Les maladies d’origine animale (épizooties) : le paludisme, la rage, la peste<!-- --> | Atlantico.fr
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Une femme reçoit un vaccin contre la rage au Centre de contrôle et de prévention des maladies de Huaibei, dans la province chinoise de l'Anhui, le 24 juillet 2018.
Une femme reçoit un vaccin contre la rage au Centre de contrôle et de prévention des maladies de Huaibei, dans la province chinoise de l'Anhui, le 24 juillet 2018.
©AFP

Bonnes feuilles

Peter Moore a publié « Le petit livre des grandes épidémies, Tout ce que vous devez savoir pour vous protéger » aux éditions Belin. Aujourd'hui, notre monde moderne favorise la prolifération des maladies, voire l'émergence de nouvelles maladies comme Ebola ou encore la réapparition de vieilles maladies telle la dengue. Le lecteur trouvera dans cet ouvrage des informations sur l'histoire de chaque maladie, sa répartition dans le monde, les troubles qu'elle provoque, les traitements possibles et quelques conseils pratiques. Extrait 2/2.

Peter Moore

Peter Moore

Peter Moore, membre honoraire du Trinity College à Bristol (Grande-Bretagne), est journaliste médical et auteur de nombreux livres de médecine et de science. Il a obtenu de nombreuses distinctions pour son travail journalistique.

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Paludisme

Agent: protozoaires Plasmodium falciparum, Plasmodium vivax, Plasmodium ovale et Plasmodium malariae et moustique Anopheles

Première manifestation connue : Antiquité

Répartition: tropicale et subtropicale

Un million de personnes meurent chaque année du paludisme (ou malaria), une maladie qui a eu des répercussions importantes sur l’histoire de l’humanité. Quatre prix Nobel ont été attribués à des chercheurs qui ont permis de le comprendre, ou aider à le combattre.

Origines

Malaria signifie « mauvais air » et son nom vient de ce que les premières personnes qui ont essayé de comprendre la maladie ont vu qu’elle était associée aux marécages. Toutefois, ce n’est pas l’air vicié qui est dangereux, mais les insectes qui volent dans cet air: les moustiques anophèles.

Symptômes et effets

Il existe quatre types différents de parasites du paludisme qui partagent un cycle de vie similaire. Quand un moustique infecté pique, les protozoaires migrent des glandes salivaires de l’insecte à la circulation sanguine de la personne piquée. Les parasites sont alors transportés vers le foie où ils envahissent les cellules et produisent des copies d’eux-mêmes. Après quelques jours, les cellules éclatent, libérant des milliers de nouveaux parasites dans le sang et déclenchant un accès de fièvre. Les autres symptômes incluent frissons, épuisement et maux de tête; certaines victimes souffrent aussi de nausées, de vomissements et de diarrhée.

Une fois dans le sang, les jeunes parasites se développent à l’intérieur des globules rouges et se transforment en parasites sexués mâles ou femelles. Pour compléter leur cycle de vie, les parasites doivent retourner à un moustique. Quand une personne infectée est piquée, le moustique ingère des parasites avec le sang. À l’intérieur du moustique, les parasites mâles et femelles s’unissent et engendrent une nouvelle génération. Un nouveau cycle peut alors commencer. P. falciparum diffère des trois autres types en ce que ces parasites ont tendance à s’agglomérer dans les fins capillaires du cerveau, ce qui peut provoquer la mort de la personne infectée.

Régions concernées

Environ 40 % de la population mondiale est exposée à la maladie, principalement dans les zones tropicales défavorisées d’Afrique (90 % des cas), mais aussi d’Asie et d’Amérique latine. Les protozoaires ont besoin des moustiques, et les moustiques aiment les lieux chauds et humides. Cela étant, ils ne sont pas très capricieux. Ce qui signifie qu’ils peuvent opérer dans presque toutes les zones tropicales et subtropicales du monde. Comme les moustiques sont petits, ils ne volent pas loin; la maladie est donc plus problématique en zone urbaine où il y a toujours quelqu’un à piquer à proximité.

Traitement

Le problème principal avec le paludisme, c’est que personne n’a développé de vaccin et que les parasites sont habiles à résister aux médicaments. Jusqu’ici, les moustiquaires de lit traitées aux insecticides se sont révélées l’arme la plus efficace.

Menace potentielle pour la civilisation

Le paludisme menace actuellement de nombreuses civilisations et communautés dans le monde entier. La maladie empêche le développement de nombreuses populations, les laissant prisonnières de la pauvreté.

Rage

Agent: virus Lyssavirus (Famille: Rhabdoviridae) et mammifères

Première manifestation connue : Antiquité

Répartition: planétaire, sauf certaines îles

La rage est due à un virus de forme ogivale, transporté par les grands mammifères carnivores comme les chiens, les chats, les renards, mais aussi le bétail et les chauves-souris.

Origines

Le mot rage dérive du latin rabia, « transporteur de fureur », et la maladie est l’un des plus vieux fléaux documentés de l’humanité. Des auteurs anciens de Mésopotamie, Chine, Grèce, Rome et Inde ont décrit les symptômes classiques, mais c’est le physicien italien Girolamo Fracastoro qui en fit la première description complète en 1546.

Symptômes et effets

Le virus infecte les humains après morsure par un animal infecté. Il se fixe aux cellules des muscles squelettiques, se multiplie sur le site de la blessure, puis s’introduit dans les nerfs, d’où il peut voyager jusqu’à la moelle épinière, voire le cerveau. De là, il utilise d’autres nerfs pour se déplacer dans tout l’organisme. Sans traitement, environ 80 % des patients développent la forme dite furieuse de la rage et meurent quand ils perdent le contrôle des muscles respiratoires. Les autres (20 %) souffrent de rage paralytique ou amorphe, qui les affaiblit et les tuent.

La période d’incubation, silencieuse, dure en moyenne 30 à 45 jours, parfois bien plus (un an). Aussi, si vous pensez avoir été infecté, demandez rapidement de l’aide: les traitements ne fonctionnent que s’ils sont administrés avant l’apparition des premiers symptômes. Un signe est caractéristique: une peur pathologique de l’air et surtout de l’eau.

Régions concernées

Comme tant d’autres maladies, les données chiffrées sur le nombre de personnes infectées manquent de précisions, mais on sait que la rage reste une maladie très répandue dans le monde, responsable de dizaines de milliers de morts chaque année. Elle est le plus souvent transmise par des chiens enragés. Chaque année, environ 17 millions de personnes reçoivent un traitement contre la rage. En France métropolitaine, aucun cas de rage humaine, contractée sur le territoire, n’a été rapporté depuis 1924. Si vous voyagez en zone d’endémie, prenez vos précautions vis-à-vis des animaux domestiques ou sauvages.

Traitement

Après une morsure par un animal suspect, lavez la plaie à l’eau savonneuse, rincez-la abondamment et désinfectez avec une solution antiseptique. Surtout, n’attendez pas pour consulter votre médecin: une fois la rage déclarée, il n’y a aucun moyen de la guérir. C’est pourquoi le vaccin contre la rage est systématiquement administré à toute personne ayant été en contact avec des animaux suspects, en association ou non avec des injections d’anticorps spécifiques.

Pour l’histoire, c’est en 1885 que Louis Pasteur obtient son premier succès contre la rage avec la vaccination d’un enfant de 9 ans. Un an plus tard, dans une séance mémorable à l’Académie il déclare: « La prophylaxie de la rage après morsure est fondée. Il y a lieu de créer un établissement vaccinal contre la rage ». L’Institut Pasteur était inauguré en novembre 1888.

Utilisé comme arme

Menacer de libérer des animaux infectés dans des pays exempts de la rage aurait certainement un impact considérable comme instrument de terreur, mais, à vrai dire, cela ne causerait probablement pas une épidémie massive parmi les humains.

Peste

Agent: bactérie et puce Yersinia pestis

Première manifestation connue : Antiquité

Répartition: Amérique du Nord, Amérique du Sud, Afrique et Asie

Les historiens estiment que, en 1347, lorsque la peste débarque à Marseille, environ 75 millions de personnes vivent en Europe. En cinq ans, de Marseille à Moscou, la peste va ravager l’Occident. C’est peut-être le tiers de sa population qui a disparu pendant la « Grande peste », aussi nommée « Peste noire » en raison du noircissement de la peau des victimes. À la même période, des épidémies presque simultanées se déclarèrent dans de vastes parties de l’Asie et du Moyen-Orient. Cette pandémie multirégionale provoqua la mort d’au moins 75 millions de personnes. On dit que, à chaque génération, la maladie refit surface en Europe jusqu’à ce qu’elle quitte le continent au XVIIIe siècle.

Lors de la première épidémie, personne ne comprit que l’agent destructeur était une bactérie transmise par des puces qui vivaient sur des rats. Quand des foyers survenaient, les gens essayaient d’éviter les contacts avec d’autres gens, mais se souciaient peu des rats.

Aujourd’hui, la maladie sévit toujours en Afrique, Asie et Amériques. Le nombre de cas est même en augmentation dans plusieurs régions du monde, ce qui en fait une maladie « ré-émergente » pour l’OMS.

Origines

La peste est décrite depuis l’Antiquité. Elle apparaît pour la première fois en Europe et dans le bassin de la Méditerranée en 541-542, au temps des rois mérovingiens et de l’empereur Justinien. Puis, à partir de 767, au temps de Charlemagne, les chroniques en perdent la trace… mais elle reste endémique en Orient, en Inde et en Chine. Au début des années 1330, une épidémie se déclare en Asie centrale et commence à se propager dans les provinces chinoises. Elle atteint bientôt l’Inde et ses comptoirs commerciaux. Transmise par les rats embarqués sur les navires, elle touche l’Europe près de dix ans plus tard. Lors du siège de Caffa, une colonie génoise de Crimée, les assaillants infectés par la peste catapultent les cadavres des leurs par-delà les enceintes de la ville. Le siège finit par être levé, faute de combattants valides en nombre suffisant et les bateaux génois, pouvant désormais quitter la ville, disséminent la peste dans de plusieurs ports, dont Marseille.

Une des caractéristiques des épidémies de peste est leur capacité à « s’éteindre » pendant plusieurs années avant de réapparaître brutalement sous forme épidémique. En 1665, la maladie dévaste Londres (70000 morts). En 1720, elle refait son apparition à Marseille, par le biais d’étoffes venues d’Orient et infestées de puces porteuses de la peste. En deux mois, la maladie ravage la ville puis gagne la Provence, tuant plus de 100000 personnes, soit un quart de la population. La dernière épidémie marquante en Europe eut lieu à Moscou en 1771, arrivée cette fois-ci non par la mer mais avec les troupes ayant pris part à la guerre russo-turque de 1768-1774.

La peste de Chine est le nom de la dernière pandémie connue. Elle débute en 1894 à Hong Kong et, en une dizaine d’années, touche de nombreux ports sur les cinq continents. Ce fut lors de cette épidémie que le Français Alexandre Yersin découvre et décrit le bacille responsable de cette maladie, Pasteurella pestis (auquel on donna finalement le nom de Yersinia pestis) et expérimenta son sérum (qui n’est pas un vaccin), sauvant ainsi de nombreuses vies.

Symptômes et effets

Quand une puce se nourrit sur un animal porteur de la bactérie, elle l’ingurgite. Celle-ci se multiplie dans la puce et bloque sa digestion. Affamée, la puce doit faire un nouveau repas sanguin et donc piquer un animal – lequel peut être un humain cette fois; le blocage de son intestin l’oblige à régurgiter une partie du contenu de son estomac. Et les bactéries se répandent ainsi dans la circulation sanguine du nouvel hôte. Les puces vivent aussi bien sur le dos des rats que celui des écureuils ou des chats domestiques. Les crachats d’une personne infectée étant saturés de bactéries, ils offrent un autre moyen de propagation, cette fois-ci de personne à personne.

Selon le mode de contamination, on distingue la peste bubonique (contractée par piqûre de puce) et la peste pulmonaire (contractée par voie aérienne). Dans la peste bubonique, la forme la plus courante de la maladie au moment de la Peste noire, la piqûre de l’insecte provoque une infection locale qui s’étend jusqu’aux ganglions du cou, des aisselles ou de l’aine. Ces « bubons » enflent, puis les bactéries commencent à se répandre dans tout l’organisme. D’autres symptômes incluent fièvre, maux de tête, nausées, vomissements et douleurs articulaires. Dans 20 à 40 % des cas, le bubon suppure et le malade guérit après un temps de convalescence assez long. Sinon, les bactéries envahissent la circulation sanguine et la maladie évolue vers une septicémie (infection du sang) très rapidement mortelle.

Quand ils toussent, les malades atteints de peste pulmonaire produisent des crachats rosis par le sang qui peuvent transmettre facilement la maladie à d’autres, lesquels se contaminent par inhalation de bactéries. En l’absence d’un traitement précoce et approprié, la peste pulmonaire tue ses victimes en 3 jours.

Traitement

Compte tenu de ce que la peste a affecté l’issue de guerres importantes et ravagé des populations entières, il serait intéressant d’imaginer ce que serait le monde si les antibiotiques avaient été découverts 1 000 ans plus tôt. La streptomycine, le chloramphenicol et les tétracyclines sont des antibiotiques parfaitement efficaces s’ils sont administrés à temps. Donnés précocement, les tétracyclines ou les sulfamides, sont en général d’une très bonne efficacité pour l’entourage immédiat des sujets atteints de peste. Si vous vous rendez dans une région endémique, prenez garde aux mauvais moments de l’année. Les puces prospèrent par temps frais et humide, mais meurent par temps chaud et sec.

Utilisé comme arme

Dans le passé, la peste a été utilisée comme arme et elle pourrait servir d’arme terroriste potentielle. Imaginez l’impact d’une manchette comme « Rats porteurs de la peste relâchés dans New York » sur l’industrie touristique de la ville.

Extrait du livre de Peter Moore, « Le petit livre des grandes épidémies, Tout ce que vous devez savoir pour vous protéger », publié aux éditions Belin

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