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Les interdictions d’horaires atypiques empêchent l’intégration des catégories de population les plus précaires sur le marché du travail
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Le débat sur le travail dominical et nocturne a été relancé la semaine dernière, notamment après la décision de deux enseignes de bricolage de ne pas respecter une décision judiciaire et d'ouvrir dimanche des magasins en région parisienne.

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul est économiste et professeur à l'université Toulouse I.

Il est l'auteur du rapport du Conseil d'analyse économique (CAE) intitulé Immigration, qualifications et marché du travail sur l'impact économique de l'immigration en 2009.

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Atlantico : La France est en plein débat sur le travail du dimanche. Là où les syndicats apparaissent divisés sur la question, Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France, a appelé à davantage de flexibilité sur BFM Business. Quelles sont les rigidités qui pèsent sur le travail actuellement en France, notamment sur les plus précaires ?

Gilles Saint-Paul : Les rigidités sont nombreuses et concernent à la fois les rémunérations, sujettes au SMIC et aux conventions collectives, les conditions de travail (35 heures, travail de nuit, travail du dimanche...), l'organisation du travail (entraves au licenciement, contraintes sur la mobilité interne, obligations en matière de formation, congés maladie, congés maternité, etc), la fiscalité (charges sociales, CSG...) et enfin les barrières à l'entrée et à la reconversion dues notamment aux obligations de diplômes dont certaines sont peu justifiées et dont beaucoup ne peuvent être obtenues par la formation continue. L'effet global de ces rigidités est de réduire la profitabilité des entreprises et les incitations à l'embauche et de déconnecter la formation des salaires de la situation sur le marché du travail. Il en résulte un taux de chômage structurellement élevé ainsi qu'un ajustement trop lent de l'économie française à des chocs macroéconomiques. Les travailleurs précaires sont ceux qui permettent aux entreprises d'obtenir le volant de flexibilité dont elles ont besoin. Plus l'économie est rigide, plus il est difficile d'accéder aux emplois protégés par ces rigidités et plus le nombre de précaires est élevé ainsi que le temps passé dans des emplois précaires.

Etudiant, tremplin vers l'emploi... Quelles sont les catégories de la populations que dépendent presque exclusivement du travail le dimanche pour une raison ou une autre ?

Aucune catégorie ne dépend "presque exclusivement" du travail du dimanche. Ce qui est certain c'est que des millions de gens verraient leur sort s'améliorer s'ils pouvaient augmenter leur revenu en travaillant le dimanche. Et ces gens sont généralement des étudiants, des ménages modestes, et des travailleurs précaires. C'est à dire les classes sociales que la gauche prétend représenter, mais qu'elle empêche de s'en sortir par elles-mêmes pour mieux les maintenir dans l'assistanat qui est au cœur de son programme politique.

Sans aller vers le 100% flexible, 24 heure sur 24 et 7 jours sur 7, quelles mesures intelligentes peuvent être adoptées pour remédier à ce problème sans que cela ne se fasse à l'encontre des salariés ?

L'idée qu'une libéralisation du marché du travail se fait à l'encontre des salariés est tout simplement fausse. Les rigidités créent des rentes pour certains salariés mais les autres dans leur ensemble y perdent. En ce qui concerne l'ouverture des commerces le dimanche, elle protège traditionnellement des petits commerçants qui ne veulent pas s'aligner sur de tels horaires. Mais tous les autres y perdent, à commencer par les consommateurs pris en otage de façon absurde. Ajoutons que de telles mesures sont complètement obsolètes à l'heure où tout un chacun peut acheter ce qu'il veut à tout moment sur Amazon ou Price Minister.  Mais comme nos ministres vivent encore en 1936... Ils n'ont peut-être pas de connexion internet...

Il est frappant de constater que pendant que le gouvernement s'échine à préserver l'emploi dans des sites industriels non rentables, ses alliés de la CGT détruisent des emplois rentables. Travailler le dimanche n'est après tout qu'une forme de "pénibilité" parmi d'autres, et ce n'est sûrement pas la pire. Avec ce type de raisonnement on pourrait fermer les hauts-fourneaux, les chantiers, les chaines de montage, etc.  De nombreux autres pays ont une réglementation du commerce de détail bien plus libérale et ne s'en portent pas plus mal. La Grande-Bretagne ou les Etats-Unis, par exemple ont un taux de chômage nettement plus faible que la France et ont créé bien plus d'emplois dans le secteur tertiaire.  La France est la risée des touristes qui la visitent, dont beaucoup proviennent de pays où l'on peut faire ses courses à trois heures du matin. Ces réglementations sont d'un autre âge et l'offensive contre les enseignes qui ouvrent le dimanche montre à quel point on fait peu de cas de l'emploi et du "redressement productif".

Une ouverture le dimanche réduirait la congestion dans le commerce le samedi ainsi que la congestion dans les lieux de loisir (musées, parcs à thèmes, forêts) le dimanche. Tout le monde en sortirait gagnant, que ce soit les travailleurs ou les consommateurs.

Personnellement je ne pense pas qu'il y ait lieu de réglementer spécifiquement le travail dominical. Cependant si l'on veut que celui-ci se fasse le plus possible sur la base du volontariat, il est important que les entreprises puissent cibler sans entrave les populations prêtes à travailler le dimanche. Cela passe dans bien des cas par des contrats à temps très partiel, notamment dans le cas des étudiants ou dans le cas de travailleurs désireux de cumuler avec un autre emploi. Or la soi-disant loi de sécurisation de l'emploi interdira les contrats à temps partiel de moins de 24 heures par semaine à partir de janvier 2014. Les dinosaures collectivistes qui ont pondu ce document n'en mesurent sans doute pas toutes les conséquences, mais il est clair que la libéralisation du travail dominical n'a jamais été un de leurs objectifs.

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