est donc par le biais de ces écosystèmes que les riches génèrent de la richesse. Ceux qui partent maintenant à l’étranger pour des raisons fiscales entretenaient autrefois l’immobilier, le patrimoine, des gens pour les aider, de l’immobilier en campagnes mais aussi des corps de métier entiers. Il tombe sous le sens que plus votre budget est large et plus vous dépensez d’argent. Il me semble pour autant très complexe d'établir un chiffre réel de ce transfert de richesse ou de cette proportionnalité de gain, je n’ai d'ailleurs aucune étude pour confirmer le chiffre de monsieur Conard qui prétend qu’un dollars gagné par un riche équivaut à vingt de gagnés pour la société car les hyper riches sont loin de dépenser la totalité de leurs revenus dans des produits de consommation. Il est cependant certain que ces derniers investissent, placent cet argent et le réinjectent donc de manière indirecte dans l’économie du pays où ils se trouvent. Il y a donc un écosystème de consommation mais aussi un écosystème d’épargne et de financement.

Ce résultat est-il le même en fonction du type de très hauts revenus dont on parle?

Il est certain que l’entrainement des riches vis-à-vis de leur entourage est le plus fort du côté des entrepreneurs. Ils n’ont pas hérité de richesses comme les familles royales, ils la créent et cela entraîne donc une dynamique économique beaucoup plus forte autour d’eux. Les héritiers ne sont pas pour autant des accumulateurs de richesses immobilisées car s’ils sont taxés à 100% ils s’en vont et cela n’ajoutera pas de richesses à ceux qui n’en ont pas et qui devront donc en créer.

Selon Edward Conard, plus l'écart entre riches et pauvres est important et plus cela profite à l'économie. Que faut-il en penser ?

Il y a là deux réponses. D’une part, la solidarité sociétale fait que s’il y a trop de différences de revenus entre les uns et les autres, cela démoralise l’ensemble de la société et c’est préjudiciable pour l‘économie. D’autre part, le creusement de l’écart entre les pauvres et les riches n’est pas forcément dû à une plus grande inégalité sociale mais simplement à la modernité et ce qu’elle a apporté aux marchés. Prenons deux grands ténors comme Pavarotti et Caruso. Le premier est devenu extrêmement riche grâce au stockage de la musique sur les CDs et la possibilité de la diffusion de son art à travers le monde. A l’inverse, à l’époque de Caruso il fallait sept jours de bateau pour aller se produire à New York. Il est donc évident qu’il ne pouvait pas amasser autant de richesses que son homologue qui a gagné cinquante ou soixante fois plus d’argent quelques dizaines d’années plus tard. Puisque les hyper riches font, comme je le disais précédemment, travailler tout un réseau de gens à moyens ou faibles revenus autour d’eux, il est certain que plus ils sont riches et plus cela est profitable pour l’économie. Et encore une fois, cela ne veut pas nécessairement dire que les autres sont moins riches.

L’inégalité des salaires est-elle un facteur de motivation professionnelle et entrepreneuriale ? 

Il est certain que si au sein d’une entreprise chacun reçoit un salaire égal, il y aura probablement une disparition presque totale de la motivation des employés. De la même manière, et bien qu’ils aient d’autres motivations à créer des entreprises que l’argent, cela reste un très important facteur de volonté pour les entrepreneurs qui se lancent dans la grande aventure de la création d'une entreprise. Surtout quand on passe quatre-vingts ou quatre-vingts dix heures par semaine à travailler à ce que celle-ci fonctionne et soit rentable. L’inégalité de revenus dont découle la volonté de gagner plus d’argent est donc clairement un moteur de dynamisme économique. Sans inégalité économique, on créé une société atone comme celle qu’était parvenu à mettre en place le régime soviétique car le nivellement et la normalisation éteigne la volonté et le dynamisme. Malgré tout, cette inégalité, bien que productive en étant large, ne doit pas atteindre le palier auquel elle commence à démoraliser la population et l’économie. 

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