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Les nombreux défis qui nous attendent sur la route de la (re)construction d’un islam de France
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Mise en chantier

Créer une "instance de dialogue" pour discuter de questions très concrètes chères aux Français musulmans : c'est ce qu'a proposé Bernard Cazeneuve mercredi 25 février. Une volonté manifeste de réformer la représentation de l’islam de France, qui nécessitera de profonds efforts de la part de l'Etat et des musulmans. Mais également, de réparer les erreurs commises par le passé, dans lesquelles le CFCM, notamment, porte une grande responsabilité.

Haoues Seniguer

Haoues Seniguer

Haoues Seniguer est maître de conférences en science politique à l'Institut d'Études Politiques de Lyon (IEP)

Il est aussi chercheur au Triangle, UMR 5206, Action, Discours, Pensée politique et économique à Lyon et chercheur associé à l'Observatoire des Radicalismes et des Conflits Religieux en Afrique (ORCRA), Centre d'Études des Religions (CER), UFR des Civilisations,Religions, Arts et Communication (CRAC), Université Gaston-Berger, Saint-Louis du Sénégal.

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Philippe d'Iribarne

Philippe d'Iribarne

Directeur de recherche au CNRS, économiste et anthropologue, Philippe d'Iribarne est l'auteur de nombreux ouvrages touchant aux défis contemporains liés à la mondialisation et à la modernité (multiculturalisme, diversité du monde, immigration, etc.). Il a notamment écrit Islamophobie, intoxication idéologique (2019, Albin Michel) et Le grand déclassement (2022, Albin Michel) ou L'islam devant la démocratie (Gallimard, 2013).

 

D'autres ouvrages publiés : La logique de l'honneur et L'étrangeté française sont devenus des classiques. Philippe d'Iribarne a publié avec Bernard Bourdin La nation : Une ressource d'avenir chez Artège éditions (2022).

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  • Le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve a lancé mercredi 25 février, en conseil des ministres, la réforme du culte musulman. Il souhaite créer une "instance de dialogue" qui, à l’instar de ce qui existe pour les catholiques, se réunira deux fois par an pour discuter de questions très concrètes chères aux Français musulmans.

  • Selon le ministre, cette instance n'a pas vocation à remplacer le Conseil français du culte musulman (CFCM), représentant officiel de l'islam en France. Or la légitimé du CFCM est remise en cause par une série d'erreurs qui ont présidé à sa création, mais aussi par son relatif silence post-Charlie.

  • La communauté musulmane française reste très fragmentée aujourd'hui en une myriade d'associations et de fédérations. Dans ce contexte, il leur est difficile de parler d'une voix forte et unie.

  • Une cohabitation sereine entre l'islam, la laïcité et les autres cultes ne pourra intervenir qu'avec l'effort de la communauté musulmane pour faire émerger un "islam de France" adapté à notre réalité.

Atlantico : Au lendemain des attentats de Paris, début janvier, certains commentateurs ont critiqué le fait que les musulmans de France ont eu du mal à se faire entendre d'une voix forte et unie. D'ailleurs, celle du Conseil français du culte musulman (CFCM), leur représentant officiel, n'a pas vraiment porté. Le CFCM souffre-t-il d'un déficit de légitimité auprès de ceux dont il censé être la voix ? Pour quelles raisons ?

Haoues Seniguer : Votre interrogation comporte en réalité plusieurs questions qu’il faut prendre le temps de traiter spécifiquement et en relation les unes avec les autres. Concernant la première partie de la question, à savoir, je cite, "que les musulmans de France ont eu du mal à se faire entendre d’une voix forte et unie" à l’occasion des attentats de janvier dernier, on pourrait également vous rétorquer qu’une majorité de Français, quelles que soient leurs appartenances (philosophiques, politiques, religieuses), n’a pas manifesté dans la rue son opposition ferme et absolue aux tragiques assassinats des 7 et 9 janvier 2015. Pour autant, il y a fort à parier que cette même majorité était frappée d’effroi, et le mot n’est sans doute pas assez fort, face à l’indicible violence déployée par des Français se revendiquant d’une certaine conception de l’islam ! Ensuite, dès le 7 janvier 2015, le CFCM, par la voix de son président, a condamné "avec la plus grande détermination l’attaque terroriste d’une exceptionnelle violence commise contre le journal Charlie Hebdo (…)". La déclaration, in extenso, est du reste disponible sur le site officiel de l’instance de l’islam de France. À présent, sur le troisième volet de votre question, il est aisé de dire que le CFCM, incontestablement, souffre "d’un déficit de légitimité" congénitale, qui n’a fait que s’aggraver depuis sa naissance en 2003. Si je puis me permettre, à l’époque, le ver était déjà dans le fruit, dans la mesure où l’instance est perçue depuis lors, à tort ou à raison, comme prise en tenaille constante entre les ambassades et consulats étrangers des pays d’origine, du Maghreb essentiellement, d’un côté, et de l’autre par les pouvoirs publics français, les représentants de l’État notamment, qui ont fortement contribué à son érection en 2003. Enfin, le CFCM est vu comme un outil politique desservant les intérêts vitaux des musulmans de France. 

Philippe d’Iribarne : Le CFCM relève d’une initiative ministérielle, qui n’a pas été portée par les musulmans. Il s'occupe surtout de questions rituelles, et ne s’empare pas des questions théologiques. Ce n’est pas son rôle, d’ailleurs. Il me paraît compliqué d’y intégrer tous les courants, ce serait bien plus compliqué que de réintégrer les Lefebvristes dans l’Eglise catholique.

Ghaleb Bencheikh : Malheureusement, c'est à une véritable démission de l’esprit que nous avons assisté. Le CFCM paye le prix de sa désertion du terrain. A ma connaissance, aucun colloque ou conférence d’envergure n’a eu lieu pour dénoncer les thèses radicales qui se sont développées chez nous ces dernières années. De même, je n’ai jamais entendu dire que des imams avaient été délégués dans les quartiers à problèmes. Aucun travail n’a été mené sur la liberté de conscience et d’expression non plus. Or, dans cette funeste affaire des caricatures il aurait fallu faire passer trois idées auprès des musulmans français susceptibles de céder à la radicalisation :

  • Si vous pensez que l’honneur de votre prophète est bafoué, sachez que lui-même en 619 à Taif, lorsqu'il était battu à coups de mâchoire d’ânes, que sa propre mâchoire était fracassée, que son visage était ensanglanté, qu’il était lapidé à coups de pierres, il ne disait rien d’autre que "Mon Dieu, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font", reprenant les paroles de Jésus connaissant la passion. Si vous voulez suivre son modèle, soyez-donc magnanimes. Il est une miséricorde pour les univers, enseigne le Coran…
  • Si, vous vous sentez offensés, adressez-vous aux tribunaux. Ce n’est pas la manière qui correspond le mieux à l’idée de pardon que je viens d’exposer, mais c’est tout de même une façon civilisée de procéder. C’est ce que le CFCM avait fait contre les caricatures de Charlie Hebdo, et il a été débouté.
  • Soyez pétris de culture et de connaissance. La Divine Comédie de Dante, qui est bien plus dure que les caricatures de Charlie Hebdo à l’égard de l’islam car elle place Mahomet dans le Pandémonium (la capitale des Enfers, ndlr), n’a pas empêché les musulmans lettrés de la lire, et même pour certains de l’apprendre par cœur.

Malheureusement, comme je l’ai dit, le terrain de la connaissance, de la pédagogie et de la prise en charge morale et spirituelle de cette jeunesse a été déserté.

Le CFCM est censé fonctionner démocratiquement. Son conseil d'administration doit être élu par les délégués des mosquées de France. Ce fonctionnement a pourtant été critiqué dès la création du Conseil. Pour quelles raisons ? Ces critiques sont-elles foncées ?

Haoues Seniguer : Le CFCM, et la sélection de ses élites, est plus le résultat de rapports de force entre les grandes tendances ou sensibilités à l’œuvre au sein du champ islamique français, ainsi que fonction de la surface des salles de prière, que le reflet du choix réel des mosquées locales, de l’option des observants, dans l’exacte mesure où ce sont les délégués de salles de prière qui votent, et non l’ensemble de ceux qui assistent toujours, quelquefois ou rarement, aux offices. On pourrait parler à cet égard de démocratie censitaire, partielle ou parcellaire. 

Le CFCM est également victime de fortes rivalités internes. En 2011, l'élection des représentants du conseil d'administration était boycottée par la puissante Union des Organisations Islamiques de France (UOIF). Cet évènement a-t-il porté un coup au CFCM ?

Haoues Seniguer : Le retrait de l’UOIF, dont les représentations orthodoxes de l’islam jouissent indubitablement d’une popularité et d’un impact au sein des musulmans de France, a sans conteste déstabilisé et discrédité un peu plus un CFCM déjà moribond. 

Y a-t-il cependant une partie des musulmans de France que le CFCM représente toujours ? Qui sont-ils et quelle en est la proportion ?

Haoues Seniguer : Il est difficile d’objectiver la popularité ou de quantifier la représentativité du CFCM. Une chose est cependant sûre à mon sens : dès lors qu’il n’y a pas eu de manifestations ouvertes et fortes contre cette instance, de pétition, on peut à bon droit supposer que celle-ci bénéficie encore d’un crédit auprès d’une frange de musulmans de France, fût-elle minime ou mince. Mais il n’en est pas moins vrai également, et ce n’est pas contradictoire avec ce qui précède, que le CFCM suscite en même temps ou alternativement tant de la colère que de l’indifférence.

La communauté musulmane française semble très divisée. Rien qu'au sein du CFCM, on compte plusieurs tendances représentant les différentes associations et fédérations islamiques en France. En-dehors, elles se comptent par dizaines. Dans quelle mesure cela nuit-il aux musulmans ?

Haous Seniguer : Le CFCM est tout simplement incapable, organiquement et/ou théologiquement, d’absorber toutes les demandes des musulmans de France et d’y répondre avec efficience. Cette instance, au fond, ne fait que cristalliser la réalité empirique d’une polyphonie de l’islam intraduisible par le biais d’un conseil ou de politiques qui, de concert ou non, voudraient l’écraser ou l’unifier illusoirement. L’islamologue franco-algérien Mohamed Arkoun parlait d’ailleurs d’un islam, sunnite pour l’essentiel, "théologiquement protestant", signifiant par là-même qu’il ne saurait être  patrimonialisé ou enfermé dans une organisation ou instance unique quelconque, de surcroît à l’autorité légitime tant incontestable qu’inébranlable. 

Il est parfois dit que le Rassemblement des musulmans de France (RMF) représente surtout les croyants d'origine marocaine, et la Grande mosquée de Paris (GMP), ceux d'origine algérienne. Ces divisions s'ajoutent-elles à celles qui existent en matière de religion ?

Haoues Seniguer : Oui. La religion musulmane se divise en deux grandes familles : l’islam et le chiisme. Et à l’intérieur de ces deux grandes familles, il existe une pluralité de voix/voies plus ou moins contradictoires entre elles, en particulier sur des fondements politiques ou profanes. 

Bernard Cazeneuve vient d'annoncer qu'il souhaitait la création d'une "instance de dialogue", aux côtés du CFCM, qui, à l’instar de ce qui existe pour les catholiques, se réunira deux fois par an pour discuter de questions très concrètes chères aux Français musulmans. Que pensez-vous de ce projet ?

Haoues Seniguer : Tout dépendra de la perception que les musulmans, qui sont les premiers concernés par les questions liées à la religion qu’ils pratiquent, en auront. L’équilibre entre la neutralité de l’État et son parti-pris, aussi noble fût-il dans les intentions, et l’accompagnement d’initiatives de renouvellement et d’encouragement au dialogue ad intra et ad extra est éminemment précaire. Le ministre de l’Intérieur a au moins le mérite de vouloir combattre les instrumentalisations idéologiques de la laïcité, notamment celles tournées en direction de nos concitoyens de confession musulmane. 

Pour éviter que les tensions inter religieuses et intercommunautaires n’explosent dans des proportions encore plus graves, le salut de l’islam passe-t-il par l’établissement d’un collège de religieux qui soient réellement représentatifs des musulmans français ?

Ghaleb Bencheikh : Je suis entièrement d’accord avec l’emploi que vous faites du terme "collège". Il nous faudrait une société savante d’oulémas, c’est-à-dire des gens érudits, sérieux et compétents, au lieu de l’incurie actuelle, faite d’individus uniquement en recherche de notabilité. Le salut passe par la formation d’imams ayant un réel savoir, mariant avec fierté leur francité et l’apport civilisationnel et humaniste islamique, qui a trop longtemps été oblitéré, effacé des mémoires. Nous avons besoin d’imams ayant cet esprit hybride, qui se constituent en un collège et qui élisent des représentants, sur un modèle comparable, par exemple, à celui de la Conférence des évêques de France.

Sur quels socles un islam de France pourrait-il se construire ?

Ghaleb Bencheikh : Nous pouvons espérer à court terme qu’une transition se fasse entre les membres actuels du CFCM et de nouvelles personnalités, plus compétentes et plus courageuses, prêtes à mettre leur vie en péril s’il le faut, car nous nous trouvons dans une période où il vaut mieux vivre peu et en phase avec ses convictions que longtemps en étant complice par l’inaction de ce qu’on dénonce.

A moyen terme je peux comprendre que l’Etat ne puisse pas financer au niveau national un séminaire de formation des imams, mais il est tout de même possible de profiter du Concordat. Profitons de cette exception dans la laïcité pour financer la formation d’imams, à l’instar de ce qui se fait pour les pasteurs, les rabbins et les prêtres. Certes, cela reste limité, mais c’est une manière d’ancrer la religion musulmane dans un territoire donné, et dans la République, surtout. De cette manière nous n’aurions pas besoin d’Etats tiers pour financer l'islam de France. Et on réparera un tort occasionné aux citoyens musulmans dans les départements concordataires.

Plus tard encore, la fondation des œuvres de l’islam, grâce à des souscriptions nationales, voire internationales si elles se font dans la transparence la plus totale, permettra de former des imams qui ne se contenteront pas simplement d’ânonner des évidences.

Faut-il renoncer à faire des musulmans de parfaits laïcs ?

Ghaleb Bencheikh : Croire que le fait islamique et la laïcité sont incompatibles, cela relève d’une méconnaissance gravissime du sujet. Aucune religion au monde n’a renoncé au pouvoir temporel motu proprio et aucune religion au monde ne peut résister à la sécularisation, surtout si ses propres théologiens et intellectuels sont convaincus des bienfaits de la laïcité. Prenons l’exemple de la religion chrétienne, à visée pédagogique. Sur cette base, on nous dit qu’il n’existe pas dans le Coran d’équivalent de la parabole des Deniers, (Mathieu 22), celle où Jésus dit qu’il faut rendre à César ce qui est César. C’est exact. Cependant absence ne veut pas dire qu'il y a forcément collusion entre politique et religion, et la présence de la parabole des Deniers ne nous a pas prémunis à travers l’histoire contre la Cité de Dieu, l’Absolutisme, la querelle des investitures, la doctrine des deux glaives, les harangues de Bourdaloue et de Dupanloup et l’encyclique Vehementor nos de février 1906 par laquelle ont été excommuniés les députés qui ont osé voter la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat. Ce n’est qu’après l’encyclique de 1924, Maximam gravissimamque, que l’assentiment a commencé, à l’instigation de nombreux théologiens catholiques et protestants que sont Karl Rahner, Yves Congar, Paul Tillitch, Karl Barth, Urs Van Balthasar… que l’on s’est aperçu que la séparation de la politique d’avec la religion était une bonne chose pour les Etats comme pour l’Eglise.

Un travail similaire n’a certes pas été réalisé sous le califat fût-il nominal- c'est à dire de 632 à 1924 - mais il ne faut pas oublier l’œuvre considérable d’Ali Abderraziq, qui en 1925 dans L’islam et les fondements du pouvoir, dirimait toutes les thèses en faveur d’une collusion entre le politique et le religieux… En Algérie, c’est Abdelhamid Ben Badis, président de l’association des oulémas qui était requérant auprès du Conseil d’Etat pour que la loi du 9 décembre 1905 fût appliquée dans les départements outre-Méditerranée. Et nous savons tous d’où est venu le refus. Malheureusement, ces dernières années des pays comme les monarchies du Golfe et d’ailleurs ont instrumentalisé la donne religieuse pour assoir un pouvoir illégitime et non démocratique.  

Plus largement, un islam d’Europe serait-il concevable ?

Philippe d’Iribarne : La France n’est pas la seule à connaître des déconvenues, tous ses voisins rencontrent des problèmes avec l’islam radical. Les Anglais par exemple ont été ulcérés de voir que les attentats de Londres avaient été commis par des personnes qui leur paraissaient bien intégrées dans la société britannique. Les Suédois, qui ont longtemps mis en avant leur grande ouverture, sont en train d’en revenir…

Ghaleb Bencheikh : Il n’existe qu’un islam, et plusieurs manières de le vivre. Par exemple, un musulman ne vit pas son islamité de la même manière selon qu’il habite au Yémen ou en Amérique du Nord. On oublie que la distance culturelle entre un musulman et un juif de Constantine est quasi nulle. Ils ont les mêmes goûts musicaux, vestimentaires, gastronomiques, etc. En revanche cette distance culturelle entre un musulman de Rabat et un musulman de Peshawar est abyssale. On a trop tendance à mélanger les coutumes et les traditions avec ce qui est essentiellement islamique, à savoir : les cinq piliers, la piété et la bienfaisance. Par conséquent, un musulman de Paris est supposé  vivre son islamité comme un parisien. Les radicaux font croire à de jeunes filles que si un garçon voit une touffe de leurs cheveux il va fantasmer sur elles, et qu’elles vont périr par le feu de l’enfer. Nous pouvons lutter contre cette crétinisation des esprits en France et en Europe par l’éducation, le savoir, la connaissance au travers de collèges d’oulémas, parce que nous bénéficions d’un climat démocratique et de liberté qui n’existe pas à Téhéran, Khartoum ou Ryad.

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