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Les racines inquiétantes du coup de frais sur la croissance
©JOEL SAGET / AFP

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Avec 0,2% de croissance du PIB au second semestre de l'année 2018, l'embellie de 2017 est terminée. En cause ? Une baisse significative de la consommation.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Bien sûr, ce frais n’est pas celui du climat ! C’est plutôt celui de l’économie française, avec le ralentissement de croissance qui semble s’installer, après l’embellie de fin 2017. 2017, ce fut en effet 2,3% de croissance, avec 0,7% aux troisième et quatrième trimestres 2017. 2018, c’est 0,2% de croissance, aux premier et maintenant au deuxième trimestre. C’est donc une nette rupture de rythme, liée à la consommation des ménages et au commerce extérieur, tous deux en panne. Pour 2018 désormais, ce n’est plus la peine de rêver à 1,8% (Matignon et Bercy), mais à 1,7% au mieux – prévision de l’Insee (en attendant 1,7% en 2019, puis 1,6% en 2020 toujours selon l’Insee). Disons entre 1,5 et 1,6%, pour la France cette année. Techniquement, « l’acquis de croissance » calculé par l’Insee, autrement dit si la croissance s’arrête, est de 1,3%. Ce sera donc mieux !

Inutile de trop parler politique pour expliquer ce ralentissement, cela viendra par la suite. La baisse de la consommation de 0,1% au deuxième trimestre suffit, pour l’essentiel. Avec la hausse de la CSG pour les retraités en début d’année, qui avait abaissé le revenu et pesé sur le moral, vient en effet la baisse de l’alimentaire : les dépenses en biens alimentaires baissent de −1,3 % au deuxième trimestre, après −0,3 % au premier. S’ajoute la hausse du prix de l’essence. Bien sûr, les grèves de la SNCF ont pesé, avec un net repli des dépenses de transport (−3,2 % après +1,0 %), principalement dans le ferroviaire bien sûr. A leur tour, ces interrogations et ces blocages dans les transports ont pesé sur l’investissement en logement qui baisse de 0,1% après +0.2% en d’année, même si les taux d’intérêt ont continué de décliner. On peut donc dire que l’effet CSG des retraites continue surtout de jouer, plus le ralentissement environnant, plus la géopolitique, plus les tensions internes – dans cet ordre.

Le problème préoccupant concerne le commerce extérieur. Les importations augmentent nettement en effet au deuxième trimestre 2018 (+1,7 %), après −0,3 % au premier trimestre. Les exportations rebondissent également, mais dans une moindre mesure (+0,6 % après −0,4 %). Au total, les échanges extérieurs contribuent négativement à la croissance : −0,3 point, après une contribution nulle au trimestre précédent. La seule bonne nouvelle est l’accélération de l’investissement des entreprises : +1,1 % après +0,1 %. Cette accélération est principalement liée au rebond de l’investissement en biens manufacturés (+1,2 % après −1,1 %).

La suite de l’année n’est évidemment pas écrite. L’emploi n’est pas bien orienté, avec une hausse de 0,2% du taux de chômage au sens du BIT au premier trimestre et de 0,2% pour Pôle emploi au deuxième, soit un peu moins de 5 000 personnes, à 3,441 millions.  Le moral n’est pas nécessairement bien orienté non plus, avec les « affaires » et les grèves. Mais les enquêtes auprès des entreprises continuent à mettre l’accent sur la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, en particulier pour les PME à l’export. 

Ce qui mérite l’attention est l’enquête Markit publiée le 24 juillet où Alex Gill, Economist à IHS Markit, commente les derniers chiffres de l’enquête pour la France : « La croissance du secteur privé français s’est poursuivie à un rythme soutenu en juillet. En repli par rapport au mois dernier, elle affiche toutefois un taux nettement inférieur à ceux enregistrés en début d’année ». L’industrie semble en effet décélérer. Plus inquiétant, « les fabricants signalent notamment la première baisse de leurs nouvelles commandes à l’export depuis vingt-deux mois, les tensions pesant sur les échanges internationaux entraînant un recul de la demande en provenance des marchés étrangers ». 

Pour la fin de l’année, on peut attendre des mesures fiscales favorables : baisse de la taxe d'habitation et des taux de cotisation salariale, pour soutenir la consommation. Mais on ne peut oublier le moral qui est atteint, sachant que le FMI demande des précisions sur la stratégie française de diminution du déficit public.

L’interrogation majeure concerne le commerce extérieur, si l’Allemagne est atteinte avec les mesures envisagées par Donald Trump même si elles sont, pour l’heure, arrêtées. Nous ne sommes donc pas dans une dynamique très favorable en France et en zone euro, même si Mario Draghi demeure optimiste. Rien de comparable avec les États-Unis, où le PIB a augmenté de 1% au deuxième trimestre (4,1% en rythme annualisé). C’est l’investissement qui joue là-bas, devant pousser la croissance à 3%, sachant que l’inflation grimpe aussi, forçant la Fed à monter ses taux, et à soutenir ainsi le dollar. Donald Trump ne sera pas comptant des hausses de taux d’intérêt à venir, mais il a salué celle du PIB : cinq fois la nôtre ! Les planètes ne sont plus alignées.

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