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Les PME prestataires sempiternelles victimes de la loi du plus fort
©Reuters

Pression inacceptable

Dans un contexte économique très instable, les fournisseurs sont aux abois. Les abus se multiplient sans que les prestataires ne puissent agir, risquant de perdre leurs précieux contrats.

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon est présidente du Mouvement ETHIC (Entreprises de taille Humaine Indépendantes et de Croissance) et chef d’entreprise (SDME).

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Les entrepreneurs à la tête d’entreprises de toutes tailles et de tous secteurs s’alarment des conditions actuelles d’attribution ou de renouvellement des contrats de sous-traitance. On entretient à plaisir un catastrophisme qui s’autoalimente et c’est tout un état d’esprit qui malheureusement fait boule de neige en ancrant dans les esprits des "grands et petits chefs" qu’il faut serrer les boulons. Toutes les économies étant bonnes à prendre, ce serait une bonne gestion que de mettre, entre autres, une pression inégalée sur les fournisseurs ! "C’est la crise" ! Le climat ambiant l’accentue, encouragé par une complexité toujours croissante, une instabilité fiscale… installée et justifiant la défiance et la dureté de directeurs d’achat et des donneurs d’ordre, transformés sans vergogne, en intendants avaricieux et impitoyables : "il faut baisser les coûts". Dans la peur de perdre un client, le fournisseur se voyant sommé de baisser sa prestation de 30% n’hésite pas longtemps surtout si ses factures ne sont pas réglées.

La première variable d’ajustement reste, et on le regrette la masse salariale (multiplication des CDD et pas de recrutements par peur d’alourdir les charges fixes), la deuxième variable est celle des fournisseurs qui coûtent toujours trop chers… et qu’on peut étrangler à loisir. Or, les entreprises de France sont toutes à 90% fournisseurs de quelqu’un que ce soit sur le plan industriel, comptable, marketing, communication, matières premières, etc. Ambiance !

Depuis quelques semaines les médias alertés se sont emparés de la réelle détresse de "salariés" directs et indirects de certaines grosses entreprises. Des "reprises en mains" drastiques sont souvent liées aux changements de PDG qui croient que diriger d’une main de fer c’est oublier le gant de velours, encouragés par des exécutants zélés forts de leur pouvoir.

Le Mouvement ETHIC tire le signal d’alarme sur cette cascade de mises sous pression des fournisseurs. Chantage, rétention de factures : tout est bon ! L’éthique en la matière connait une véritable régression. On constate qu’au lieu d’une forme de solidarité économique se développe de "mauvaises manières" sous couvert de gains de rentabilité. Vive la RSE dont les rapports se multiplient sur papier glacé !

A quel moment "la liberté du commerce", une liberté contractuelle qui conduit des partenaires économiques à choisir librement les conditions de poursuite de leur contrat devient elle abusive ?  C’est la question qu’il convient de se poser d’urgence. Qu’à la date anniversaire d’un contrat entre un donneur d’ordres et un sous-traitant, on puisse demander au prestataire de réduire le montant de ses prestations, cela fait partie de la prise de risque entrepreneuriale. En revanche, sommes-nous dans la même situation lorsque durant de longs mois, un donneur d’ordres ne paie plus ses factures ? S’agit-il de liberté de commercer que de convoquer le sous-traitant en dehors des dates anniversaires de son contrat, pour exiger de lui de réduction de 10, 20, 30% du montant de ses prestations en le menaçant de ne jamais payer ses arriérés de factures ? (il convient de bien rappeler que les administrations et les entreprises publiques sont loin d’être en reste).

L’Etat de droit, dans les relations économiques, c’est le respect du contrat gagnant-gagnant.  Il n’y aucun motif pour laisser place à des abus dans des relations économiques contractuelles, aussi ne serait-il peut-être pas incongru que l’Autorité de la Concurrence puisse intervenir comme gendarme de la bonne exécution du contrat ? Les dispositions prévues par le Code du Commerce à priori ne le lui permettent pas, même lorsque des situations d’une extrême violence sont portées à sa connaissance. Sachant, répétons-le, que les prestataires-victimes ne peuvent bien entendu pas dénoncer ces pratiques devant les tribunaux de commerce traditionnels puisqu’il leur en coûterait la perte immédiate de leur contrat.

Le « bon libéralisme », c’est la volonté de voir l’activité économique régulée par le respect des règles conventionnelles fondées sur le libre consentement des parties et non par la loi du plus fort.

Ces mauvaises pratiques qui s’amplifient sont aussi catastrophiques en terme d’image : alimentant les idéologies anticapitalistes des politiques, les médias renchérissant sur les « patrons salauds » et généralisant à plaisir, et l’opinion de se conforter sur le fait que le monde de l’entreprise c’est Dallas… C’est au « patronat » aussi, de faire pression pour que l’autorégulation s’exerce. Quant aux « grands Groupes » qui se comportent mal, que leurs pairs réagissent, (les mêmes siègent à tous les conseils d’administration) qu’ils aient la dignité et le sens moral nécessaires pour endiguer un manque d’éthique digne du Far-West.

Comment résoudre ce problème qui devient une véritable urgence? Le défi est lancé.                                                                                      

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