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Les leçons de chant pourraient aider les patients atteints de difficultés respiratoires sévères après un Covid long
©Tolga Akmen / AFP

Bonne idée

Au Royaume-Uni, un programme pilote aide les patients à se rétablir après un Covid long : les cours de chants d’opéra, qui permettent d'améliorer la maîtrise du souffle.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Au Royaume-Uni, les cas de Covid-19 se multiplient jour après jour avec l’apparition de nombreux symptômes de longue durée pour les patients. Un programme pilote semble avoir trouvé une solution pour aider les patients à se rétablir : les cours de chants d’opéra. La bonne maîtrise de son souffle est-elle l’une des clefs pour récupérer d’un CoVid long ?

Stéphane Gayet : C’est vraiment une très bonne idée. Car chez une très grande majorité de patients atteints d’une forme prolongée de CoVid-19, il existe une dyspnée (difficultés respiratoires), au moins d’effort (essoufflement survenant pour un effort parfois modéré, comme celui que l’on fait pour monter moins d’une dizaine de marches d’escalier) et parfois de repos (sensation de gêne respiratoire lorsque l’on est immobile, en position assise ou allongée). Il est utile de préciser que l’on appelle « CoVid prolongée » une forme particulière de la maladie CoVid-19 qui se prolonge pendant des semaines et bien souvent des mois. Une CoVid-19 habituelle peut facilement donner des symptômes et des signes pendant un mois et plus. Mais dès l’instant où il existe un retentissement important sur l’état général et les facultés physiques et mentales pendant plus de deux ou surtout trois mois, on est en droit de parler d’une forme prolongée.

Une distinction radicale à faire entre CoVid grave et CoVid prolongée

La CoVid prolongée doit être radicalement distinguée de la CoVid grave. Cette dernière atteint préférentiellement des personnes âgées de plus de 60 ans, des sujets obèses, insuffisants respiratoires ou cardiaques, des personnes souffrant d’un handicap d’une autre nature et d’une façon générale, des personnes particulièrement fragiles et vulnérables.

Au contraire, la CoVid prolongée atteint plutôt des sujets jeunes, actifs, dynamiques et n’ayant souvent pas ou peu de facteurs de risque tels que ceux décrits ci-dessus. En revanche, il est frappant de constater que cette CoVid prolongée survient préférentiellement chez des personnes à tendance hyperactive et de ce fait souvent en situation de surmenage avec un rythme de vie déséquilibré (insuffisamment de sommeil, alimentation inappropriée).

La bonne maîtrise de son souffle et la récupération d’une CoVid prolongée

Les personnes souffrant d’une CoVid prolongée sont devenues fragiles. Elles craignent les excès en tous genres : alors qu’elles étaient auparavant très actives et comme inébranlables, elles sont devenues sensibles au moindre écart de vie. C’est ainsi qu’un effort inhabituel, un repas excessif, une nuit nettement amputée, sont autant de circonstances qui peuvent favoriser une « rechute », c’est-à-dire le sentiment de régresser dans la guérison.

Il s’ensuit que la réadaptation pulmonaire doit être particulièrement douce et progressive. On a fait bien des erreurs en assimilant les personnes « CoVid prolongée » à celles qui récupèrent d’une pneumonie sévère, d’une atélectasie étendue (une partie plus ou moins importante d’un poumon n’est plus fonctionnelle) ou d’une intervention chirurgicale pulmonaire. Car si l’on oblige une personne « CoVid prolongée » à forcer sur le plan respiratoire, on provoque au contraire une aggravation au lieu d’une amélioration. C’est dû au fait que la « CoVid prolongée » n’est pas – et c’est important – un état post-CoVid, mais bel et bien une maladie inflammatoire qui continue d’évoluer, sans doute en raison d’une persistance de l’infection (SARS-CoV-2 et autres agents de co-infection, tels que des mycoplasmes notamment) et de l’activité immunitaire excessive qu’elle suscite.

L’apport du chant d’opéra dans cette pathologie prolongée

Nous ne parlons pas du fait de chantonner ou chanter de façon banale comme peut le faire tout un chacun à son domicile. Il s’agit ici de chant de niveau professionnel, guidé par un professeur. Cet entraînement permet de développer ses capacités pulmonaires ventilatoires en amplitude (volume et durée), mais sans violent effort. Il ne faut pas brusquer l’appareil respiratoire et le chant se prête à cet objectif.

L'English National Opera et l'Imperial College de Londres se sont associés dans cette initiative thérapeutique. Les premiers résultats se sont avérés excellents, et ce programme pilote est maintenant étendu à plus de 1000 patients « Covid prolongée ». C’est donc une voie de réadaptation pleine d’intérêt et d’espoir.

Le chant, a fortiori d’opéra, peut paraître contre-intuitif après une maladie pulmonaire. Est-ce la remise en route des poumons qui compte ?

Cette réadaptation par le chant « professionnel » n’est pas isolée dans la prise en charge thérapeutique. Elle s’associe bien entendu à la prise en charge notamment médicale (anti-infectieux, anti-inflammatoires, immunomodulateurs…) et à la réadaptation cardiaque le cas échéant ainsi qu’à la rééducation locomotrice si nécessaire. Il est par ailleurs essentiel que ces personnes adoptent – si ce n’était pas le cas – un rythme nycthéméral (alternance de veille et de sommeil) physiologique ainsi qu’une alimentation diversifiée, équilibrée et bien répartie dans la journée, en réduisant le plus possible l’apport de saccharose (sucre ordinaire).

Pour revenir à la question posée, il faut comprendre le corps humain – quel que soit l’âge – comme un organisme dynamique, c’est-à-dire plastique, évolutif et jamais figé. Tout comme le cerveau. On peut même dire que notre corps et notre cerveau sont ce que nous en faisons. Un corps qui reste au repos s’étiole, un esprit qui ne travaille pas s’affaiblit. Indépendamment de l’épidémie de CoVid-19, on s’est aperçu que les adolescents avaient perdu 20 à 30 % de leurs capacités pulmonaires par rapport aux générations qui ont précédé la généralisation des écrans individuels ; c’est lié au manque d’exercice physique. Une personne qui est restée allongée pendant six mois doit réapprendre à respirer, à marcher, à courir et à chanter.

Ainsi, le chant de niveau professionnel est en effet une bonne méthode pour réapprendre à respirer et à développer ses capacités pulmonaires comme on l’a fait pendant l’enfance et l’adolescence. C’est un peu comme si l’infection CoVid-19 avait réduit les capacités pulmonaires et il s’agit de faire le travail inverse. C’est bien une remise en route des poumons, pour le dire simplement.

Tous les patients atteints de Covid long peuvent-ils participer à des cours de chants pour récupérer ?

Étant donné que le chant – même celui d’opéra – n’est jamais violent, brusque, traumatisant, mais toujours – quand il est encadré par un professionnel de chant – progressif et doux, on peut dire qu’il n’existe pas de contre-indication à cette pratique. Il est même étonnant de voir à quel point des personnes qui ne chantaient pratiquement pas – par pudeur, par gêne ou manque de confiance en elles – sont capables, bien guidées par un professionnel, de produire des sons d’une hauteur, d’une intensité et d’une durée qui les surprennent elles-mêmes. Répétons-le, c’est une excellente initiative.

Le recours au chant, ou d’autres méthodes de ce genre, a-t-il déjà fait ses preuves pour d’autres maladies provoquant des problèmes respiratoires ?

C’est relativement innovant. Le chant fait partie de l’art et donc de l’art-thérapie, avec la musique, les arts plastiques et d’autres activités. L’art-thérapie est mise en œuvre avec les personnes déficientes mentales, les personnes atteintes de maladie d’Alzheimer ou de démence, les personnes souffrant de certaines psychoses, mais peu jusqu’à présent dans le domaine de la réadaptation respiratoire. L’idée de l’utiliser pour aider les personnes « CoVid-prolongée » vient tout simplement de l’échec des méthodes de kinésithérapie respiratoire habituelles, souvent trop intenses comme nous l’avons dit.

Il y a également un autre volet qu’il ne faut pas passer sous silence : il est très pénible psychologiquement d’être atteint d’une « CoVid-prolongée » : on se sent une personne diminuée, handicapée, on est essoufflé, on souffre, on ne peut plus mener une vie normale et c’est très dur à vivre, surtout quand on était préalablement actif et dynamique. Beaucoup de patients « CoVid-prolongé » disent : « Auparavant, j’étais toujours en activité, je me reposais très peu, je ne me sentais jamais fatigué, j’étais plein d’énergie ; à présent, j’ai l’impression d’avoir vieilli de 20 ans d’un seul coup. » Cette importante diminution des capacités a un indiscutable retentissement sur le psychisme : c’est la somatopsychique ; cette somatopsychique crée une anxiété (quand vais-je revenir à la normale ?), un mal-être, une perte de l’estime de soi (beaucoup de sujets jeunes retournent vivre chez leurs parents). Cette atteinte somatopsychique aggrave encore l’état physique et il faut s’en occuper. Or, l’art et donc l’art-thérapie sont bénéfiques au psychisme, à l’humeur, à la thymie, à l’estime de soi et la confiance en soi. Ainsi, la réadaptation par le chant d’opéra a une action double chez ces personnes durement atteintes par une CoVid prolongée.

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