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Les milieux d’affaires réclament moins de subventions mais plus de stratégie et de délégation de pouvoir
Le secret du pouvoir n’est pas de donner de l’argent, c’est d’apprendre à en gagner. Les milieux d’affaires ne réclament ni aides, ni subventions, ils demandent que le pouvoir politique sache leur éclairer la route et déléguer l’action à des personnalités compétentes.
Ca n’est pas le pouvoir qui rend fou, c’est la peur du gilet jaune. La semaine passée a montré qu’une fois de plus, la seule façon d’obtenir une écoute attentive et surtout une enveloppe financière était de manifester contre le pouvoir et de le menacer de lancer un mouvement systémique.
Le « quoi qu’il en coûte », qui était indispensable pour conjurer les effets du Covid et surtout survivre à une panique internationale, ne l’est plus aujourd’hui.Or, le commerce de la peur a encore une fois de plus précipité dans les antichambres du pouvoir, les cohortes de professionnels a priori affolés par le mur des réalités : les boulangers-pâtissiers, les restaurateurs, les transporteurs, les pressing …
Le ministre de l’Economie a bien essayé de résister à toutes ces doléances, mais le président, lui, a préféré céder, brocardant dans le même temps les recommandations de Bruno Le Maire, en se moquant des désormais célèbres numéros verts. Oubliant au passage que c’est Emmanuel Macron lui-même qui n’a pas cessé de demander à ses ministres de se mettre en ligne. Mais passons.
La vérité, c’est qu’il ne les laisse pas agir parce que, peut-être, ne les trouve-t-ilpas compétents, à l’exception d’un ou deux, dont Bruno Le Maire, qui est le seul à avoir un poids politique combiné à une expertise réelle qui le rend crédible et écouté.
Les milieux d’affaires regardent le spectacle politique en se demandant tous les matins ce qui va leur tomber sur la tête, parce que tous les matins, ils sont sollicités, critiqués ou imposés.
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Sur le terrain économique, la situation n’est pas catastrophique. La croissance, la compétitivité, l’investissement, le commerce international, la consommation, l’épargne et l’emploi sont plutôt mieux orientés que ce qu’on attendait dans le courant de l’année dernière. On a un problème sérieux d’inflation, mais cette inflation est circonscrite aux secteurs de l’énergie et des matières premières. Le décalage est peut-être en train de se résorber et le gouvernement a encore les moyens pour soigner les dégâts les plus douloureux, à condition de bien les cibler. Ce que voulait faire le ministre de l’économie.
Cela dit, tous les diagnostics et les prescriptions que peuvent faire les économistes et les hommes d’affaires sont à peu près tous inaudibles par la plus grande part de l’opinion, d’où les risques permanents d’inflammation sur le terrain politique et social et même le risque d’incendie.
La maison France vit donc dans un climat qu’aucun chef d’entreprise n’oserait accepter dans sa propre boutique. Le chef d’entreprise est parfois surpris par une conjoncture qu’il n’avait pas mesuré mais en général, il prévoit et agit. C’est la base de son métier.
Le pouvoir politique est incapable d’anticiper une évolution et plus grave encore, il est incapable de se projeter et de faire la pédagogie de la situation. A priori, la gouvernance donne l’impression de n’avoir ni ambition, ni objectif qui pourraient traduire cette ambition, hormis de rester sur des généralités, sur la présence de la France dans le Monde et l’Europe.Ce déficit de pédagogie n’est pas propre à la gouvernance d’Emmanuel Macron, mais il l’aggrave.
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L’état du pays est pourtant très simple à établir et beaucoup d’acteurs l’ont dressé. Disons que depuis une trentaine d’années (depuis 1990 environ), la France n’a pas cessé de perdre de sa puissance économique, technologique et culturelle. Elle l’a perdue dans le monde et s’est laisse débordée par l’Allemagne en Europe.
Ce recul qui prend la forme de déclin a entrainé sur une surutilisation de son modèle social. On a progressivement compensé le recul de la richesse créée dans le secteur privé, par une redistribution de plus en plus importante des dépenses publiques. D’où une sur- administration, et par conséquent, une sur-imposition des agents productifs de richesses. La machine d’État qui produit du bien public et social est devenue de plus en plus lourde et de moins en moins efficace.
Parce que la réalité est têtue : les services publics et sociaux sont parmi les plus chers du monde, mais ils ne fonctionnent pas convenablement. Tout le monde en souffre : l’école, la santé, la justice, la sécurité, les trains, l’énergie, la retraite …etc. ces services publics qui marchent mal obligent le pays à s’endetter.
Si la dette était une dette d’investissement, elle serait supportable, ce qui a été le cas pendant le Covid. Il s’agissait alors de protéger les actifs de production, ce qui a été réalisé avec succès. Mais après le Covid, on a continué à s’endetter pour financer des dépenses de fonctionnement. Donc ça ne permettra pas de garantir l’avenir.
La réforme des retraites est un bon exemple de réforme à faire pour le long terme. Sauf que le gouvernement ne réussit pas faire accepter une seule réforme de structure.
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Pour une raison très simple, l’opinion publique n’en veut pas.
Par conséquent, le gouvernement va réformer a minima afin de sauver la face, et de ménager encore ses capacités d’endettement. Il va acheter du temps et envoyer des signaux aux marchés financiers et aux agences de notation.
Mais si l’opinion ne veut pas des réformes profondes, c’est parce qu’elle n’en comprend pas les raisons, parce qu’on ne les lui a pas expliquées.Elle n’en perçoit que les inconvénients. L’opinion publique ne sait pas que si on ne réforme pas l’État, on finira à genoux sur injonction des créanciers. Pour l’instant, les banquiers internationaux font les fins de mois, les agences de notation ne nous ont pas sanctionnés. Mais pour combien de temps?
Le pays est bloqué parce que ce pouvoir politique n’a pas décrit quelle était la stratégie globale, ce qu’il veut faire devant ce mur des réalités, avec quels objectifs et quels efforts partagés.
Mais ce n’est pas tout, ce qui paralyse le pouvoir politique et laisse à la rue l’occasion d’imposer sa loi, c’est que l’action ne suit pas l’intention.
Le pouvoir ne délègue pas de responsabilités à ses collectivités territoriales, il ne délègue même pas à ses ministres la responsabilité de passer à l’acte.
Cette concentration n’a pas cessé de s’accroitre depuis la fin du mandat de François Mitterrand. François Mitterrand, comme Valery Giscard d’Estaing, et Georges Pompidou, tous ces présidents ont embarqué à leur coté des ministres qui étaient extrêmement compétents et politiquement très lourds. Les présidents qui ont suivi ont été plus prudents, ou frileux. Hormis Nicolas Sarkozy.
Emmanuel Macron a peu de ministres qui ont le poids et la crédibilité de lui tenir tête.Bruno Le Maire à cette capacité mais on sent bien que la culture élyséenne ne favorise pas cette organisation de la délégation.
Le déficit permanent de pédagogie et la centralisation du pouvoir sont flagrants. La prise de parole quotidienne du président, la confrontation qu’il recherche avec l’opinion et la société civile ne sont ni ridicules, comme disent certains, ni inutiles ou toxiques. Cela dit, cette pratique là n’exonère pas le pouvoir de définir une stratégie globale et de faire confiance aux ministres. Au contraire.
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