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Les prêts garantis aux entreprises alourdissent leur endettement alors que beaucoup n’en ont pas besoin…
©Reuters

Atlantico Business

110 milliards d’euros de prêts garantis par l’État ont été distribués par les banques depuis que la mesure a été mise en place en mars. Mais le dispositif entraîne un gonflement de la dette des entreprises françaises, qui étaient déjà plus endettées que leurs consœurs européennes.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Pendant la crise sanitaire, si l’État a fait ce qu’il fallait pour les ménages en leur garantissant un revenu malgré le manque d’activité et le confinement, les entreprises qui ont été aidées aussi, l’ont beaucoup été sous forme de prêts. Un prêt signifie donc qu’elles devront rembourser l’argent qui leur a été prêté (par les banques, dans le cas des prêts garantis par l’Etat). La garantie de l'État protège les banques en cas de difficultés des entreprises.  Le système est surtout destiné à sauvegarder la crédibilité du système bancaire.

Une enveloppe de 300 milliards d’euros garantis par l’État était donc mise à disposition des entreprises, de laquelle ont été distribués plus du tiers, 110 milliards d’euros à près de 500 000 entreprises. Avec une question aujourd’hui, en favorisant la dette, a-t-on fragilisé les entreprises françaises, déjà structurellement en manque de fonds propres ?

L’endettement des entreprises françaises est habituellement plus élevé que les autres pays européens et particulièrement dans les TPE-PME. Il n’a fait qu’augmenter depuis 2008 où il était déjà à 53% du PIB, selon des chiffres de la Banque de France.

Fin 2019 et donc avant-crise, l’endettement était déjà à son plus haut niveau avec un total de dettes des entreprises françaises représentant 73,5 % du PIB français, contre 63,7 % en Italie, 61,1 % en Espagne et même 41,5 % en Allemagne. Les 75% seront facilement dépassés en fin d’année, ce qui représente 2000 milliards d’euros d’encours de dettes.

Ce sont justement ces chiffres de dettes déjà élevés qui ont conduit des banques à refuser des prêts, même garantis par l’État, ces dernières semaines, par crainte d’insolvabilité, même si le risque crédit était limité de leur côté (de 70 à 90% du prêt garanti par l’État).

Quant à celles à qui le prêt a été accordé, il ne peut être qu’une solution de court terme et de financement de trésorerie, généralement pour payer des charges ou des salaires, voire disposer d’un matelas de cash, mais sûrement pas pour faire repartir un business model avec des investissements.

En clair, il ne peut pas aider à sortir du trou une entreprise qui allait déjà mal, et il peut fragiliser d’autres qui se retrouvent davantage endettées, les exposant davantage à l’insolvabilité.

Pour surmonter le fardeau de la dette et faire baisser le ratio endettement/capital, il y a deux solutions.  Soit on baisse le numérateur en remboursant des dettes (difficile en temps de crise). Soit on renforce le capital de l’entreprise, c’est-à-dire les fonds propres, apportés par les actionnaires.

La solution à la réindustrialisation du pays et à la relance de l’activité des entreprises de manière durable passerait donc par un meilleur accès aux fonds propres pour les entreprises cotées et non cotées, ce qui leur permet d’investir ensuite dans des projets long terme. Évidemment, ce n’est possible que si on rémunère l’argent qui est mis dans ces fonds propres, ce qui passe par le versement de dividendes à des taux de distribution normal, et non leur limitation. Tout ce qui limitera les dividendes limitera à long terme les fonds propres des entreprises.

Pendant les semaines de confinement et en prévision de la crise sociale, les ménages ont massivement épargné, portant le montant d'épargne supplémentaire en 2020 à 75 milliards, d’euros, et le chiffre pourrait même s'élever à près de 100 milliards d'euros d’ici la fin de l’année si la tendance persiste.

Ce qui est surprenant dans la situation actuelle et même paradoxal, c’est qu’il existe beaucoup d’argent disponible mais l’économie ne redémarre pas bien.

Pendant le confinement, on a mis tous le système sous perfusion. L’Etat a garanti le versement des salaires (avec l’allocation chômage partiel) et l’Etat a même garanti les banques pour qu’elles prêtent de l’argent aux entreprises.

Après la levée du confinement, l’État ou les services sociaux continuent de surveiller la casse sociale, en faisant tout pour limiter les licenciements massifs et les banques continuent la distribution des PGE.

Ce système ne fonctionne que parce que le gouvernement a cassé le plafond de verre du déficit budgétaire et s’endette massivement. Ce système ne fonctionne que parce qu’il y a une banque centrale qui distribue des masses de liquidités aux banques commerciale pour qu‘elles puissent répéter aux entreprises et à l’Etat. Tous les pays du monde jouent au même jeu mais reconnaissons que la France fait bien les choses.

Le paradoxe est qu’une telle thérapie ne produit que très peu d’effets. Le consommateur est bourré d’épargne de précaution qu’il n’utilise pas. Les entreprises se bourrent de dettes qu’elles n’utilisent pas. Résultat, si le consommateur ne consomme pas et si l'entreprise n’investit pas, l’économie tourne au ralenti.

Le seul facteur capable de tout faire repartir serait le retour de la confiance et la confiance ne sera rétablie que si et seulement si le virus venait à disparaître complètement ou si un vaccin mettait la population à l'abri de cette menace.

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