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Les Google Glasses sont-elles parties pour devenir aussi indispensables que nos téléphones portables ?
©Carlo Allegri / Reuters

Bientôt addicts ?

Les fameuses Google Glasses, lunettes à réalité augmentée capable de numériser votre environnement, n'en finissent plus de susciter les plus folles spéculations. L'occasion de revenir avec deux spécialistes des nouveaux médias sur un phénomène aussi fascinant qu'incertain.

Atlantico : Eric Schmidt, PDG du géant Google, vient de déclarer récemment que "la société s'adaptera aux Google Glass". Une sortie qui semble confirmer par le succès annoncé du phénomène. Cette affirmation vous semble t-elle plausible où s'agit-il d'un pur coup de com' ?

Jean-Marie Charon : Je pense qu'il faut resituer ces propos dans le contexte actuel. On sait qu'il y a aujourd'hui une incertitude très profonde quant à l'évolution des supports d'information et de communication. L'avenir du secteur ne reposera pas sur une ou deux plateformes (ordinateur/téléphone) comme on a pu l'imaginer. On constate sur les dernières années une multiplication des offres avec la démocratisation du smartphone et de la tablette qui sont des plateformes hybrides qui interagissent les unes entre les autres, ainsi qu'avec les supports traditionnels.

Toute la question pour les industriels du secteur est de savoir comment arriver à placer sur le marché les différents supports qui sont conçus en prototype. On peut citer le "e-paper" (papier électronique), support flexible qui était originellement destiné à la presse écrite mais qui touche aujourd'hui d'autres marchés (marché du livre, internet, notices, NDLR) et qui prend de nouvelles formes, on pense notamment à en faire un bracelet. L'autre exemple, plus connu, est celui de la radio amateur qui est devenu un média diffusé alors qu'au départ elle était pensé pour des échanges entre individus. 

On peut dire dans ce sens que Google est évidemment bien placé dans ce secteur en permanente évolution mais il n'en reste pas moins qu'il doit réussir à imposer son produit parmi d'autres. En décidant de produire un "opérateur de contenus", la compagnie prend un nouveau rôle qui s'ajoute à celui de producteur d'informations.

Je reste néanmoins prudent et préfère éviter d'affirmer qu'elles deviendront le support numérique central de demain. Nous parlons d'un secteur qui, par définition, est lié à une forte concurrence : l'usage est l'arbitrage et aucune prévision ne peut l'imposer . 

Bertrand Duperrin : J’ai rarement vu un PDG douter en public du potentiel d’un produit sur lequel son entreprise fonde de grands espoirs. Mais remarquez qu’il a également déclaré que le fait de devoir parler à ses lunettes était bizarre voire inconvenant en certaines circonstances.

Maintenant, ce qu’il dit est intéressant pour d’autres raisons. Il parle de l’adaptation de la société ce qui montre bien que dans son esprit ça n’est en rien une question de technologie – même si elle est naturellement perfectible – ni même de cas d’usages .

L’enjeu est clairement l’acceptation de l’outil et de ce qu’il incarne par la société.


D'aucuns tournent le phénomène en dérision en dénonçant l'aspect ridicule de l'objet. N'est-on pas en train de revivre le syndrome téléphone portable du début des années 1990, époque à laquelle cette innovation étant fréquemment moquée ?

Jean-Marie Charon : Il est difficile d'anticiper. Lorsque l'on regarde les cinq-six dernières années, on se rend compte que la plupart des prévisions sur l'évolution du secteur ont été contrariées. Citons à titre d'exemple, sur les smartphones, le boom imprévu des applications ou encore le faible décollage des contenus payants que l'on pensait pourtant démocratiser rapidement mais l'on peut incontestablement affirmer qu'une frange de la société est aujourd'hui très réceptive à ces innovations de support et qu'elle peut décider de s'en emparer pour en faire un signe de distinction. On parle souvent des plus jeunes mais on trouve aussi des technophiles chez des personnes moins jeunes tout aussi informés et cultivées. 

Bertrand Duperrin : Je ne pense pas qu’on raillera les possesseurs de lunettes. Ils étonneront peut être un peu au début mais c’est tout. Depuis l’époque des portables les périphériques mobiles se sont généralisés, font partie de notre vie et plus personne n’est surpris de voir des gens avec le téléphone à la main toute la journée. C’est devenu un objet totalement utilitaire comme une montre. Les Google Glass ne sont que le prolongement du phénomène.

Non, le risque est ailleurs. Il n’est pas que le possesseur de Google Glass ait l’air ridicule : il est qu’il fasse peur.

On l’a bien vu avec des établissements qui refusaient l’entrée aux possesseurs de Google Glass. On ne sait ce que fait l’utilisateur. Lit il une critique du restaurant ou s’approprie-t-il à leur insu des instants de la vie des autres convives ? C’est vraiment une question de vie en société, de respect et de confiance en les usages des uns et des autres.

Tant qu’un risque existera par rapport à la vie privée on ne pourra empêcher la peur, la méfiance, la gêne.  

Ira-t-on vers  une réglementation de l’utilisation de ce type d’objet dans les lieux publics ? A terme il y a de fortes chances.


Comment notre quotidien pourrait-il "s'adapter" à cette innovation ?

Jean-Marie Charon : Il ne serait pas honnête professionnellement de ma part de répondre à une telle question avec certitude. Bien que l'on puisse parfois avoir l'impression d'identifier des évolutions nettes et linéaires dans le numérique (comme l'accroissement du temps de connexion, NDLR), il n'en est rien dans les faits. Pour ce qui est de l'usage concret d'un tel outil, c'est encore une fois impossible. Personne n'aurait pu prévoir il y a 10 ans par exemple que nous verrions des personnes tapoter sur leur smartphone tout en marchant dans la rue. Idem pour les écouteurs.

Bertrand Duperrin : Basiquement un grand nombre d’usages de la Google Glass sont possibles sur mobile aujourd’hui. Ce qui change c’est la “vision tête haute” qui permet d’avoir une information contextualisée, rapidement, sans avoir à détourner a tête vers un écran.

Les usages sont donc quasi infinis. Réflechissez à toutes les situations du quotidien où une information complémentaire aurait de la valeur mais où la rechercher n’en vaut pas la peine. Une promo lorsqu’on regarde un magasin, des heures de correspondances voire le chemin jusqu’à la bonne porte dans une gare ou un aéroport, un plan quant on marche en ville, la critique d’un vin au restaurant…

Mais quid des rapports interpersonnels ? Avec le téléphone on voit bien que la personne avec qui on discute est “ailleurs”. Là on se posera toujours la question. Sans parler de la crainte d’une photo ou vidéo volée.

Robert Scoble, figure américaine des nouvelles technologies, affirme au bout de deux semaines qu'il ne peut plus se passer des fameuses Google Glass. Va t-on devenir désormais connecté en permanence ? Est-ce un risque ou une opportunité ?

Jean-Marie Charon : On trouve comme ailleurs des figures d'opinion, qualifiés d'experts, qui pensent être au coeur de l'innovation de demain. Elles appartiennent cependant à une catégorie de la population extrêmement mineure et dont les comportements ne sont pas forcément représentatifs. Cela me fait penser à ceux qui déclaraient lors de l'émergence du Web 2.0 que nous accéderions à une transparence totale. Les Googles Glass ne seront pas éternelles et évolueront comme d'autres produits ont évolué avant elles. Je terminerais en disant que plusieurs professionnels de l'innovation déclaraient déjà en 2007 qu'il était inutile pour les entreprises (notamment les groupes de presse) de faire leurs prospectives sur le smartphone ou l'ordinateur sachant que les produits développés en laboratoire viendraient bientôt les remplacer. L'arrivée du nouveau support que sont les Googles Glass en sont l'illustration. 

Bertrand Duperrin : On est déjà connecté en permanence. Sauf que là on l’aura sous les yeux. Notre cerveau pourra-t-il supporter toutes les informations qui sont susceptibles de nous être poussées si l’usage est poussé à l’extrême ? Peut on supporter cela toute la journée sans risques de migraines comme l’ont ressenti un certain nombre d’utilisateurs ?


Quels secteurs professionels seront les plus impactés ? Le monde du travail va t-il vivre en conséquence une petite révolution ? (voir ce lien éventuellement...)

Bertrand Duperrin : Les premiers concernés seront, je pense, les métiers où l’on a besoin d’information, de contexte, mais sans avoir d’ordinateur à sa disposition. Usines, chaines de montages…

Puis les métiers de relation client : on pourra avoir en direct toutes les informations sur le client avec qui on discute sans avoir à détourner son attention de la conversation.

Mais je suis sur qu’on est encore d’imaginer tout le potentiel d’un tel outil. Ainsi que ses dangers.


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