Les investisseurs étrangers suspendent leurs projets en France en attendant d'y voir plus clair sur la situation politique<!-- --> | Atlantico.fr
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L'application d'un programme démagogique a toujours, dans l'histoire, entraîné une détérioration de la situation économique et sociale et mené au désastre
L'application d'un programme démagogique a toujours, dans l'histoire, entraîné une détérioration de la situation économique et sociale et mené au désastre
©JOEL SAGET / AFP

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L'application d'un programme démagogique a toujours, dans l'histoire, entraîné une détérioration de la situation économique et sociale et mené au désastre. C'est pourquoi les grands investisseurs étrangers suspendent actuellement leurs projets sur la France, en attendant d'y voir plus clair.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les dirigeants des grands fonds d'investissement anglo-saxons, tout comme les responsables des fonds souverains pétroliers installés à Paris ou à Londres, ont passé leur week-end à envoyer des notes et des analyses sur la situation française afin de répondre à l'inquiétude de leur hiérarchie. Les entreprises étrangères installées en France et leurs actionnaires redoutent cette instabilité et le désordre qui pourrait en découler. 

Ces entreprises ont déjà 5 ou 6 usines, elles retardent déjà de quelques mois la décision de s'agrandir dans les conditions actuelles. Quant aux projets et aux engagements rendus publics lors de la dernière réunion de Choose France au château de Versailles, et qui représentent plus de 15 milliards d'euros, ils sont a priori suspendus. 

Que ce soit chez EY, qui connaît bien les facteurs d'attractivité de la France et qui considérait jusqu'alors que la France avait des atouts meilleurs que ceux de nos voisins, que ce soit dans les bureaux des conseillers du commerce extérieur, dans les staffs des grands fonds tels que BlackRock en France ou Oddo à Londres ou en Suisse, JP Morgan, on a fait tourner les ordinateurs et chauffer les mobiles. 

La semaine passée a déjà enregistré une augmentation des taux sur la dette et vu des transferts de dettes de la France vers l'Espagne, car l'Espagne paraît plus sûre que la France aux détenteurs de dettes d'État. Parallèlement, le marché des actions sur le CAC 40 a enregistré la plus grosse baisse depuis le Covid. 

Mais ce qui inquiète le plus les investisseurs, c'est évidemment l'avenir. En résumé, les dirigeants étrangers des grands fonds qui ont des intérêts en France et surtout qui projetaient d'accroître leurs engagements ont trois séries de questions :

1 -  Ils veulent savoir pourquoi le président de la République a procédé à cette dissolution, car pour eux, rien ne l'y obligeait. Il aurait pu se contenter de prendre en compte une demande de changement qui était explicite depuis 2022. 

2 -  Ils veulent savoir si l'un des deux partis extrémistes a une chance sérieuse d'accéder au pouvoir avec une majorité absolue. 

3 - Quel que soit le résultat des législatives, quels sont les possibilités d'échapper à un programme démagogique. Ce qui obsède la majorité des investisseurs français et étrangers, ce sont évidemment les valeurs sous-jacentes aux différents acteurs du système, et notamment à ceux qui portent des menaces antisémites. 

Mais au-delà, ce qu'ils auscultent à la loupe, c'est la démagogie dans les programmes politiques, leur applicabilité, leur cohérence, car dans l'histoire, on ne trouve pas d'exemple de programmes populistes et démagogiques qui aient échappé au désastre. 

La démagogie va à l'encontre de la réalité des faits et des chiffres. Donc, ça craque. Et pour les investisseurs étrangers, les programmes de LFI et du RN, c'est un peu la même chose. 

Les programmes sont apparemment généreux mais ils ne sont pas chiffrés, parce qu'ils ne sont pas chiffrés. Des chercheurs universitaires se sont penchés sur les conséquences économiques, sociales et culturelles d'un gouvernement de droite ou de gauche porteur d'un programme démagogique. En un peu plus d'un siècle, les pays qui en ont fait l'expérience sont nombreux : la Turquie, le Venezuela, la Bolivie, l'Inde, l'Afrique du Sud ou même la Grande-Bretagne au moment du Brexit, la Hongrie, etc. À chaque fois, 

1 -  les régimes démagogiques répondent à une demande d'urgence et oublient complètement la nécessité de l'investissement à long terme. Donc, au bout d'un an, deux ou trois ans, le système sous emprise démagogique se dessèche et n'est pas capable de nourrir une croissance. 

2 -  Les régimes qui n'investissent pas se font rattraper soit par l'inflation, soit par les risques de pénurie, d'où le creusement des déficits. Ce sont les épargnants qui paient le coût de l'inflation. 

3 -  Les régimes qui fonctionnent à la démagogie sont tentés par l'autoritarisme pour juguler l'inflation, les pénuries et le chômage. Du coup, on en vient à toucher aux  libertés et à l'état de droit. C'est le risque. Or, le système d'économie de marché, qui est le seul à pouvoir créer de la richesse et de la croissance, a besoin d'un État de droit et de stabilité. 

Les chefs d'entreprise et les investisseurs ont besoin de stabilité juridique, fiscale et politique. C'est ce manque de stabilité qu'ils craignent. Et si la France n'est pas en mesure de leur garantir, ils iront s'installer ailleurs. Les États-Unis sont prêts à accueillir les projets, mais le Portugal et l'Espagne aussi. Depuis une semaine, les pays du Sud reçoivent les dossiers d'implantation industriels qui étaient initialement adressés à la France. 

À voir, "Populist Leaders and the Economy" : Manuel Funke, Moritz Schularick, Christoph Trebesch, American Economic Review, vol. 113, no. 12, décembre 2023.

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