Les milieux d’affaires réclament moins de subventions mais plus de stratégie et de délégation de pouvoir<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, lors d'une conférence de presse.
Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, lors d'une conférence de presse.
©Eric PIERMONT / AFP

Atlantico Business

Le secret du pouvoir n’est pas de donner de l’argent, c’est d’apprendre à en gagner. Les milieux d’affaires ne réclament ni aides, ni subventions, ils demandent que le pouvoir politique sache leur éclairer la route et déléguer l’action à des personnalités compétentes.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Ca nest pas le pouvoir qui rend fou, cest la peur du gilet jaune. La semaine passée a montré quune fois de plus, la seule façon dobtenir une écoute attentive et surtout une enveloppe financière était de manifester contre le pouvoir et de le menacer de lancer un mouvement systémique.

Le « quoi quil en coûte », qui était indispensable pour conjurer les effets du Covid et surtout survivre à une panique internationale, ne lest plus aujourd’hui.Or, le commerce de la peur a encore une fois de plus précipité dans les antichambres du pouvoir, les cohortes de professionnels a priori affolés par le mur des réalités : les boulangers-pâtissiers, les restaurateurs, les transporteurs, les pressing …

Le ministre de l’Economie a bien essayé de résister à toutes ces doléances, mais le président, lui, a préféré céder, brocardant dans le même temps les recommandations de Bruno Le Maire, en se moquant des désormais célèbres numéros verts. Oubliant au passage que cest Emmanuel Macron lui-même qui na pas cessé de demander à ses ministres de se mettre en ligne. Mais passons.

La vérité, cest quil ne les laisse pas agir parce que, peut-être, ne les trouve-t-ilpas compétents, à lexception dun ou deux, dont Bruno Le Maire, qui est le seul à avoir un poids politique combiné à une expertise réelle qui le rend crédible et écouté.

Les milieux daffaires regardent le spectacle politique en se demandant tous les matins ce qui va leur tomber sur la tête, parce que tous les matins, ils sont sollicités, critiqués ou imposés.

À Lire Aussi

2023 : Le monde des affaires ne fait pas de prédictions, il s’adapte même si l’opinion ne suit pas toujours

Sur le terrain économique, la situation nest pas catastrophique. La croissance, la compétitivité, linvestissement, le commerce international, la consommation, l’épargne et lemploi sont plutôt mieux orientés que ce qu’on attendait dans le courant de lannée dernière. On a un problème sérieux dinflation, mais cette inflation est circonscrite aux secteurs de l’énergie et des matières premières. Le décalage est peut-être en train de se résorber et le gouvernement a encore les moyens pour soigner les dégâts les plus douloureux, à condition de bien les cibler. Ce que voulait faire le ministre de l’économie.

Cela dit, tous les diagnostics et les prescriptions que peuvent faire les économistes et les hommes daffaires sont à peu près tous inaudibles par la plus grande part de lopinion, doù les risques permanents dinflammation sur le terrain politique et social et même le risque dincendie.

La maison France vit donc dans un climat quaucun chef dentreprise n’oserait accepter dans sa propre boutique. Le chef dentreprise est parfois surpris par une conjoncture qu’il navait pas mesuré mais en général, il prévoit et agit. Cest la base de son métier.

Le pouvoir politique est incapable danticiper une évolution et plus grave encore, il est incapable de se projeter et de faire la pédagogie de la situation. A priori, la gouvernance donne limpression de navoir ni ambition, ni objectif qui pourraient traduire cette ambition, hormis de rester sur des généralités, sur la présence de la France dans le Monde et lEurope.Ce déficit de pédagogie nest pas propre à la gouvernance dEmmanuel Macron, mais il l’aggrave.

À Lire Aussi

Assurance-chômage, retraite, énergie : le gouvernement tourne en rond pour essayer de désamorcer la colère sociale

L’état du pays est pourtant très simple à établir et beaucoup dacteurs lont dressé. Disons que depuis une trentaine dannées (depuis 1990 environ), la France na pas cessé de perdre de sa puissance économique, technologique et culturelle. Elle la perdue dans le monde et sest laisse débordée par lAllemagne en Europe.

Ce recul qui prend la forme de déclin a entrainé sur une surutilisation de son modèle social. On a progressivement compensé le recul de la richesse créée dans le secteur privé, par une redistribution de plus en plus importante des dépenses publiques. Doù une sur- administration, et par conséquent, une sur-imposition des agents productifs de richesses. La machine d’État qui produit du bien public et social est devenue de plus en plus lourde et de moins en moins efficace.

Parce que la réalité est têtue : les services publics et sociaux sont parmi les plus chers du monde, mais ils ne fonctionnent pas convenablement. Tout le monde en souffre : l’école, la santé, la justice, la sécurité, les trains, l’énergie, la retraite …etc. ces services publics qui marchent mal obligent le pays à sendetter.

Si la dette était une dette dinvestissement, elle serait supportable, ce qui a été le cas pendant le Covid. Il sagissait alors de protéger les actifs de production, ce qui a été réalisé avec succès. Mais après le Covid, on a continué à sendetter pour financer des dépenses de fonctionnement. Donc ça ne permettra pas de garantir lavenir.

La réforme des retraites est un bon exemple de réforme à faire pour le long terme. Sauf que le gouvernement ne réussit pas faire accepter une seule réforme de structure.

À Lire Aussi

La France coupée en deux : la France qui gagne est économiquement incontournable, la France qui pleure est politiquement inévitable

Pour une raison très simple, lopinion publique nen veut pas.

Par conséquent, le gouvernement va réformer a minima afin de sauver la face, et de ménager encore ses capacités dendettement. Il va acheter du temps et envoyer des signaux aux marchés financiers et aux agences de notation.

Mais si lopinion ne veut pas des réformes profondes, cest parce quelle nen comprend pas les raisons, parce quon ne les lui a pas expliquées.Elle nen perçoit que les inconvénients. Lopinion publique ne sait pas que si on ne réforme pas l’État, on finira à genoux sur injonction des créanciers. Pour linstant, les banquiers internationaux font les fins de mois, les agences de notation ne nous ont pas sanctionnés. Mais pour combien de temps?

Le pays est bloqué parce que ce pouvoir politique na pas décrit quelle était la stratégie globale, ce quil veut faire devant ce mur des réalités, avec quels objectifs et quels efforts partagés.

Mais ce nest pas tout, ce qui paralyse le pouvoir politique et laisse à la rue loccasion dimposer sa loi, cest que laction ne suit pas lintention.

Le pouvoir ne délègue pas de responsabilités à ses collectivités territoriales, il ne délègue même pas à ses ministres la responsabilité de passer à lacte.

Cette concentration n’a pas cessé de saccroitre depuis la fin du mandat de François Mitterrand. François Mitterrand, comme Valery Giscard dEstaing, et Georges Pompidou, tous ces présidents ont embarqué à leur coté des ministres qui étaient extrêmement compétents et politiquement très lourds. Les présidents qui ont suivi ont été plus prudents, ou frileux. Hormis Nicolas Sarkozy.

Emmanuel Macron a peu de ministres qui ont le poids et la crédibilité de lui tenir tête.Bruno Le Maire à cette capacité mais on sent bien que la culture élyséenne ne favorise pas cette organisation de la délégation.

Le déficit permanent de pédagogie et la centralisation du pouvoir sont flagrants. La prise de parole quotidienne du président, la confrontation quil recherche avec lopinion et la société civile ne sont ni ridicules, comme disent certains, ni inutiles ou toxiques. Cela dit, cette pratique là n’exonère pas le pouvoir de définir une stratégie globale et de faire confiance aux ministres. Au contraire.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !